L’Équateur déclare un nouvel état d’exception après des émeutes meurtrières dans ses prisons

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30 septembre 2021

Le gouvernement équatorien a décidé de déclarer encore l’état d’exception pour le système pénitentiaire après une nouvelle émeute dans une prison détenant des trafiquants de drogue qui a fait au moins 116 morts parmi les détenus. Les cartels se battent pour le leadership du marché de la cocaïne.

La police se prépare à vouloir rétablir le calme dans la prison de Penitenciaría del Litoral à Guayaquil
La police se prépare à vouloir rétablir le calme dans la prison de Penitenciaría del Litoral à Guayaquil | © SNAI Ecuador

Le 28 septembre, la Penitenciaría del Litoral, une prison de la ville portuaire équatorienne de Guayaquil, a été le théâtre de la pire émeute carcérale que le pays ait connue jusqu’à présent.

Selon les autorités, les incidents se sont produits entre détenus de différents pavillons de la prison. La police a indiqué que la situation était sous contrôle et a communiqué avoir saisi un fusil automatique, un pistolet, des couteaux et de la drogue. Le nombre de morts s’élèverait à environ 30 personnes, dont au moins 6 ont été décapitées.

Mais le 29 septembre, le président Guillermo Lasso a informé lors d’une conférence de presse que 116 personnes sont mortes au cours de l’affrontement de mardi et que plus de 80 ont été blessées.

Le président de l’Équateur a donc déclaré l’état d’exception sur le système pénitentiaire pour l’ensemble du territoire équatorien pendant 60 jours. L’état d’exception est une situation similaire à l’état d’urgence. Le décret donne aux forces de police et militaires le pouvoir d’agir à l’intérieur et à l’extérieur du périmètre de la prison pour rétablir le calme.

Augmentation de la violence en prison liée au trafic de drogue

Les prisons de l’Équateur, qui ont une capacité de 30 000 détenus mais incarcèrent 39 000 personnes selon la Comisión Interamericana de Derechos Humanos, ont récemment été des scènes d’épisodes de plus en plus violents.

Les gangs de la drogue se disputent le leadership du marché de la cocaïne depuis l’assassinat, en décembre 2020, du chef historique des Los Choneros, un gang prétendument lié au cartel mexicain de Sinaloa, qui dominait le marché.

L’Équateur est une plaque tournante de la chaîne d’approvisionnement en drogue. InSight Crime décrit le pays comme une « autoroute de la cocaïne ». Plus d’un tiers de la cocaïne produite en Colombie passerait par l’Équateur avant d’être expédiée aux États-Unis, en Europe ou en Asie. Et Guayaquil est le port le plus important du pays.

Le 13 août, une quantité record de 9,6 tonnes de cocaïne fut saisie dans une maison de Guayaquil. Une série d’assassinats par des tueurs à gages a rapidement suivi dans la ville.

La plus grande saisie de cocaïne en Équateur a eu lieu à Guayaquil : 9,6 tonnes
La plus grande saisie de cocaïne en Équateur a eu lieu à Guayaquil : 9,6 tonnes | © Ministerio de Gobierno Ecuador

Des drones ont attaqué une prison de Guayaquil

Le 19 septembre, les autorités ont saisi 160 paquets de cocaïne dans la ville de Guayaquil. Elles pensaient qu’ils étaient destinés à la Penitenciaría del Litoral.

Le 22 septembre, une semaine avant l’émeute meurtrière, une perquisition avait été effectuée dans cette même prison, dans un pavillon où sont détenus les membres de Los Choneros. La police a trouvé de nombreux téléphones portables, des armes à feu, des munitions, 27 couteaux, une grenade et même 12 bâtons de dynamite.

Le 25 août, quelques jours après qu’un décès le signalement d’un décès dans la prison, la police a fouillé deux autres pavillons de la Penitenciaría del Litoral.

L’un d’eux incluait une piscine aménagée creusée dans le béton, ainsi que les symboles et les noms des deux récents dirigeants de Los Choneros. Une autre aile avait 5 000 sachets de drogue, un poste de garde dédié ou encore un fusil automatique caché dans le toit. Des munitions et des smartphones ont également été saisis.

Un fusil automatique caché dans le toit d'une prison de la Penitenciaría del Litoral de Guayaquil en Équateur
Un fusil automatique caché dans le toit d’une prison de la Penitenciaría del Litoral de Guayaquil en Équateur | © Policia Nacional

Il y a deux semaines, l’établissement de sécurité maximale de la Regional de Guayaquil, une prison située à quelques mètres de la Penitenciaría del Litoral, a été attaqué par des drones.

À l’aube, trois grosses explosions ont endommagé le toit du centre pénitentiaire avec les détenus les plus dangereux du pays, parmi lesquels les deux nouveaux leaders de Los Choneros. Les villageois auraient même imaginé que le bruit venait d’un tremblement de terre. Il n’y a pas eu de victimes.

Armes saisies dans la prison de Turi après les émeutes de février 2021 qui ont fait 79 morts parmi les détenus
Armes saisies dans la prison de Turi après les émeutes de février 2021 qui ont fait 79 morts parmi les détenus | © SNAI

L’état d’exception trop souvent utilisé selon la Cour constitutionnelle

Le Service National d’Attention Globale aux Adultes Privés de Liberté et aux Jeunes Délinquants de l’Équateur considère qu’ils sont « au milieu d’une guerre entre cartels internationaux ». En fait, les gangs équatoriens agissent plutôt comme des sous-traitants et se chargent d’expédier ou de distribuer la drogue provenant des cartels mexicains ou colombiens.

Et l’année 2021 a été marquée par plusieurs épisodes de violence carcérale entre trafiquants de drogue en Équateur.

En février, des attaques coordonnées dans quatre prisons différentes, dont les deux établissements de Guayaquil, se sont soldées par la mort de 79 détenus. Il s’agissait vraisemblablement d’une embuscade tendue aux Choneros par des groupes dissidents et d’autres concurrents comme Los Lobos ou Los Tiguerones.

Il s’agissait alors du pire incident de ce type dans le pays, avant celui de septembre.

En juillet, 27 autres détenus ont été tués dans diverses prisons du pays. La police a ensuite communiqué qu’elle avait également arrêté environ 80 personnes qui s’étaient échappées pendant les émeutes.

Le président équatorien, en poste depuis mai, avait déjà déclaré un état d’urgence sur le système pénitentiaire en juillet.

Mais le recours à ce type de mesure est plutôt courant dans le pays ces derniers temps. Son prédécesseur Lenín Moreno avait également pris deux décrets déclarant l’état d’exception pour des problèmes dans les prisons en août et octobre 2020.

À l’époque, la Cour constitutionnelle de l’Équateur s’était prononcée contre cette pratique. Elle avait souligné que ces mesures devaient être temporaires et ne devaient pas se substituer à des actions structurelles visant à résoudre les problèmes dans les prisons.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.