La Banque mondiale retire, pour l’instant, un rapport sur l’éducation aux Philippines jugé “insultant”

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9 juillet 2021

La Banque mondiale a publié un rapport sur l’éducation aux Philippines. Mais cette revue du système éducatif philippin a suscité une vive réaction de la part des autorités, qui l’ont considéré comme une « insulte ». La Banque mondiale a reconnu la « publication par inadvertance du rapport » et l’a momentanément retiré mais sans en réfuter les conclusions.

School in the Philippines
The World Bank report « insulted » the Philippines according to the Department of Education of the country

Début juillet, les médias locaux philippins ont relayé la vision de la Banque mondiale sur le système éducatif philippin. La publication soulignait que 80 % des élèves se situent en dessous des niveaux de compétence minimale, ce qui a d’abord alarmé puis mis en colère les autorités du pays.

Les mauvais résultats des élèves en lecture, en écriture et en mathématiques se fondaient sur les observations de divers programmes d’évaluation internationaux, dont deux auxquels les Philippines avaient récemment adhéré.

Selon le ministère philippin de l’Éducation, la Banque mondiale a reconnu l’erreur de publier « d’anciennes données basées sur les scores PISA de 2019″ qui « ont infligé un préjudice au DepEd et au gouvernement ».

Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE est une enquête triennale menée auprès d’élèves de 15 ans dans 79 systèmes éducatifs. En 2018, « les élèves de quinze ans des Philippines ont obtenu des résultats plus faibles en lecture, en mathématiques et en sciences que ceux de la plupart des pays et économies qui ont participé » au programme. De plus, l’étude a montré que près de deux tiers des élèves ont déclaré « être victimes d’intimidations au moins quelques fois par mois », contre 23 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Toutefois, des données plus récentes ne sont pas disponibles car les pays membres de l’OCDE et les pays associés ont décidé de reporter l’évaluation PISA 2021 à 2022 en raison du Covid-19.

Les Philippines en queue de peloton des tests sur l’éducation

En 2019, le TIMSS, un programme international évaluant les résultats en mathématiques et en sciences chez les élèves de 4e degré (élèves qui ont généralement 9 ou 10 ans, l’équivalent du CM1 en France) a montré que les Philippines avaient les plus faibles performances des 58 pays.

Le Southeast Asia Primary Learning Metrics 2019 de l’Unicef pour les apprenants de 5e degré (élèves habituellement âgés de 10 ou 11 ans, l’équivalent du CM2 en France) a montré que la lecture, les mathématiques et l’écriture étaient inférieures aux scores moyens des autres pays participants.

Leonor Briones, la secrétaire du ministère philippin de l’Éducation, a exigé des excuses publiques de la Banque mondiale qui a « insulté » et « fait honte » au pays. L’académicienne de 80 ans a estimé que le rapport prenait en compte des informations anciennes et ne tenait pas compte des efforts déployés par le pays pour améliorer le système éducatif depuis 2019. De plus, la Banque mondiale n’a pas suivi la procédure standard consistant à consulter les responsables du ministère de l’Éducation sur les conclusions du rapport avant sa publication. L’organisation avait présenté ses excuses à la secrétaire d’État, mais celle-ci a exigé qu’elles soient publiques. Le ministère des Finances a soutenu la demande d’excuses publiques, car elle entraîne un « risque excessif pour la réputation du secteur de l’éducation aux Philippines ».

La Banque mondiale regrette une publication plus tôt que prévu

Les autorités regrettent que « les réformes fortement soutenues et financées par le gouvernement, les partenaires locaux, les partenaires nationaux et les organismes multilatéraux » n’aient pas été reconnues ou qu’il n’ait pas été fait mention « d’un accord de prêt pour un important programme visant à améliorer les compétences des enseignants, en cours de négociation avec la Banque mondiale ». Le ministère fait référence au Projet d’amélioration de l’efficacité et des compétences des enseignants, un prêt estimé à 120 millions de dollars dont le concept remonte à 2018 et qui devait être mis en œuvre en juillet 2019.

Depuis 2020 et la crise du Covid-19, les chances d’une amélioration spectaculaire récente sont cependant faibles. « Le Covid affecte tous les systèmes scolaires dans le monde, mais c’est encore pire ici », a déclaré le responsable de l’éducation de l’Unicef aux Philippines à Inquirer en mars dernier.

Début juillet, le sous-secrétaire à l’éducation, Nepomuceno Malaluan, avait accueilli les résultats du rapport « comme un défi » avec des résultats « alarmants ». Les demandes d’excuses cherchent plutôt à défendre le travail de l’administration. Le sous-secrétaire a regretté que le rapport ne reconnaisse pas les initiatives de réforme du gouvernement et que « le défi de la qualité de l’éducation est un produit du développement de l’histoire ».

Parce que le département de l’éducation n’a pas pu défendre son travail, la Banque mondiale « regrette que le rapport sur l’éducation ait été publié par inadvertance plus tôt que prévu et avant que le département de l’éducation n’ait eu la possibilité de fournir des informations ». L’institution ne mentionne pas qu’elle regrette les conclusions ou l’utilisation de données de 2018 et mentionne par ailleurs qu’elle est « consciente des divers efforts et programmes du ministère pour relever les défis de la qualité de l’éducation ». Au lieu de cela, elle préfère « reconnaître la publication par inadvertance du rapport ».

La Banque mondiale a temporairement retiré la publication de son site Internet.

The World Bank temporarily removed the publication from the website.

Car comme l’a déclaré le ministère de l’éducation, « donner un aperçu de la situation actuelle sans son contexte historique peut facilement donner l’impression que c’est l’administration actuelle qui est à blâmer ».

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Sources et liens utiles :

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.