Le ministère public du Guatemala souhaite l’arrestation du ministre de la Défense de Colombie

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17 janvier 2023

Le ministère public du Guatemala demande l’arrestation de son ancienne chef ainsi que d’Iván Velásquez Gómez, l’actuel ministre de la Défense de Colombie. Le Procureur spécial contre l’impunité accuse le ministre d’être lié au scandale de corruption d’Odebrecht.

Iván Velásquez Gómez, ministre colombien de la Défense
Iván Velásquez Gómez, le ministre colombien de la Défense nationale le 20 novembre 2022 lors d’une réunion à Washington avec le secrétaire américain à la Défense | Département de la Défense des États-Unis

Le ministère public du Guatemala a accusé le 16 janvier Iván Velásquez Gómez, l’actuel ministre de la Défense de la Colombie, de conspiration et souhaite son arrestation, provoquant une crise diplomatique entre les deux pays.

Interrogé sur la situation avec le Guatemala après avoir atterri à Davos pour le Forum économique mondial, le président colombien Gustavo Petro a déclaré mardi que la Colombie « ne permettra pas que [M. Velasquez] soit attaqué pour ce qu’il a fait et soit persécuté pour sa lutte contre l’impunité ou soit acculé par ceux qui profitent de leur impunité. » Il a déclaré qu’il rejetterait tout mandat d’arrêt émis par le Guatemala contre son ministre et a ajouté que « si le Guatemala insiste pour mettre des hommes bons en prison, nous n’avons rien à faire avec ce pays. »

Pour M. Petro, les attaques contre le ministre colombien proviennent d’une série de changements qu’il a initiés lorsqu’il était au Guatemala.

Rafael Curruchiche, le chef du bureau du procureur spécial contre l’impunité, a annoncé que le bureau approuve l’arrestation du ministre pour entrave à la justice, conspiration et abus de pouvoir. Il a ajouté qu’ils prendront des mesures juridiques pour que M. Velásquez réponde de « ses actes illégaux et abusifs ».

Il lie M. Velásquez à un contrat signé par le Guatemala en 2017 avec Odebrecht, l’entreprise de construction brésilienne au cœur d’un vaste scandale de corruption à travers l’Amérique latine. L’homme d’affaires Marcelo Bahía Odebrecht a admis, dans le cadre d’une négociation de peine avec le ministère américain de la Justice, avoir versé 800 millions de dollars de pots-de-vin à des hauts fonctionnaires dans une douzaine de pays d’Amérique latine et d’Afrique en échange de juteux contrats de travaux publics.

Pendant cette période, M. Velásquez était le commissaire en charge de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) entre 2013 et 2017.

La CICIG était un organisme international créé en 2006 en accord avec les Nations unies afin d’enquêter et de poursuivre les crimes graves et la corruption au Guatemala. Mais l’ancien président guatémaltèque Jimmy Morales a décidé unilatéralement en 2019 de mettre fin au mandat de la CICIG, estimant qu’elle mettait en danger la sécurité de la nation et la souveraineté du pays.

Il avait alors déclaré M. Velásquez persona non grata au Guatemala et l’a forcé à quitter le pays. La CICIG, ainsi que l’ancienne procureure générale et chef du ministère public Thelma Aldana, avaient ouvert une enquête contre M. Morales pour enrichissement illicite. Le Guatemala a également annoncé qu’il demandait l’arrestation de Mme Aldana.

Dans une vidéo publiée sur Twitter par le bureau du ministère public, une série d’e-mails entre des avocats ayant discuté du contrat montre que M. Velásquez était au courant des négociations et qu’il a donc approuvé la signature du contrat « anormal ». Pour M. Curruchiche, cela prouve qu’il « avait pleinement connaissance des négociations sombres et corrompues qui étaient menées avec l’entreprise Odebrecht. »

M. Curruchiche est à la tête du bureau du procureur spécial contre l’impunité (FECI), un organe du ministère public chargé d’enquêter sur la corruption. Il faisait auparavant partie de la CICIG mais son champ d’action a été transféré au sein du bureau du procureur général depuis la dissolution.

Il a accédé à ce poste en août 2021 après que la procureure générale Maria Consuelo Porras, qui a succédé à Thelma Aldana en 2018, a limogé Juan Francisco Sandoval. M. Sandoval est un avocat décoré par les États-Unis pour son travail contre la corruption aujourd’hui en exil, tandis que Consuelo Porras a été reconduite au poste de procureur général en mai 2022 par l’actuel président du Guatemala Alejandro Giammattei, une décision perçue négativement par les États-Unis et l’Union européenne.

Pour Human Rights Watch, Mme Porras a affaibli la FECI. « Les progrès dans les affaires sont au point mort » par rapport aux « plus de 120 systèmes de corruption dans les trois branches du gouvernement » exposés par le bureau du procureur général de 2007 à 2019. Les États-Unis ont imposé des sanctions à Mme Porras pour avoir entravé des enquêtes sur la corruption.

Dans une interview à Plaza Pública en mars 2022, Rafael Curruchiche a répondu aux critiques qui le qualifiaient d’opérateur politique des mafias et de l’élite des affaires. Il a répondu qu’il « ne s’intéressait pas à ce que pensent les gens, les institutions, les gouvernements ». Il a ajouté que sa mission était de « sauver la FECI de toutes les accusations qui ont été faites [dans le passé] pour la ramener sur le terrain de l’objectivité, de l’impartialité et de la légalité. »

Le ministre colombien de la Défense a publié lundi soir un communiqué officiel dans lequel il affirme « ne pas avoir été informé d’une quelconque exigence des autorités guatémaltèques » et assure être « confiant que le travail effectué dans le pays d’Amérique centrale l’a été en toute transparence et dans le cadre légal qui protégeait le fonctionnement de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala. »

La FECI a annoncé deux autres mandats d’arrêt contre l’avocat qui représentait Oderbrecht et l’ancienne secrétaire générale du ministère public.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.