L’agence de sécurité australienne arrête les références à l’extrémisme islamique ou à l’extrême droite

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17 mars 2021

L’agence de renseignement et de sécurité australienne ne fera plus référence à de l’extrémisme islamique, d’extrême droite ou d’extrême gauche. L’objectif est de se concentrer sur les faits de violence et de mieux décrire des problèmes de sécurité complexes et en constante évolution. La pandémie a également accéléré la diffusion des récits extrémistes et modifié les opérations d’espionnage.

Le siège de l'Australian Security Intelligence Organisation à Canberra en Australie
Le siège de l’Australian Security Intelligence Organisation à Canberra en Australie | Canley

Les mots comptent

Lors de l’Évaluation annuelle des menaces, Mike Burgess, directeur général de l’Australian Security Intelligence Organization (ASIO), a pris un moment pour expliquer le nouveau langage que l’agence utilisera à l’avenir.

Les menaces pour la sécurité seront désormais désignées par les termes « extrémisme violent à motivation religieuse » ou « extrémisme violent à motivation idéologique ». Le directeur général de l’ASIO a souligné l’importance des mots utilisés. « Ils peuvent être très puissants dans la manière dont ils cadrent une question et dont ils font réfléchir les personnes sur les problèmes ».

Les autorités parleront donc de violence à motivation religieuse au lieu d’extrémisme islamique. L’objectif est d’éviter de porter atteinte à l’islam, de le déformer ou de créer des divisions stéréotypées.

Le directeur souligne que la formulation utilise des termes généraux, mais que certaines circonstances nécessiteraient de singularise une menace spécifique.

Des nouvelles formes d’extrémisme

Ce changement est également le signe d’une évolution de l’environnement sécuritaire. Un grand nombre d’individus ou de groupes ne correspondent plus au spectre politique traditionnel gauche-droite. Un nombre croissant d’idéologies sont « motivées par la crainte d’un effondrement de la société, par un ressentiment social ou économique ou un complotisme ».

L’incel, une idéologie motivée par la colère sociale, ne se conforme par exemple pas aux revendications politiques traditionnelles. Les incels, pour célibataires involontaires en anglais, sont pour la plupart des hommes qui se considèrent comme incapables de trouver l’amour ou des partenaires sexuels et accusent les femmes pour cela. En 2020, le Canada a considéré un meurtre lié à l’idéologie incel comme un acte terroriste.

Il est également plus difficile d’identifier ou de surveiller ces menaces pour la sécurité. Ce n’est plus aussi évident que les « skinheads avec la croix gammée tatouée » qui promeuvent le nazisme, selon le directeur.

Pour l’équivalent australien du MI5 britannique ou de la CIA américaine, les extrémistes idéologiques sont jeunes, 25 ans en moyenne, « bien éduqués, s’exprimant bien, issus de la classe moyenne », qui évitent de se faire remarquer et qui sont « en grande majorité des hommes ». De nombreuses personnes en Australie pourraient en effet correspondre à cette description sans représenter un danger.

La crise sanitaire de Covid-19 a également favorisé la radicalisation en ligne. « Plus de temps en ligne chez soi signifie plus de temps dans la chambre d’écho d’internet sur le chemin de la radicalisation ». La diminution des interactions sociales dans la vie réelle a également réduit le contact avec des « coupe-circuits », un entourage qui permette de revenir à la raison.

Le contre-espionnage doit s’adapter au COVID-19

COVID-19 s’est avéré être l’occasion de renforcer les théories du complot, de dépeindre la société actuelle comme imparfaite et défaillante, ou encore de diffuser des théories sur « l’effondrement de la société et une guerre raciale ». À ce titre, l’agence a également remarqué que des extrémistes cherchaient à acheter des armes ou à stocker des munitions et des provisions dans cette perspective.

Les restrictions de déplacement ne suppriment pas les menaces, qui restent au niveau de « probable » en Australie, le 3e niveau sur une échelle de 5.

« Internet a un effet amplificateur pour l’extrémisme ». Et des actualités extraordinaires, comme les élections présidentielles américaines ou la crise du COVID-19 sont opportunément utilisés à des fins de propagande. « Les extrémistes idéologiques sont désormais plus réactifs aux événements mondiaux ».

Le virus a même pu être qualifié de « rétribution divine contre l’Occident pour la persécution perçue des musulmans ».

Les restrictions en matière de mobilité et de rencontres sociales ont également affecté le mode de fonctionnement des services de renseignement et de contre-espionnage. En conséquence, une grande partie des activités d’espionnage, de contre-espionnage et de collecte d’informations secrètes ont migré en ligne.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.