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La fin de la malbouffe près des écoles mexicaines ?

4 minutes de lecture
12 février 2021

Le Sénat mexicain a voté à l’unanimité contre la vente de malbouffe à proximité des écoles. Il s’agit du dernier effort en date pour réduire le taux élevé d’obésité infantile dans le pays.

Bonbons et gateaux en vente sur un étal du Mexique
Bonbons et gateaux en vente sur un étal du Mexique | Carolina Lopez, Mexico

Le 11 février 2021, le Sénat mexicain a voté à l’unanimité une modification de l’article 75 de la loi générale sur l’éducation afin d’interdire la vente de malbouffe à proximité des campus scolaires.

Les habitudes alimentaires et de consommation des Mexicains constituent un problème de santé majeur pour le gouvernement. En 2016, le Mexique a même déclaré un état d’alerte en raison des décès dus au diabète.

Selon un rapport de l’OCDE de 2019, 73 % des Mexicains sont en surpoids. Pire que cela, 1 enfant sur 3 est en surpoids et l’obésité infantile a doublé entre 1996 et 2016, atteignant le record mondial de 15%.

Le vote, effectué pour la première fois à distance en raison de la pandémie de COVID-19, est la dernière tentative en date pour réduire ce taux d’obésité infantile.

Dix ans de combat contre la malbouffe

La proposition, qui fut soumise en janvier 2020 avant la fermeture des écoles, ne vient en effet que s’ajouter aux restrictions précédentes qui tentent de lutter contre les régimes alimentaires mauvais pour la santé des enfants.

En octobre dernier, un arrêté sur l’étiquetage des emballages a été promulgué. Il impose d’informer de la qualité nutritionnelle des produits avec la quantité de sucre, de sel ou de graisses saturées qu’ils contiennent.

De plus, des marques de céréales comme Kellogg’s ne peuvent pas utiliser un emballage avec des personnages sympathiques et attrayants comme des célébrités ou Tony le tigre sur les Frostie’s.

Frosties avec un paquet neutre au Mexique
Frosties avec un paquet neutre sans Tony le tigre au Mexique | XalapaNacional, Twitter

En août l’Oaxaca, une région du sud du Mexique, a interdit la malbouffe, ou « comida chatarra », et les sodas en vente aux enfants de moins de 18 ans. L’État de Tabasco a suivi avec une loi similaire peu de temps après. En 2015, les écoles se sont vues de l’obligation de fournir de l’eau.

Un an auparavant, le gouvernement fédéral avait mis en place une taxe sur les boissons sucrées et certains produits n’étaient plus autorisés à faire de la publicité pendant les programmes télévisés pour enfants.

Rétrospectivement, certaines directives semblent dérisoires. En 2011, les boissons gazeuses n’étaient plus vendues dans les écoles primaires. Mais les frites, seulement cuites mais non frites, les bonbons et les biscuits étaient toujours disponibles.

Davantage de restrictions ou une meilleure éducation ?

La loi ne précise pas quels produits sont considérés comme mauvais pour la santé, si ce n’est qu’ils doivent suivre les classifications d’étiquetage du secrétariat à la santé.

Les géants de l’industrie alimentaire auraient en effet peu goûté si des produits et marques soient montrées du doigt alors qu’elles sont déjà frappées par de récentes mesures. Les entreprises en fait prônent une autre approche, qui fait davantage appel à la responsabilité personnelle, comme celle des parents, et à la promotion d’une meilleure éducation alimentaire.

L’industrie alimentaire considère aussi que tous ses efforts en faveur de produits plus sains seraient de toute façon en concurrence avec la malbouffe vendue dans la rue. La nouvelle loi vise à réduire ces risques, même si elle ne précise pas où les restrictions s’appliqueront.

Face aux arguments économiques de l’industrie agro-alimentaire, l’OCDE estime que l’obésité au Mexique supprime 5,5 points de pourcentage du produit intérieur brut du pays.

Mais la question est aussi plus complexe que cela.

Un problème sociétal

Les politiques mexicains peuvent également être en désaccord entre eux sur la question de savoir qui doit être responsable de la santé des enfants.

Dans l’État d’Oaxaca, ce sont les parents qui sont chargés de respecter la loi.

Mais la proposition nationale mentionne que les autorités éducatives sont responsables de l’interdiction de la vente d’aliments à faible valeur nutritionnelle et très caloriques aux abords des campus scolaires. En outre, elles devront fournir des aliments sains dans leurs établissements, de préférence produits localement.

Pourtant, il n’est pas habituel au Mexique que les écoles fournissent un véritable déjeuner aux enfants, surtout dans les zones urbaines.

Les élèves ont tendance à juste prendre un en-cas avant un repas après les cours plus tard dans l’après-midi. Sinon, ils reçoivent un sac contenant le déjeuner préparé par leurs parents ou reçoivent de l’argent pour acheter de la nourriture, directement à un comptoir situé dans l’école ou dans la rue.

Une étude réalisée en 2013 à Tijuana s’est intéressée au panier repas que les enfants recevaient. Les chiffres étaient éloquents : 99 % des paniers repas des élèves d’école primaire étaient préparés à la maison, et 73 % d’entre eux étaient considérés comme non équilibrés. À l’école maternelle, 99 % des paniers repas se sont révélés être mauvais pour la santé.

Une autre étude fut publiée en 2019, basée sur des entretiens avec des enfants âgés de 8 à 12 ans dans la ville de Mexico. L’objectif était de comprendre les facteurs sociaux dans l’obésité. Elle a révélé que « les discours entourant l’alimentation et l’activité physique » construisent leurs choix nutritionnels. Trois lieux modèlent leurs choix : l’école, la maison, la rue. Et l’étude de conclure : « Il ressort clairement de la recherche que les parents et les enseignants doivent être davantage soutenus pour aider leurs enfants à faire des choix sains ».

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Sources et liens utiles :

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.