La police australienne critiquée pour sa gestion du cas d’un enfant autiste accusé de terrorisme

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19 février 2024

Une audition parlementaire en cours explore les événements liés à une affaire datant de 2021 en Australie qui a abouti à des accusations de terrorisme contre un adolescent.

Une voiture de police avec ses phares allumés dans une rue en Australie.
Une voiture de police australienne | © Zoe Askew

Au cours d’une audition parlementaire dans l’État du Victoria, un sénateur du troisième plus grand parti politique d’Australie a critiqué la police fédérale pour sa gestion des accusations de terrorisme portées contre un adolescent autiste.

David Shoebridge, sénateur du parti Vert, a réprimandé la police fédérale australienne (AFP) pour « l’abus obscène de pouvoir et d’autorité » dans cette affaire, appelant même à un examen indépendant pour que les personnes impliquées soient tenus responsables. « La radicalisation était le résultat des actions de vos propres officiers », a déclaré M. Shoebridge.

L’audience fait suite à une série d’évènements qui ont débuté en 2020, lorsque le ministère de la santé et des services sociaux du Victoria a signalé qu’un garçon de 13 ans, connu sous le nom de Thomas Carrick, avait consulté du matériel à caractère terroriste sur les ordinateurs de l’école. Ils ont également allégué dans un rapport qu’il avait proféré des menaces à l’encontre d’une élève et envoyé une photo d’un corps décapité à un camarade.

Par la suite, ses parents ont demandé de l’aide à la police de Victoria en raison de sa fixation continue sur les vidéos des dirigeants de l’État islamique (EI). Ils ont expliqué qu’il regardait continuellement de telles vidéos et qu’il avait demandé à sa mère d’acheter des ingrédients pour fabriquer des bombes. Le père a même déclaré à la police qu’il était « prêt à sacrifier [son] fils pour la sécurité de la communauté australienne. »

La police de l’État de Victoria a entamé un processus thérapeutique et de réadaptation pour aider Thomas. Étant donné que son QI avait été évalué à 71, un psychologue a estimé que sa fixation sur l’EI n’était pas fondée sur une idéologie religieuse et qu’il « avait peu de connaissances sur l’islam. »

Les parents ont fourni à l’Équipe conjointe de lutte contre le terrorisme (JCTT) l’accès à son domicile, à son téléphone et des informations sur son école et son psychologue. Un policier qui a rédigé un rapport après avoir examiné le téléphone de Thomas a déterminé qu’il semblait également fasciné par la Chine et le Parti communiste, mais qu’il n’avait pas téléchargé d’images religieuses ou de versets du Coran. La police a également organisé des rencontres régulières entre Thomas et un imam pour répondre à ses questions.

Moins d’un mois après le début de la collaboration avec la police, un psychologue extérieur a indiqué que les fixations de Thomas devaient être considérées dans le contexte de son trouble du spectre autistique et de sa déficience cognitive. « L’un des principaux critères diagnostiques des TSA est l’existence d’intérêts très restreints et fixes dont l’intensité ou la focalisation est anormale, » a expliqué le psychologue à l’assistance sociale.

Pourtant, trois mois après que ses parents se sont adressés à la police, le JCTT, composée de la police fédérale australienne, de la police de l’État de Victoria et de membres de l’Australian Security Intelligence Organization, a également commencé à rassembler des preuves et des informations pour l’inculper d’infractions terroristes dans le cadre d’une opération appelée « Bourglinster ».

À son tour, la JCTT a utilisé des agents infiltrés pour communiquer et manipuler Thomas en ligne, l’un d’eux se faisant passer pour un musulman de 24 ans qui a discuté avec lui pendant 55 jours, produisant 1 400 pages de discussions en ligne. L’agent a finalement présenté Thomas à un autre agent qui s’est fait passer pour un extrémiste étranger, ce qui a conduit Thomas à lui envoyer une photo de lui en uniforme scolaire, portant un masque et tenant un couteau sur lequel était écrit « ISIS », l’acronyme de l’État islamique en anglais.

Après une perquisition à son domicile, le jeune de 14 ans a été inculpé en octobre 2021 pour appartenance à une organisation terroriste et incitation au terrorisme. Ces infractions étaient passibles respectivement jusqu’à 10 ans et 5 ans d’emprisonnement.

Pourtant, lors d’un jugement au tribunal pour enfants de Victoria fin de l’année dernière, un sursis permanent a été ordonné contre Thomas, la magistrate Lesley Fleming ayant déterminé que la conduite de la police « était loin de répondre aux normes minimales attendues des agents chargés de l’application de la loi » et que la réhabilitation de Thomas avait été « contrariée ».

Malgré ces critiques, le commissaire adjoint de l’AFP, Ian McCartney, a déclaré aux participants à l’audition parlementaire qu’il donnerait à nouveau son accord à l’opération. « La personne était sur le chemin de la radicalisation bien avant que nous n’intervenions, » a‑t-il déclaré. « Cette radicalisation n’était ni notre intention ni notre objectif. » Il n’a pas non plus voulu confirmer si des mesures avaient été prises contre les agents impliqués.

Des groupes de défense des droits civils, dont des représentants locaux du Conseil islamique de Victoria, ont demandé au gouvernement fédéral d’enquêter sur l’affaire.

Scott Murphy

Scott est journaliste pour Newsendip.

Scott est américain et vit à Hong Kong depuis de nombreuses années. Il possède une vaste expérience comme journaliste lifestyle, intervieweur et producteur de télévision. Ses articles sont également parus dans d'autres médias tels que CNN, Hollywood Reporter ou encore South China Morning Post.