Un tribunal de l’environnement a rejeté la demande d’extraction de calcaire pour la plus grande cimenterie de Suède. L’industrie prévoit des milliards de pertes, un arrêt des constructions et des milliers d’emplois en danger.
Le 6 juillet, la Cour suprême suédoise du territoire et de l’environnement a décidé de ne pas accepter la demande de l’entreprise Cementa de renouveler son permis d’exploitation minière dans le site de production de ciment de Slite, à Gotland, la plus grande île du pays située au milieu de la mer Baltique.
Le site fournit 75 % du ciment de la Suède et l’industrie prévoit déjà une pénurie massive en novembre, l’arrêt de la plupart des constructions, des pertes de l’ordre 20 milliards de couronnes suédoises (2,3 milliards de dollars) par mois et des milliers d’emplois menacés.
Cementa, qui fait partie du groupe allemand de matériaux de construction HeidelbergCement, est le plus grand et le seul producteur de ciment en Suède. L’entreprise ne possède que deux usines d’extraction dans le pays, et les carrières de calcaire de Slite fournissent, selon l’industrie, 75 % du ciment pour le territoire. Le deuxième site fournit environ 5 % du ciment et est proche de sa capacité maximale. Le reste, entre 10 et 15 %, est importé.
Mais il pourrait bientôt être impossible d’extraire quoi que ce soit à Slite, car la Cour suprême du territoire et de l’environnement a décidé de ne pas traiter le renouvellement du permis d’exploitation minière, en raison de lacunes dans l’évaluation de la société concernant l’impact de l’activité sur les souterrains.
Le droit d’extraire du ciment expire le 31 octobre et devait être renouvelé pour 20 ans, jusqu’en 2041. Mais l’exploitation minière pourrait s’arrêter le 1er novembre.
Le permis d’exploitation minière est contesté par les écologistes et les autorités locales
En 2020, le tribunal avait pourtant approuvé le permis, mais la décision initiale fut alors contestée par l’Agence suédoise de protection de l’environnement, le conseil administratif du comté de Gotland – l’autorité gouvernementale locale – et « un certain nombre d’organisations environnementales et de particuliers ».
Les plaignants affirment que l’activité perturbe la nappe phréatique de 928 km² située à proximité et détériore un écosystème aquatique protégé. La Cour a ensuite estimé que l’étude d’impact environnemental réalisée par Cementa était insuffisante pour lever les incertitudes sur les conséquences de l’activité. Ainsi, « encombrée d’importantes lacunes », la Cour suprême du territoire et de l’environnement ne se considérait pas en mesure de prendre position et a décidé de rejeter la demande de permis d’exploitation minière de Cementa à l’usine de Slite.
En 2016, les associations avaient déjà demandé l’annulation du permis pour les dommages causés à la zone protégée Natura 2000 et les « désagréments subis par les riverains ». Le tribunal avait estimé que les conditions étaient réunies pour que les activités soient autorisées.
Slite présentée comme la future première cimenterie neutre en carbone
Cette décision intervient après que le groupe HeidelbergCement a annoncé en juin 2021 son ambition de faire du site de Slite la première cimenterie au monde neutre en carbone.
Sur son site web, Cementa présente Slite comme l’une des usines les plus respectueuses de l’environnement en Europe, employant environ 230 personnes sur site.
L’industrie du ciment est un important producteur de carbone, principalement en raison de la façon dont le calcaire est traité. Les roches sont broyées et brûlées pour en extraire le calcium, le liant qui permet de produire le ciment, tandis que de petites boules de carbone sont produites, les clinkers, entraînant des émissions de CO2.
Le ciment représente 4 à 8 % des émissions mondiales de carbone (si l’on tient compte de l’énergie utilisée pour extraire le ciment). L’activité de Cementa à Gotland est à elle seule responsable d’environ 3 % de l’empreinte carbone de toute la Suède.
Le ciment, essentiel pour le secteur du bâtiment qui représente 11 % du PIB de la Suède
Le 22 juillet, l’entreprise a décidé de faire appel de la décision et prévient désormais que « la Suède se dirige vers une pénurie importante de ciment à la fin du mois de novembre », peu après l’expiration de l’autorisation.
Alors que les écologistes saluent la décision de justice, le secteur du bâtiment, qui représente 11 % du produit intérieur brut de la Suède, estime qu’une crise est imminente.
Il prévoit « des perturbations importantes dans les projets d’infrastructure en cours » et, comme les importations ne pourraient pas fournir suffisamment de ciment dans un délai aussi court, « la construction de trois nouveaux logements sur quatre sera arrêtée à partir de la deuxième quinzaine de novembre ».
Byggföretagen, la Fédération suédoise de la construction, une association professionnelle représentant les entreprises de construction privées et les employeurs, considère que les grands projets d’infrastructure sont déjà retardés et affirme que 20 milliards de couronnes suédoises (2,3 milliards de dollars) d’investissements seront perdus par mois, menaçant 150 000 à 200 000 emplois dans le secteur du bâtiment.
Le PDG de Byggföretagen et le président du Comité des entreprises ont rencontré Ibrahim Baylan, le ministre des entreprises, de l’industrie et de l’innovation. Mais les récentes discussions ont déçu les représentants du bâtiment, qui espéraient déjà un plan concret pour sauver les plans d’extraction.
Le gouvernement devrait respecter la décision du tribunal
Mais le gouvernement reste prudent.
Répondant aux questions des parlementaires, le ministre de l’industrie a écrit le 29 juillet pour rappeler que, jusqu’à présent, le tribunal n’a pas été en mesure de prendre position et « n’a pas examiné la demande sur le fond ». Il a ajouté qu’il ne pouvait pas commenter les décisions de justice ou les affaires en cours mais qu’il avait lancé « un travail à l’échelle du ministère pour suivre la question et analyser les conséquences qui pourraient en découler. Le gouvernement est également en contacts permanents avec l’entreprise au fur et à mesure de l’évolution de la situation ».
Plus tôt en juillet, il avait également déclaré à Dagens industri que « l’on doit travailler dans le cadre des lois existantes. Et si le verdict est maintenu, l’entreprise doit cesser ses activités ».