La Suède devient le premier pays au monde à approuver un centre de stockage définitif des déchets nucléaires civils dits « à vie longue », mais non sans critiques.
La ministre suédoise du climat et de l’environnement a approuvé le 27 janvier la construction d’un centre de stockage définitif de déchets nucléaires près d’une centrale nucléaire à Forsmark, dans le sud-est de la Suède.
« La Suède et la Finlande sont les premiers pays au monde à assumer la responsabilité des déchets nucléaires », a déclaré Annika Strandhäll, la ministre du climat et de l’environnement, lors d’une conférence de presse.
Le gouvernement suédois est le premier au monde à approuver la construction d’une usine d’encapsulation et d’un dépôt définitif pour le combustible nucléaire usé.
Ce combustible nucléaire irradié correspond aux résidus du traitement du combustible nucléaire. Il est chaud, très radioactif – il concentre la quasi totalité de la radioactivité des déchets nucléaires – et est considéré comme un déchet à vie longue car il est radioactif pendant au moins 31 ans, et ce qui peut durer pendant des milliers d’années.
Il est donc placé dans des piscines de refroidissement à eau, enfermé pendant plusieurs années. La radioactivité diminue progressivement et les déchets deviennent de moins en moins dangereux avant de pouvoir être stockés ailleurs.
Mais pour la ministre, il est « irresponsable de laisser des déchets nucléaires dans des réservoirs d’eau pendant des années ».
De plus, les installations de stockage provisoire actuelles de la Suède accueille près de 7 000 tonnes de combustible nucléaire usé et a la capacité de stocker jusqu’à 11 000 tonnes. Mais comme la Suède prévoit d’intensifier l’utilisation de l’énergie nucléaire pour atteindre la neutralité carbone, les capacités de stockage pourraient bientôt être saturées.
Le nouveau système supprime la nécessité d’un stockage provisoire, car les déchets nucléaires seront directement encapsulés et enfouis sous terre.
Le système d’encapsulation permettra d’isoler 12 000 tonnes de déchets nucléaires dans 6 000 cylindres faits de cuivre et de fonte. Les capsules iront ensuite dans le dépôt où elles seront stockées dans des chambres creusées dans le substrat rocheux et recouvertes d’argile.
Le centre de stockage consiste en des tunnels de plus de 60 kilomètres de long répartis sur 3 km² à environ 500 mètres de profondeur.
SKB, la société suédoise de gestion du combustible et des déchets nucléaires, sera chargée du projet, qui coûtera environ 19 milliards de couronnes suédoises (2 milliards de dollars) et créera 1 500 emplois.
Le gouvernement estime que la méthode sera « sûre pendant 100 000 ans ».
Préoccupations concernant la méthode de stockage des déchets nucléaires
La construction d’un dépôt définitif a fait l’objet de discussions depuis des dizaines d’années dans le pays. La procédure d’autorisation a débuté en 2011 mais le sujet reste controversé.
Dans un pays où les faibles coalitions majoritaires entraînent une instabilité politique, les libéraux et les chrétiens-démocrates ont menacé le gouvernement de voter une motion de censure s’il n’acceptait pas le centre de stockage final.
Certains s’inquiètent du fait que l’on sait peu de choses sur la réaction des déchets nucléaires encapsulés pendant ces 100 000 ans. Des chercheurs préviennent que les capsules pourraient même ne plus être sécurisées d’ici seulement 100 ans. Par ailleurs, le système de stockage n’a jamais vraiment été testé en conditions réelles.
En 2018, le tribunal du territoire et de l’environnement a jugé qu’il y avait une incertitude sur la corrosion des capsules et qu’il fallait plus de matériel pour éviter les fuites.
Pour les Verts, la décision du gouvernement est précipitée car la méthode comporte encore beaucoup d’incertitudes.
La ministre de l’environnement a déclaré que le projet était aussi sûr qu’il pouvait l’être dans l’état actuel des connaissances, mais qu’il pourrait très bien être adapté si les recherches progressaient.
Une autre source de conflit est la population avoisinante, qui ne se sent généralement pas en sécurité à proximité de ces grandes centrales pleines de déchets nucléaires.
Aucun autre pays que la Suède n’a encore pleinement adopté la solution d’un dépôt final.
La Finlande a commencé la construction d’un système similaire, mais le gouvernement finlandais ne l’a toujours pas approuvé, selon un expert de l’autorité suédoise de radioprotection qui s’est entretenu avec SVT News. Les États-Unis disposent d’un centre de stockage définitif, mais uniquement pour les déchets militaires. La France traite les déchets nucléaires mais n’en est encore qu’aux débuts du processus pour l’élaboration d’un centre de stockage définitif.
C’est désormais au tribunal du territoire et de l’environnement de prendre les choses en main. Il décidera en effet des permis de construire et détaillera les conditions de l’exploitation pour respecter le code de l’environnement.
La construction ne commencera pas avant 2023 et la structure devrait être opérationnelle dans les années 2030.