La Suède ouvre un enquête sur les adoptions à l’étranger

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27 octobre 2021

Le gouvernement suédois a décidé d’ouvrir une enquête sur les activités du pays en matière d’adoption à l’étranger. Des centaines d’enfants auraient été illégalement retirés de leurs familles au Chili entre les années 70 et 90.

Lena Hallengren, ministre suédoise des Affaires sociales, lors de la conférence de presse annonçant le lancement d'une enquête sur les activités d'adoption à l'étranger de la Suède au cours des dernières décennies
Lena Hallengren, ministre suédoise des Affaires sociales, lors de la conférence de presse annonçant le lancement d’une enquête sur les activités d’adoption à l’étranger de la Suède au cours des dernières décennies. | © Ministère de la Santé et des Affaires sociales

Le 27 octobre, la ministre suédoise de la santé et des affaires sociales, Lena Hallengren, a annoncé le lancement d’une enquête sur les activités d’adoption internationale en Suède des soixante dernières années à aujourd’hui.

Selon le communiqué, la mission tentera de clarifier l’existence d’irrégularités au sein des autorités nationales et locales, des organismes à but non lucratif ou des acteurs privés qui auraient agi à l’encontre des pratiques légales ou éthiques et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’enquête portera sur tous les pays, mais elle s’intéressera particulièrement aux activités menées au Chili entre les années 1970 et 1990.

En effet, il fut rapporté depuis plusieurs années que des adoptions illicites avaient été menées à l’époque où le Chili était sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet, de 1973 à 1990.

Des rumeurs faisaient état de disparitions ou de vols d’enfants pendant la dictature. Et en 2018, le Chili a ouvert une enquête sur les violations des droits de l’homme concernant les adoptions internationales. Des incohérences ont effectivement été relevées dans des registres officiels. Les noms, adresses et photos ne correspondaient pas aux enfants dans plusieurs centres d’adoption. Et beaucoup d’entre eux ont été adoptés par des familles suédoises.

« La Suède ne prend pas la question au sérieux »

Les médias suédois et chiliens ont également retracé comment des enfants ont pu être adoptés sans le consentement de leur mère pendant cette période. Au lieu d’être abandonnés, certains enfants auraient été enlevés à leur famille et on leur aurait ôté leur identité pour leur en donner une nouvelle.

Et la Suède était au centre de cette activité. En 2018, plus de 600 cas d’adoptions au Chili étaient liés à la Suède.

Mais ce n’est que quatre ans après le début des enquêtes au Chili, qui ne sont toujours pas terminées, que le Riksdag, le parlement suédois, a décidé l’été dernier de mener ses propres investigations, de se pencher sur les responsabilités de la Suède et de remettre en question ses activités.

En juin 2021, le commissaire adjoint de la police criminelle du Chili, chargé d’enquêter sur les adoptions illégales, considérait toujours que la Suède ne prenait pas le problème au sérieux. Ses compétences s’arrêtent aux frontières chiliennes et il souhaiterait une plus grande coopération pour débloquer des opérations internationales.

Cette décision intervient à un moment où les adoptions suédoises sont de nouveau sous le feu des projecteurs des médias.

Des adoptions pour améliorer l’opinion de la Suède sur la dictature chilienne

« Pendant six décennies, l’adoption internationale vers la Suède a été entachée d’alertes d’irrégularité », rapportait le journal national suédois Dagens Nyheter en février 2021.

Les soupçons d’activités illicites ou contraires à l’éthique se sont étendus aux adoptions en provenance de Colombie, et plus récemment de Chine et de Corée du Sud. Par exemple, le journal affirme que des femmes coréennes enceintes peuvent être poussées à donner leurs enfants en adoption avant que ceux-ci ne soient nés.

Un jour avant le lancement officiel de l’enquête suédoise, DN a également fait état de lettres dans lesquelles des nazis suédois collaboraient avec les militaires chiliens dans les années 70 pour améliorer les relations entre les pays. Et le Chili aurait utilisé les adoptions comme un moyen d’influencer la Suède et d’améliorer l’image du pays.

Une association au centre des soupçons autour des adoptions illégales

L’Adoptions centrum, le centre suédois de l’adoption, est en première ligne des accusations d’irrégularités. Le centre d’adoption est une organisation à but non lucratif fondée en 1969 et la plus grande organisation d’adoption internationale en Suède.

Selon son site Internet, plus de 25 000 enfants de 60 pays ont trouvé une nouvelle famille en Suède par son intermédiaire. Entre les années 1970 et 1990, environ 2 000 adoptions furent concluent du Chili vers la Suède par l’association, soit la grande majorité d’entre elles.

Bien que le centre déclare accueillir favorablement l’enquête du gouvernement sur les activités menées durant cette période, il rejette toute malversation.

Sur les 600 cas initialement évoqués par la justice chilienne, « aucune plainte officielle n’a été déposée contre le centre d’adoption ou nos anciens employés au Chili » en date de mai 2021, précise le centre. Une centaine d’adoptions liées à la Suède sont encore en cours d’examen.

Par ailleurs, elle mentionne que ces activités étaient menées avant la Convention d’adoption de La Haye, et à une époque où des acteurs privés véreux auraient opéré dans la traite d’êtres humains : « Nous ne pouvons pas assumer aujourd’hui la responsabilité des valeurs qui s’appliquaient il y a 50 ans ».

La Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale est un cadre réglementaire visant à protéger les enfants contre la traite, l’adoption illégale ou les violences. Elle a été créée en 1993. Le Chili et la Suède font partie des plus de 100 pays à l’avoir ratifiée.

Les résultats de l’enquête suédoise devraient être communiqués au plus tard le 7 novembre 2023, a déclaré le ministère suédois.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.