Le nombre de déclarations des députés européens faisant état d’une participation à des événements payés par des tiers n’a jamais été aussi élevé en trois ans et demi que depuis le Qatargate, le scandale de corruption qui secoue le Parlement européen.
Depuis le scandale du Qatargate, le nombre de déclarations d’événements payés par des tiers auxquels ont participé des membres du Parlement européen a fortement augmenté. Il y a eu presque deux fois plus de déclarations durant janvier 2023 qu’au cours de n’importe quel autre mois depuis juillet 2019, selon les données publiées par Transparency International EU.
Dans les semaines qui ont suivi le scandale de corruption touchant le Parlement, plusieurs dizaines de députés européens ont déclaré leur participation à des événements payés par des tiers sur leurs profils du site internet du Parlement européen.
Alors que seulement dix déclarations d’événements au maximum par mois avaient été soumises sur les 12 mois précédents, les parlementaires ont depuis déclaré 36 événements en décembre 2022 et 68 événements en janvier 2023.
Souvent appelé Qatargate, le scandale en cours qui a éclaté en décembre 2022 a secoué le Parlement européen avec des accusations de corruption de membres du Parlement, de blanchiment d’argent et d’influence des gouvernements du Qatar, du Maroc et de la Mauritanie.
Eva Kaili, alors l’une des vice-présidents du Parlement européen, le député européen Antonio Panzeri, un ou une assistante de l’eurodéputée italienne Alessandra Moretti ont été arrêtés par les autorités pour corruption.
Le mari de Mme Kaili, Francesco Giorgi, ancien assistant parlementaire de M. Panzeri avec lequel il avait fondé une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme, a également été arrêté.
En un peu plus de deux mois, entre le 8 décembre 2022 et le 13 février 2023, les déclarations d’événements publiées par les membres du Parlement européen représentaient 34 % des 321 déclarations soumises depuis juillet 2019 et le début de la législature actuelle également marquée par plusieurs mois de pandémie de COVID-19 et de confinements.
Les députés européens doivent déclarer chaque événement organisé par un tiers où des frais de voyage, d’hébergement ou de séjour ont été payés ou remboursés par un tiers afin de figurer publiquement dans leur profil sur le site internet du Parlement européen. Cette règle pour garantir la transparence et prévenir toute influence indue avait été incluse dans le code de conduite du Parlement en 2013.
Mais non seulement les eurodéputés ont augmenté le nombre de déclarations d’événements qui ont eu lieu depuis décembre, mais ils ont également déclaré des événements et des voyages qu’ils avaient apparemment oublié de déclarer.
Le S&D, le groupe politique avec la plus grande proportion de déclarations tardives
Les députés doivent déclarer les événements organisés par des tiers au plus tard le dernier jour du mois suivant l’événement. Et 67 % des événements déclarés depuis le Qatargate ont été soumis en retard alors qu’ils ne représentaient que 28 % des déclarations auparavant.
Pas moins de 39 des 705 députés du Parlement européen ont soumis une déclaration tardive entre le 8 décembre 2022 et le 10 février 2023. Et d’autres déclarations pourraient encore arriver.
Le groupe du Parti populaire européen, avec 30 déclarations depuis juillet 2019, a le plus grand nombre de déclarations tardives dans l’ensemble. Le groupe politique de centre-droit est la plus grande représentation au Parlement européen. Les soumissions tardives représentent 27 % de leurs déclarations.
Mais proportionnellement, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) a le plus grand nombre de déclarations tardives avec 27 déclarations sur un total de 45 (60 %). Mme Kaili, M. Panzeri, Mme Moretti étaient tous membres du S&D.
Israël (30), l’Inde (23) et les Émirats arabes unis (16) ont été les trois destinations payées préférées des élus hors de l’Union européenne depuis 2019. La plupart des voyages au sein de l’Union européenne entièrement pris en charge par des tiers se sont déroulés en Allemagne (41), en France (14) et en Pologne (13).
Les déclarations soumises depuis décembre 2022 montrent que 67 % d’entre elles sont liées à des événements se déroulant en dehors de l’Union européenne.
Depuis le Qatargate, Israël (15), le Maroc (8) et les Émirats arabes unis (7) ont été les destinations les plus déclarées par les membres du Parlement européen. Cinq déclarations étaient liées au Qatar, toutes soumises en retard.
Le député qui a déposé le plus de déclarations après le Qatargate (8) est José Ramón Bauzá Díaz, membre du groupe Renouveau européen représentant l’Espagne. En janvier 2023, il a déclaré 5 événements avec retard, à Bahreïn, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Italie et en Pologne. Ils ont eu lieu entre janvier 2020 et juin 2022. C’est une autre indication de l’influence du Qatargate sur l’appétit récent pour la transparence du Parlement : M. Bauzá Díaz était devenu président du groupe d’amitié UE-Qatar en 2021.
Une majorité des déclarations tardives (53%) depuis le Qatargate ont eu lieu avant juillet 2022, déclarées par 20 eurodéputés différents.
Suite au scandale du Qatargate, le Parlement européen a décidé de renforcer la transparence sur le travail des parlementaires. Le 8 février, les responsables des groupes politiques du Parlement européen ont approuvé quelques changements avant une réforme plus large visant à « renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité du Parlement. »
Il s’agit notamment de rendre plus claires toutes les informations relatives à l’intégrité du travail parlementaire sur le site internet, de l’inscription obligatoire au registre de la transparence pour tout événement auquel participent des représentants d’intérêts au Parlement européen, et de l’interdiction des groupes d’amitié parallèles avec des pays tiers lorsqu’il existe déjà des interlocuteurs parlementaires officiels.
« J’ai promis une action rapide et ferme en réponse à la perte de confiance [envers les parlementaires]. Les réformes adoptées aujourd’hui constituent un nouveau départ pour renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité du Parlement européen », a déclaré la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, après l’approbation des mesures.
Transparency International UE de son côté estime que « les propositions de réforme sont un grand pas dans la bonne direction, mais elles ne vont pas assez loin. » Parce que « l’autosurveillance ne fonctionne pas », l’organisation préconise la création d’un organe européen indépendant chargé de l’éthique et doté de réels pouvoirs d’enquête et d’exécution. L’organisation pense aussi que les fonctionnaires devraient être libres de participer à des événements organisés par des tiers, mais que le Parlement devrait en couvrir les frais, car la pratique actuelle « constitue une menace pour l’intégrité du travail du Parlement et devrait être totalement interdite ».