En Nouvelle-Zélande, trois victimes d’un délinquant sexuel ont décidé de s’exprimer et de rendre leur nom public. Mais l’auteur des agressions et une autre partie prenante du procès veulent que son nom reste confidentiel. L’affaire est désormais entre les mains de la Cour suprême.
Le 19 octobre, la Cour suprême de Nouvelle-Zélande est rassemblée lors d’une audience pour une affaire qui touche aux principes de la justice pour les mineurs, les perspectives de réinsertion des délinquants et des victimes d’agressions sexuelles, et les conséquences liés à la publication de leurs noms.
Il s’agit ici d’une affaire de délits sexuels sur mineurs, dans laquelle un adolescent a tenté de violer trois victimes adolescentes et les a agressées sexuellement à plusieurs reprises.
Deux des victimes, âgées de 17 ans et amies de l’auteur en 2020, ont été emmenées dans sa chambre à l’occasion de soirées. Il y a violé l’une des victimes et, à une autre occasion, a tenté de violer l’autre jeune fille, mais a été empêché par la première victime.
Un autre événement avait eu lieu en 2014, entre lui et une autre victime, tous deux âgés de 14 ans à l’époque. Cette dernière a déclaré avoir été agressée sexuellement.
Les victimes ont décidé de parler publiquement
Les trois victimes ont décidé de porter plainte en 2022 après avoir parlé entre elles des faits, ce qui a conduit à un procès et à la condamnation de l’auteur à 12 mois d’assignation à résidence, ainsi qu’à la publication de son identité.
Les trois victimes, Rosie Veldkamp, Ellie Oran et Mia Edmonds, ont décidé de révoquer la suppression de leur nom, ce qui était devenu possible depuis qu’elles sont devenues adultes, et se sont exprimées sur ce qu’elles ont subi. Les trois jeunes femmes ont détaillé les lieux, les heures et le contexte de leurs agressions dans une article intitulé « Not Our Shame » (Pas notre honte).
Elles aimeraient que l’agresseur, qui fréquentait l’université d’Auckland l’année dernière, soit « publiquement responsable » et que son nom soit divulgué.
Mais une partie prenante de l’affaire non divulguée – il peut s’agir d’un témoin, d’une victime ou d’une personne liée à l’affaire – a demandé la suppression de son nom et de celui de l’auteur des agressions.
Cette demande, qui s’ajoute aux appels répétés de l’avocate de la défense, a abouti à la saisie du dossier par la Cour suprême. À ce jour, son nom n’a pas été publié.
En Nouvelle-Zélande, la loi prévoit la suppression automatique de l’identité des plaignants dans toutes les affaires d’infractions sexuelles. Mais la suppression du nom de toute personne liée à une affaire peut également être autorisée par le système judiciaire, sous certaines conditions.
L’auteur de l’infraction a fait appel au tribunal de district d’Auckland pour demander la suppression de son nom en invoquant un préjudice injustifié, estimant qu’il pourrait être pointé du doigt parce qu’il s’agit d’une affaire très médiatisée.
Cette demande a été rejetée. La Haute Cour a rejeté le même appel après une deuxième tentative. L’auteur de l’infraction a alors fait appel devant la Cour d’appel, tentant de renverser la décision de la Haute Cour. Ce recours a également été rejeté. L’appel a maintenant été transmis à la Cour suprême pour qu’elle prenne une décision finale.
Son avocate avant que son autisme récemment diagnostiqué justifie l’anonymat
Pendant ce temps, une personne dont l’identité n’est pas publique a également déposé un recours visant à supprimer la mention de son propre nom et celui de l’auteur de l’agression, afin qu’aucun lien entre elle et l’affaire ne soit faite.
La Cour d’appel avait rejeté la demande de suppression du nom de l’auteur de l’infraction estimant qu’elle n’était « pas fondée » même si elle permettait d’éviter de porter préjudice à cette deuxième personne requérante. Cependant, cette personne fait également partie des éléments que la Cour suprême prendra en compte.
L’avocate de l’auteur des faits, Emma Priest, a déclaré que son récent diagnostic d’autisme du coupable devrait justifier la suppression de son nom. Elle a ajouté que « si la Cour autorisait son client à être nommé, cela affecterait grandement sa capacité à être réhabilité », selon Stuff. Elle a également déclaré que son traitement médical avait réduit le risque de récidive.
La Cour suprême a accordé la suppression du nom de la personne jusqu’à ce que la décision soit rendue, et la publication de son nom sera supprimée pendant une « courte période » afin de « donner au défendeur la possibilité de communiquer le résultat comme il se doit », si l’appel est finalement rejeté.
Selon les données du ministère de la Justice, la suppression du nom après une décision de justice d’une personne inculpée ne représentait que 0,7 % (1 440) de toutes les inculpations portées devant un tribunal néo-zélandais en 2022–2023.
Les agressions et infractions sexuelles représentaient 43 % de ces suppressions de nom, soit plus que tout autre type d’infraction.
Du côté des victimes, en 2020, une Note de recherche sur les processus de suppression de nom pour les victimes de violences sexuelles, rédigée par la Conseillère principale pour les victimes auprès du gouvernement, indiquait que les victimes et les plaignants invoquaient rarement leur droit de lever leur anonymat jusque dans les années 2010. Cependant, au cours des dernières années, il y a eu un nombre croissant d’ordonnances visant à lever la suppression « afin d’empêcher les délinquants de dissimuler leur propre identité ».
L’avocate Nikki Pender y ajoutait que « le courage des survivants qui partagent leur histoire en inspire d’autres et leurs histoires peuvent constituer des récits puissants pour contrer les mythes bien ancrés autour du viol », mais elle a également regretté que « le système actuel crée des obstacles inutiles pour ceux qui souhaitent s’exprimer et les oblige à dépenser de grosses sommes d’argent en frais de justice ».