Les Pays-Bas ont suspendu un service de messagerie numérique qui permettait aux détenus de rester plus facilement en contact avec le monde extérieur. Les autorités craignent que des activités criminelles soient organisées par ce système.
Aux Pays-Bas, les familles ont la possibilité de communiquer avec les détenus directement depuis leur téléphone via un service de messagerie numérique appelé eMates.
Mais le ministre de la protection juridique Franc Weerwind a décidé que le service de messagerie serait suspendu à partir du 28 mars. La sécurité du processus suscite des inquiétudes et les autorités craignent que des criminels poursuivent leurs opérations illégales directement depuis la prison.
Le ministre Weerwind en a informé la présidente de la Chambre des représentants dans une lettre envoyée le 24 mars.
Le ministère public (OM) a informé le Département des institutions correctionnelles (DJI) qu’il était préoccupé par le service de messagerie numérique eMates. Il s’inquiète de la manière dont les données sont traitées, des personnes qui ont accès aux données et de la manière dont la confidentialité est assurée.
Selon l’OM, la procédure de surveillance est « sous pression » car le personnel pénitentiaire ne peut pas correctement filtrer et surveiller tous les messages, ce dont en profitent certains détenus. « Si le nombre d’e-mails n’est pas limité et qu’un grand nombre de messages numériques non filtrés peuvent être envoyés vers l’extérieur, comme c’est actuellement le cas via eMates, il existe un risque considérable de poursuite des activités criminelles au sein de l’établissement pénitentiaire », note l’OM.
eMates est un service de messagerie utilisé aux Pays-Bas depuis 2013. C’est un moyen de communication pratique par rapport aux traditionnels courriers, les appels téléphoniques ou les rencontres au parloir. Les familles peuvent utiliser leur téléphone pour envoyer des messages aux détenus.
Chaque message peut comporter jusqu’à 2 500 caractères et coûte 45 centimes (0,50 dollar). Une photo jointe au message coûte 30 centimes de plus. L’e-mail est envoyé au centre de surveillance de la prison qui l’imprime, le met dans une enveloppe qui est ensuite remise au détenu. Comme pour le courrier, son contenu peut être contrôlé par souci de sécurité, sauf pour des raisons de confidentialité accordées par la loi, comme pour les messages envoyés par les avocats.
Le détenu peut répondre une fois à un message par une lettre manuscrite qui est ensuite scannée et renvoyée à la personne concernée, qui devra payer 30 centimes supplémentaires.
Selon l’entreprise, plus de 200 000 messages sont envoyés électroniquement chaque année dans les centres pénitentiaires des Pays-Bas. Compte tenu du volume élevé de messages échangés, toutes communications peuvent difficilement être surveillées.
De plus, comme le service est spécifiquement dédié aux détenus, les données de l’entreprise pourraient faire l’objet d’utilisations malveillantes, selon le ministre.
Le ministre justifie la décision de suspendre le service par le fait qu’il n’existe aucun accord contractuel entre les institutions correctionnelles et eMates concernant la sécurité, la confidentialité des données ou la supervision du contenu. Les autorités examinent la situation et ont donc suspendu les services d’eMates pendant ce temps.
Selon la NRC, les inquiétudes ont émergé lorsque les autorités se rendues compte que des dizaines de messages étaient échangés chaque jour entre Ridouan Taghi et Youssef T, son cousin et avocat. Ils sont soupçonnés d’avoir été en train d’élaborer un plan d’évasion.
Ridouan Taghi était le criminel le plus recherché des Pays-Bas jusqu’à son arrestation à Dubaï en 2019. Il est accusé de diriger l’une des plus grands et des plus dangereux réseaux de trafic de drogue d’Europe. Il est également soupçonné d’avoir orchestré plusieurs meurtres, dont l’assassinat du journaliste néerlandais Peter R. de Vries en juillet 2021 alors qu’il était en prison.
Ridouan Taghi est incarcéré à Extra Beveiligde Instelling (EBI), la prison la plus sécurisée du pays. La communication intense avec son cousin a été découverte au cours d’une enquête qui a conduit à l’arrestation de Youssef T.
Selon la lettre du ministre, les communications à l’intérieur et à l’extérieur de l’EBI sont toutes surveillées.
L’entreprise a intenté une action en justice lundi contre le Département des institutions correctionnelles afin d’annuler la suspension, selon Nos. « Nous travaillons avec les dernières exigences en matière de sécurité et le respect de la vie privée est de la plus haute importance », a déclaré le directeur de la société. L’entreprise ne veut pas cesser ses activités pendant que les accords sont examinés.
eMates est partiellement détenue par Unilink, une société tech britannique spécialisée dans les services aux établissements pénitentiaires. Elle est aussi présente au Royaume-Uni, en Australie, en Norvège et en Amérique du Nord, selon son site Internet.
Sur ses réseaux sociaux, eMates a déclaré mardi que les messages seraient envoyés par PostNL, la société nationale des postes, afin de contourner les restrictions pour le moment.