Un projet de réforme législative prévoit des procédures plus longues et plus strictes pour la saisie des téléphones portables. Les membres du parti démocrate dans l’opposition ont tiré la sonnette d’alarme, mettant en garde contre les entraves potentielles aux enquêtes liées à la mafia.

Le ministre italien de la justice, Carlo Nordio, a annoncé le 15 février devant le Sénat une nouvelle réforme sur la saisie des téléphones portables dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Approuvé par 104 voix contre 56, l’amendement au projet de la loi Zanettin sera probablement discuté au Parlement en avril.
L’amendement introduit des limites à la saisie de téléphones portables, d’ordinateurs et d’autres appareils informatiques au nom de la protection de la vie privée, ce qui pourrait entraîner des procédures plus longues lors des enquêtes.
Le juge préliminaire devrait alors donner son accord avant que le procureur ne puisse saisir les téléphones portables, et la demande de saisie perdra son efficacité si le juge ne la valide pas dans les 10 jours.
M. Nordio a plaidé en faveur de cet amendement pour protéger la vie privée des accusés, en déclarant qu” »il n’y a pas que des conversations dans un smartphone, il y a toute une vie. » En assimilant la saisie des smartphones à celle des écoutes électroniques et en dissociant les appareils numériques des documents matériels, l’amendement applique les mêmes protections judiciaires que celles imposées pour les écoutes électroniques.
Le texte initial de la proposition de loi Zanettin confiait la responsabilité de la saisie des smartphones au procureur. Désormais, l’examen d’un juge sera nécessaire, tout comme pour des écoutes, avant de confisquer les téléphones portables pour les enquêtes. Les messages et les communications jugés non pertinents seront exclus des enquêtes.
Cependant, l’amendement, proposé par le ministre de centre-droit, a suscité des critiques de la part du parti démocrate, le plus grand parti d’opposition du pays. Selon l’Agence de presse italienne (ANSA), les députés s’inquiètent de son application à des « enquêtes particulièrement délicates, commençant par celles impliquant la mafia. » Le sénateur Rossomando a donc demandé de nouvelles auditions.
La politisation des tribunaux
La réaction de l’Association nationale des magistrats a été défavorable. L’ANSA rapporte qu’Alessandra Maddalena, la vice-présidente, a reconnu la nécessité de prêter attention aux « données sensibles et personnelles » lors de la confiscation du matériel sensible contenu dans les téléphones portables, mais a affirmé que cet amendement donne une image négative du procureur général, ce qui porte préjudice au système judiciaire italien.
Selon elle, cette réforme s’inscrit dans une tentative continue de délégitimer la position du procureur, en le dépeignant comme une « figure obscure. » Elle a souligné que la réforme risque de politiser le rôle du procureur et donc de le priver de son autonomie judiciaire.
Andrea Orlando, membre démocrate de la Chambre des députés italienne, a également exprimé ses inquiétudes. Il a souligné le risque de bureaucratisation et de « prolongation excessive des délais, rendant la saisie plus difficile. »
Cette réforme proposée a atteint le Sénat alors que les réformes gouvernementales de la première ministre Georgia Meloni ont fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté judiciaire.
Stefano Civitarese Matteucci, professeur de droit et de politique publique à l’université de Chieti-Pescara, a estimé que l’amendement constitutionnel proposé par le gouvernement pour consacrer une prime de majorité afin de concentrer davantage de pouvoir entre les mains des élus, dans le but de stabiliser le gouvernement, ouvrait la voie à une autocratie.
Le gouvernement de Meloni tente pour la deuxième fois de remédier à ce qu’il considère comme des abus de la part des procureurs avec cette réforme, qui s’appuie sur une précédente réforme datant de juin 2023. La réforme précédente, approuvée en janvier, limitait l’utilisation des écoutes téléphoniques et compliquait les procédures d’arrestation, soulevant des inquiétudes quant aux complications potentielles dans les enquêtes et les condamnations. Malgré les critiques, le gouvernement affirme que ces changements amélioreront l’efficacité du lent système judiciaire italien, une priorité absolue pour Meloni qui, selon ANSA, souhaite diminuer la bureaucratie en Italie.