Pour protéger les données personnelles et la vie privée, la Cour constitutionnelle allemande a rejeté certaines dispositions d’une loi en Bavière qui étendait le pouvoir des services de renseignement notamment en matière de surveillance et de localisation.
Le 26 avril, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a jugé que plusieurs dispositions de la Bayerisches Verfassungsschutzgesetz (Loi bavaroise de protection de la constitution) étaient partiellement inconstitutionnelles. Certains pouvoirs accordés à l’agence de renseignement de Bavière violent les droits fondamentaux des individus.
L’Office bavarois pour la protection de la constitution, l’agence de renseignement de l’état, doit avoir moins de pouvoirs afin de respecter la vie privée et les données personnelles des individus.
Dans la loi, les conditions pour espionner les activités dans une pièce à l’aide de mouchards ne sont pas clairement limitées à la prévention d’un danger immédiat pour la sécurité publique, a constaté le tribunal situé à Karlsruhe.
De même, surveiller une habitation de l’extérieur, ce qui est « particulièrement intrusif », n’est pas seulement limité à des « activités anticonstitutionnelles » mais s’applique aussi à des situations qui ne nécessiteraient pas particulièrement de surveillance. Pour la Cour, les dispositions actuelles ne respectent pas « l’inviolabilité du domicile ».
Autre lacune dans le texte, infiltrer des ordinateurs et des réseaux est également incompatible avec les droits fondamentaux à la vie privée et ne devrait être autorisée qu’en cas de danger identifiable.
Il en va de même pour l’utilisation des agents infiltrés et des informateurs, dont les limites ne sont pas suffisamment précisées. La loi rend leur recours trop facile pour un trop grand nombre de cibles potentielles et n’est pas limitée dans le temps.
La Cour souligne également souvent l’absence d’un organe indépendant contrôlant et approuvant les mesures de surveillance.
De plus, l’article qui permet de suivre la localisation d’un téléphone est inconstitutionnel car son « pouvoir est si large qu’il permet également de surveiller à long terme les mouvements » d’un individu.
La surveillance pour la sécurité contre le droit à la protection des données et de la vie privée
Révisée en 2016, la Loi de protection constitutionnelle a étendu les pouvoirs de surveillance de l’agence de renseignement intérieur de Bavière. Critiquées par plusieurs partis politiques, les nouvelles dispositions n’ont été adoptées qu’avec les voix du parti de l’Union chrétienne-sociale en Bavière, proche de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU).
La Société pour les droits civils (GFF), qui a soutenu le procès, considère le jugement comme une « décision qui fera date ». L’association espère que la décision empêchera d’autres Länder d’adopter une législation similaire. D’autres états d’Allemagne pourraient adopter un loi semblable mais la décision de la Cour servira de ligne directrice.
Le GFF, qui défend les droits de l’humain et les droits civils tels que la vie privée et la liberté d’information, lutte particulièrement contre les intrusions de l’État, selon son site Internet.
L’organisation à but non lucratif est également satisfaite de voir les juges se prononcer en faveur d’un renforcement de garde-fous pour le transfert de données entre les activités de renseignement et les forces de l’ordre.
Lorsque le ministre de l’Intérieur de Bavière, Joachim Herrmann, a défendu la loi lors d’une audience au tribunal en décembre dernier, il a mentionné qu’un plus grand partage d’informations entre organes de sécurité était nécessaire pour prévenir les attaques terroristes comme celle qui s’est produite à un marché de Noël de Berlin en 2016.
La décision de la Cour renforce l’idée qu’en Allemagne, les informations et les données collectées par les services secrets peuvent être transmises à des officiels ou politiques qui décident ensuite des mesures à prendre, mais qu’il ne devrait pas y avoir de transfert d’informations en direct ni d’accès aux données de renseignement par la police et autres forces de l’ordre. Une mesure de protection héritée en réponse aux agissements des nazis, selon le GFF.
En Allemagne, une plainte contre la constitution ne peut être déposée que par des personnes dont les droits sont directement affectés. Trois membres de l’Association des persécutés du régime nazi se sont portés plaignants dans l’affaire. L’un d’eux, Harald Munding, considère que la surveillance à long terme dont il pourrait faire l’objet relève d’une « stigmatisation » et d’une « politique d’intimidation ». L’agence de renseignement bavaroise qualifie cette association comme « influencée par des extrémistes de gauche ».
La décision de la Cour porte moins sur la question de savoir si les outils de renseignements peuvent être utilisés que les conditions dans lesquelles ils peuvent l’être. Selon le principe de proportionnalité, plus la surveillance est intrusive, plus le besoin doit être pressant, écrit la Cour.
Les dispositions considérées comme inconstitutionnelles doivent être modifiées d’ici le 31 juillet 2023 et les outils associés ne peuvent être utilisés que de manière limitée d’ici là.