L’Australie s’est prononcée ce samedi lors d’un référendum visant à modifier la constitution pour assurer une meilleure représentation politique des populations aborigènes. Cependant les débats entourant cette question ont créé des dissensions au sein de la société et même dans les communautés autochtones. Certaines estiment que la nouvelle loi sera insuffisante pour offrir une reconnaissance adéquate.
Mise à jour du 16 octobre : Les Australiens ont voté « non » au référendum à plus de 60 % des voix. Le résultat a été le même dans tous les États. Le Premier ministre Anthony Albanese a accepté « la responsabilité des décisions qu’il a prises ».
Le 14 octobre, un référendum sera organisé en Australie pour décider de l’inscription dans la Constitution d’une procédure permettant aux populations aborigènes d’exercer un pouvoir de contrôle sur les décisions qui les touchent directement ou indirectement. Ce dispositif s’appellerait la Voix au Parlement (« Voice To Parliament »).
Les électeurs sont appelés à se prononcer sur une modification de la constitution pour « reconnaître les premières nations d’Australie en établissant une voix pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres ».
Si le oui l’emporte lors du référendum, la Constitution devra être modifiée afin de permettre à la Voix de formuler des recommandations au Parlement et au pouvoir exécutif concernant les questions qui touchent les populations autochtones. Cela entraînerait une reconnaissance constitutionnelle des populations autochtones.
Les membres de la Voix seraient choisis par les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres pour les représenter.
Les Aborigènes et les insulaires du détroit de Torres sont les premiers populations autochtones d’Australie. Actuellement, ils sont 980 000 personnes dans le pays soit près de 3,8% de la population australienne.
Depuis son élection en mai 2022, le Premier Ministre Australien Anthony Albanese considère la reconnaissance des populations aborigènes comme une de ses priorités majeures de sa politique. Il soutient que la victoire du oui contribuerait à aider les communautés autochtones à surmonter les inégalités auxquelles elles sont confrontées.
Les partis de gauche et les Verts se sont ralliés au gouvernement de centre-gauche d’Albanese en soutenant la Voix.
Un référendum critiqué par une partie de la communauté autochtone
Cependant, Lydia Thorpe, sénatrice indépendante d’origine autochtone et ancienne membre des Verts, s’oppose fermement à cette proposition. Elle soutient que la Voix est insuffisante et plaide en faveur d’un réel traité entre le gouvernement et les aborigènes.
La sénatrice prend l’exemple de la Nouvelle-Zélande qui a conclu un traité avec les populations Māori reconnaissant leurs droits politiques. Le Traité de Waitangi, signé en 1840 et document fondateur de la Nouvelle-Zélande, garantissait l’égalité des droits entre les Māoris et les sujets britanniques. Aujourd’hui, sept sièges parlementaires sont réservés aux sénateurs Māori.
Mais des dissensions sont apparues au sein des communautés autochtones. Certains leaders appellent à voter non au référendum car la Voix ne serait pas suffisante pour porter leurs revendications.
Pour Ben Abbatangelo, journaliste et écrivain des communautés Gunaï et Wotjobaluk, interrogé par ABC News, « l’idée, que les individus qui ont volé cette terre et ceux qui en ont directement profité utilisent un référendum pour envisager de reconnaître le peuple à qui ils l’ont volée, est insensée ».
Les partis libéraux ont fait campagne pour le non en insistant sur le fait que les modalités de fonctionnement de la Voix n’étaien pas claires. Ils s’inquiètent du manque d’informations officielles fournies par le gouvernement. L’un des slogans de leur campagne était « Si vous ne savez pas, votez non » (If you don’t know, vote no).
À l’approche du référendum, une rhétorique raciste dirigée contre les populations aborigènes s’est exacerbée, principalement sur les réseaux sociaux. La sénatrice Lydia Thorpe en a été la cible, faisant face à des menaces de mort. Lors d’une conférence de presse, elle a dénoncé que « des personnes veulent me tuer. Ils ne veulent pas que ma voix soit entendue ».
Comme pour les élections fédérales ou partielles en Australie, le vote pour le référendum est obligatoire pour tous les citoyens australiens. Ils sont tenus de se rendre dans l’un des 7 000 bureaux de vote. En cas de non-participation, les Australiens réfractaires recevront un avis de non-vote et devront payer une amende.