L’Assemblée nationale de l’Équateur a autorisé l’octroi de grâces spéciales aux forces armées et à la police dans le cadre de leur lutte contre les groupes criminels organisés. Le gouvernement tente d’utiliser les forces armées contre le crime organisé depuis 2022, alors que les homicides volontaires ont augmenté à l’échelle nationale.
L’Assemblée nationale de l’Équateur s’est réunie le 9 janvier pour discuter de l’état d’exception déclaré par le président Daniel Noboa lundi. L’organisation publique a publié un communiqué soutenant les mesures du président, y compris la mobilisation des forces armées de l’Équateur contre la criminalité, ainsi que les amnisties et les grâces qui leur sont offertes, dans la mesure où elles sont nécessaires pour « préserver la sécurité publique ».
Lundi, l’état d’exception a été déclenché en Équateur suite à l’évasion du détenu « Fito » de la prison et des émeutes qui s’en sont suivies. Mardi, des hommes armés ont interrompu une émission télé d’une chaîne d’information où les employés ont été pris en otage en direct.
Les indemnités qui seront accordées aux militaires dans le cadre de l’état d’exception ne sont pas clairement définies. L’Assemblée nationale a également déclaré qu’elle « n’empêchera aucune autorité publique » pendant l’état d’exception. Au cours des dernières années, l’Équateur et l’Assemblée nationale se sont progressivement orientés vers une lutte contre le crime organisé en ayant recours à l’armée, à mesure que la sécurité nationale s’est dégradée.
Militarisation progressive de l’Équateur contre le crime organisé
La campagne électorale de M. Noboa en 2023 proposait de mobiliser directement les forces armées contre le crime organisé, même si l’institution n’est pas destinée à cibler les menaces internes, conformément à la Constitution équatorienne.
Cependant, le 21 décembre 2023, il y a quelques semaines, l’Assemblée nationale a approuvé un projet de loi modifiant la constitution, permettant au président ou à la police nationale de faire appel à l’armée pour aider la police à lutter contre le crime organisé, dans des circonstances exceptionnelles.
Ce projet de loi avait été proposé par l’ex-président Guillermo Lasso en 2022, mais le gouvernement a depuis monté en intensité contre le crime organisé. M. Noboa a commandé la construction de deux prisons de haute sécurité, qui seraient les mêmes que celles construites par le président Nayib Bukele du Salvador, qui est actuellement dans un régime d’exception. Ces prisons sont connues pour y emprisonner des membres du crime organisé et pour leurs règles strictes à l’égard des détenus, et ont été critiquées par Amnesty International pour leur ignorance envers les droits de l’homme.
M. Noboa a également ordonné que 1 500 détenus étrangers en Équateur soient transférés dans des prisons situées ailleurs en Amérique du Sud, afin d’essayer d’atténuer les problèmes liés au trafic de stupéfiants. Le ministère de la justice a déclaré qu’il étudierait chaque détenu au cas par cas afin de mettre en œuvre cette mesure.
Dans une déclaration officielle, M. Noboa a indiqué que les actes de violence commis par des gangs, y compris la prise de contrôle armée d’une émission de télévision, sont le résultat des mesures strictes prises par le gouvernement à l’encontre des criminels.
Les mesures gouvernementales contre les criminels ont été prises dans un contexte de baisse de la sécurité publique en Équateur.
Selon l’Observatoire équatorien du crime organisé, une ONG chargée de suivre les statistiques criminelles, les homicides volontaires en Équateur ont augmenté de 528% entre les premiers semestres de 2019 et de 2023. L’année 2022 a vu 25 homicides intentionnels pour cent mille habitants, avec 4 342 assassinats au total, selon la police équatorienne. Parmi ces assassinats, 86 % ont été commis à l’aide d’une arme à feu.
Un nouvel état d’exception
L’état d’exception à l’échelle nationale a accordé des pouvoirs extraordinaires au gouvernement pour 60 jours. Cette déclaration permet au président de mobiliser la police et les forces armées à sa guise, dans tout le pays, ajouté aux amnisties supplémentaires de l’Assemblée nationale. Un couvre-feu obligatoire a été instauré dans le cadre de la déclaration, de 23h00 à 5h00.
La déclaration d’état d’exception de M. Noboa comprenait la désignation officielle de gangs spécifiques comme « groupes terroristes », choisis en fonction des rapports de police faisant état d’homicides volontaires en Équateur.
« Nous ne négocions pas avec les terroristes, nous ne nous reposerons pas tant que nous n’aurons pas rendu la paix à tous les Équatoriens », a déclaré Noboa dans son discours du 8 janvier.
Les militaires et la police ont reçu l’autorisation de M. Noboa de pouvoir neutraliser ces groupes terroristes.
Le chef des forces armées, Jaime Vela Erazo, a déclaré que ces groupes terroristes, qui opèrent à l’intérieur de l’Équateur, sont devenus des « cibles militaires ». Dans une déclaration officielle, M. Erazo a adressé un message à la population équatorienne, affirmant que la lutte contre le crime organisé serait couronnée de succès grâce à « l’effort de tous ».
Au cours de l’année écoulée, les citoyens équatoriens ont subi un nombre croissant de pertes et de blessés en raison de la recrudescence de la violence.
Entre janvier et novembre 2023, 7 271 homicides volontaires ont été enregistrés en Équateur, selon la base de données officielle du gouvernement. En utilisant les données du recensement officiel, cela représente près de 43 homicides volontaires pour cent mille habitants, soit une augmentation de 72 % par rapport à 2022.
L’ex-président de l’Équateur, Guillermo Lasso, a déclaré l’état d’exception pour la dernière fois en août 2023, lorsqu’un candidat à la présidence, Fernando Villavicencio, fut assassiné. L’état d’exception avait été déclaré afin de garantir la tenue des élections, selon M. Lasso. Les élections elles-mêmes étaient exceptionnelles, car furent provoquées par un scandale de corruption impliquant M. Lasso lui-même dans le trafic de drogue, un phénomène qui est lié à l’augmentation des homicides volontaires en Équateur selon la police.