En Chine, l’affaissement des grandes villes met l’avenir de 270 millions de personnes en danger

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26 avril 2024

La construction excessive et l’extraction des eaux souterraines contribuent à l’affaissement des grandes villes chinoises, exposant des centaines de millions d’habitants à des risques d’inondation et d’autres dommages.

La vieille ville du district de Yanjin, Zhaotong, Yunnan.
Dans 100 ans, un quart du territoire chinois sera submergé par les eaux. | © 李大毛 没有猫

Alors que des pluies intenses et des inondations destructrices ont récemment entraîné des évacuations dans le sud de la Chine, des chercheurs ont démontré il y a quelques jours que l’urbanisation rapide exacerbe également l’affaissement des sols.

Des chercheurs de l’université de Pékin ont utilisé la technologie d’un satellite de l’Agence spatiale européenne pour mesurer l’ampleur de l’affaissement des sols dans 82 grandes villes chinoises. InSAR, la technique d’observation utilisée, a permis de constater que près de la moitié des terres urbaines examinées s’affaissent à un rythme rapide.

Dans 100 ans, un quart du territoire chinois pourrait être submergé par les eaux, concluent les chercheurs dans leur étude, publiée dans la revue Science le 18 avril. Ils ont mis en garde contre des problèmes importants si des mesures préventives ne sont pas prises rapidement.

Le changement de l’élévation des terres est due à une combinaison de facteurs : le changement climatique, qui entraîne une élévation du niveau des mers, l’épuisement des eaux souterraines pour subvenir aux besoins d’une population de plus en plus urbaine, et la construction de gratte-ciels.

Depuis le 16 avril, des pluies torrentielles soutenues dans la province de Guangdong ont forcé plus de 110 000 personnes à se reloger et ont tué au moins 4 personnes tandis que 10 autres sont toujours portées disparues.

L’affaissement des sous-sols, qui rend les terres plus vulnérables aux inondations, exacerbera alors l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes liée au changement climatique. Lorsque des quantités excessives d’eau sont pompées du sol plus rapidement qu’elles ne peuvent être reconstituées, cela provoque une subsidence de terrain qui se compacte, s’affaisse voire s’effondre.

Jakarta est considérée comme la ville qui s’affaisse le plus rapidement au monde, avec un affaissement du sol de 2 à 15 cm par an dû à l’extraction excessive d’eau.

Toutefois, en raison de l’urbanisation rapide, les villes chinoises sont en train de rattraper leur retard. Le pays s’engage dans une activité de construction à la plus grande échelle au monde, ajoutant 2 000 kilomètres carrés de sols artificiels par an.

En conséquence, 45 % des terres urbaines examinées s’affaissent à un rythme de 3 mm par an, ce qui affecte 270 millions de personnes. Plus grave encore, 67 millions de personnes vivent sur des terrains qui s’affaissent à un rythme de 10 mm par an. D’autres villes côtières connaissent un affaissement de 22 mm par an.

Ces résultats inquiètent les experts. Le changement climatique a déjà fait des villes côtières les plus exposées aux inondations et aux tempêtes, et avec un taux d’affaissement rapide des terres, ces conditions deviennent de plus en plus dangereuses.

L’année dernière, plus de 3 000 personnes ont été évacuées des gratte-ciels de la ville de Tianjin, dans le nord de la Chine, en raison de l’apparition de fissures massives sur les routes. Le gouvernement a indiqué que ces fissures étaient dues à un problème d’affaissement du sol, la ville figurant désormais parmi les cinq villes qui s’enfoncent le plus au monde.

Le phénomène n’est pas nouveau en Chine : Shanghai s’enfonce lentement et a baissé de 3 mètres en 100 ans en raison de la surexploitation des eaux souterraines et du poids des bâtiments.

Un problème mondial latent

Des villes des États-Unis et d’Europe connaissent également cette tendance inquiétante.

À New York, l’affaissement du sol se produit à un rythme de 1 à 2 mm par an en raison d’une construction excessive.

Une étude précédente publiée dans Geophysical Research Letters a révélé que 33 des 99 villes côtières examinées s’enfoncent à un rythme supérieur à un centimètre, ce qui est cinq fois plus rapide que le taux d’élévation du niveau de la mer. Cette étude a révélé de mauvaises nouvelles pour Houston, au Texas. Selon le rapport, la ville est en passe d’être complètement submergée d’ici 2100.

Les Pays-Bas sont également confrontés à ce problème depuis quelques temps. Maarten Kleinhans, professeur de géosciences et de géographie physique à l’université d’Utrecht, a décrit à POLITICO une « situation vraiment effrayante » aux Pays-Bas, où certaines régions du pays se sont construites à 10 mètres sous le niveau de la mer, et où les gens sont pris au piège d’un « faux sentiment de sécurité ». Amsterdam, par exemple, s’enfonce de 8 millimètres par an.

Toutefois, la Chine est le premier pays à être face à tant de situations d’affaissement des sols.

L’évaluation conclut que la situation est urgente et souligne la nécessité de renforcer les mesures de protection afin d’atténuer les dommages potentiels causés par l’affaissement du sol.

Les villes éponges de la Chine

Certaines villes côtières chinoises se préparent à l’élévation du niveau de la mer. Le Forum économique mondial a fait état de l’initiative chinoise « ville éponge » en 2015, qui investit dans des revêtements perméables, des étangs artificiels, des zones humides et des jardins de pluie qui stockent l’excès de précipitations. En veillant à ce que 80 % de tous les terrains urbains réutilisent les eaux pluviales grâce à ces infrastructures, une trentaine de villes, dont Shanghai, limitent l’extraction des eaux souterraines.

Toutefois, l’initiative « ville éponge » a été mise en œuvre de manière inégale, certaines villes ne disposant pas de la législation nécessaire pour réduire les risques d’inondation urbaine. Selon Reuters, les villes concernées restent vulnérables aux fortes pluies.

Les infrastructures ne peuvent supporter que 200 millimètres de pluie par jour alors qu’en 2023, de fortes tempêtes de pluie ont submergé Pékin avec plus de 745 millimètres en trois jours, tandis que Zhengzhou a subi 200 millimètres de précipitations en une heure seulement.

Bien que l’initiative ait eu des effets positifs la récente étude de l’université de Pékin montre bien que la majorité des grandes villes chinoises, y compris celles qui participent à l’initiative « ville éponge » comme Pékin, Shanghai et Tianjin, ne disposent pas des ressources adéquates pour atténuer les effets de l’affaissement du sol, qu’il soit dû à des conditions météorologiques extrêmes ou à l’extraction d’eau souterraine.

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.