L’inauguration de l’internat « Gentil Duarte » est prévue pour les 12 et 13 avril prochain dans une zone de la région de Caquetá contrôlée par des dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

C’est à 172 kilomètres de San Vicente del Caguán, dans une région du sud-ouest de la Colombie, sous contrôle absolu des FARC-EP (Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple) d’Iván Mordisco, qu’ouvriront bientôt les portes de l’internat « Gentil Duarte ».
Pseudonyme de Miguel Botache Santillana, Gentil Duarte était l’un des criminels les plus recherchés de Colombie et principal dirigeant des forces armées révolutionnaires dissidentes. Il est décédé le 31 mai 2022 dans une zone frontalière proche du Venezuela.
« C’était une grande personne »
Salud Hernández-Mora, journaliste pour le quotidien colombien Semana, s’est rendue sur place pour interroger la communauté quant à ce choix de nom pour le moins controversé. « Notre camarade était de cette région et il a aidé beaucoup de gens. C’était une grande personne, lui rétorque un habitant qui s’identifie comme membre du groupe dissident. Cet établissement éducatif aurait dû être réalisé par le gouvernement et non par les communautés, mais ils ne font rien, déclare-t-il, l’internat est un besoin urgent dans cette zone très reculée. »
En effet, les habitants de la zone expliquent avoir financé l’école avec l’argent des péages et des taxes payées par les éleveurs et les propriétaires agricoles en guise de contributions au Comité d’action communautaire qui, entre autres, maintient les routes en parfait état. Mais officiellement, on ne sait pas qui a financé ces travaux et pourquoi la communauté a permis de la baptiser « Gentil Duarte ».
Ces interrogations ont conduit différents acteurs politiques à penser que l’école avait peut-être le soutien des dissidents.
Quelques jours après avoir publiquement soutenu le mouvement et diffusé une vidéo invitant à se rendre à l’inauguration de l’établissement, le maire de San Vicente de Caguán, a fait marche arrière. En effet, Luis Trujillo a déclaré qu’il ne savait pas que l’institution portait le nom de l’ancien commandant de guérilla et qu’il était disposé à en discuter avec les communautés pour proposer une alternative. « J’ai été surpris par la vidéo qui indique que le pensionnat portera le nom d’un chef de guérilla. Si l’on veut que cela fonctionne légalement, l’école ne peut pas être une apologie du crime », a‑t-il expliqué.
Le gouvernement colombien a quant à lui nié la viabilité de l’infrastructure, notamment parce que son financement n’est pas clair. Le Défenseur des Droits, Carlos Camargo, a exigé la transparence sur l’origine du nom de l’école et les ressources utilisées pour sa construction.
En outre, il a demandé que des paramètres clairs soient établis avant d’envisager son ouverture. « Nous rejetons catégoriquement la célébration de membres de groupes armés illégaux, qui ont commis de graves violations des droits de l’homme. Les acteurs des groupes armés illégaux continuent de violer systématiquement les droits des enfants et des adolescents », a déclaré Camargo.
Revendications d’attentats
Que va-t-il arriver à l’internat ? Personne ne le sait car, sans reconnaissance nationale, on ne peut pas y envoyer d’enseignants. Et même si les communautés s’octroient les services de professeurs privés de la primaire au lycée, les enfants ne pourraient pas rejoindre le système académique officiel à la fin de leur cursus.
En 2016, les combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) achevaient officiellement leur démobilisation, marquant la fin d’un conflit de 53 ans avec le gouvernement colombien. Plus de 10 000 membres des FARC ont rendu les armes dans le cadre d’un processus vérifié par une mission des Nations Unies dans le pays.
Néanmoins, certains combattants des FARC ont rejeté le processus de paix. Une myriade de groupes armés, souvent appelés « groupes dissidents des FARC », ont émergé.
Au cours de ces dernières années, ces groupes ont revendiqué la responsabilité d’un attentat à la bombe contre une base militaire, ainsi que d’une fusillade contre un hélicoptère transportant l’ancien président colombien Iván Duque.