Les chaussures de running Nike aideraient moins les meilleurs coureurs qu’on ne le pense

4 minutes de lecture
22 avril 2021

Une analyse des performances des meilleurs coureurs de fond a conclu à une amélioration significative des meilleurs temps grâce aux nouvelles chaussures. Leurs avantages sont toutefois moins importants que ce qui avait été constaté précédemment.

Kipchoge avec des chaussures prototypes Alphafly
Kipchoge a couru un marathon en moins de 2 heures lors d’une épreuve non officielle avec les chaussures prototypes Alphafly, qui ne sont pas autorisées par le World Athletics | Felix Wong

Les chaussures Nike sont moins bénéfiques pour les coureurs d’élite que pour les coureurs occasionnels

Les chaussures Nike ont révolutionné le monde de la course à pied en 2017. Grâce à leur nouvelle technologie, les coureurs de fond n’ont cessé d’aller plus vite. Bien qu’apportant de réels bénéfices, une nouvelle recherche menée par le World Athletics, la fédération internationale d’athlétisme anciennement l’IAAF, suggère qu’elles sont cependant moins bénéfiques pour les coureurs d’élite que ce que l’on pensait auparavant.

Les 5 meilleures performances de tous les temps lors des marathons masculins ont eu lieu entre 2018 et 2019, repoussant le précédent record du monde détenu par Denis Kimetto en 2014, en 2 heures 2 minutes et 57 secondes, au 6ème rang des marathons les plus rapides de tous les temps. En 2019, Brigid Kosgei a battu le record du monde du marathon féminin détenu par Paula Radcliffe depuis 16 ans.

La nouvelle analyse statistique des résultats des athlètes d’élite lors des compétitions officielles entre 2012 et 2019 renforce l’idée que les nouvelles chaussures améliorent bel et bien les performances. Les résultats montrent une diminution significative des meilleurs temps dans les courses de 10 kilomètres, les semi-marathons et les marathons parmi les 20 et les 100 meilleurs coureurs féminins et masculins au monde. Les chercheurs associent ces résultats aux effets de la nouvelle AFT.

Les chaussures ont réduit les temps de course de 1,7 % à 2,3 % pour les athlètes féminines d’élite. Cela représente un gain d’environ 2 min et 10 s pour les meilleurs temps de marathon. Les chaussures ont également amélioré les performances des marathoniens masculins de 0,6 % à 1,5 %, soit une amélioration de 1 min et 3 s en moyenne.

Il s’agit en effet d’une amélioration significative. Toutefois, il est moins important que ce qui avait été rapporté précédemment.

Nike a sorti les chaussures Vaporfly en 2017 en affirmant que les coureurs seraient 4 % plus rapides grâce à leur nouvelle technologie, qui repose sur la combinaison d’une semelle intermédiaire épaisse et légère et l’encastrement d’une plaque de carbone longue et rigide. Une analyse de données à grande échelle avait été menée en 2018 sur des coureurs réguliers à l’aide d’une méthode de collecte de données basée sur du déclaratif. Elle avait montré que les chaussures amélioreraient entre 3 et 4 % les temps de course des coureurs de manière générale.

Les nouveaux résultats se sont concentrés sur les temps de compétition officiels réalisés au cours d’une période de huit ans dans les courses de 10 kilomètres, les semi-marathons et les marathons, ce qui a permis de mieux comprendre les performances des meilleurs coureurs. Pour les coureurs de fond de haut niveau, le bénéfice est inférieur à 3 %.

Mais cette aide reste un avantage décisif à ce niveau.

Aucune projection de l’effet sur les performances individuelles

Nike Vaporfly
La Nike Vaporfly et sa semelle à la forme singulière

En 2018, Eliud Kipchoge a battu le record du monde du marathon en 2 h 01 min 39 s.

C’est 1 min 18 s plus rapide que Kimetto en 2014. Sans les 1 min 3 s que les chaussures permettent de gagner en moyenne, Kipchoge aurait-il tout de même couru 15 secondes plus vite que Kimetto ?

En d’autres termes, le record du monde serait-il encore battu même sans les nouvelles chaussures ? Les chaussures sont-elles vraiment le seul facteur à l’origine des records battus ces dernières années sur les marathons ?

Selon le Dr Stéphane Bermon, auteur principal de l’analyse et directeur du département santé et science de World Athletics, « certains athlètes bénéficient plus, d’autre moins de l’AFT ». De plus, « difficile et dangereux d’extrapoler (les résultats) à un cas individuel ».

La projection des résultats sur des situations individuelles peut en fait conduire à des conclusions opposées.

La coureuse Brigid Kosgei a battu le record de Paula Radcliffe de 1 min 21 s lors du marathon de Chicago. Un progrès remarquable, mais inférieur à l’amélioration moyenne que les chaussures apportent aux coureuses d’élite, selon l’analyse. Par conséquent, Kosgei n’aurait-elle pas battu le record du monde sans ses chaussures ? La conclusion serait différente de celle que suggère la comparaison entre les performances de Kipchoge et de Kimetto.

En résumé, le rôle des chaussures Nike est important dans les performances récentes, mais il n’est pas possible de savoir si les records du monde auraient été battus sans elles.

En effet, certains athlètes bénéficient plus de l’AFT que d’autres et plusieurs facteurs jouent un rôle dans leurs performances. Par exemple, la différence entre les résultats de l’étude chez les hommes et chez les femmes en témoigne. L’article souligne qu’une masse corporelle plus faible ou des tailles de chaussures plus petites pourraient être des explications possibles de bénéfices inégaux.

World Athletics a adapté son règlement sur les chaussures en 2020, par exemple en fixant une hauteur maximale pour les semelles, afin d’éviter « toute assistance ou avantage déloyal » contre « l’universalité de l’athlétisme ». Certaines chaussures déjà disponibles sur le marché, comme la Vaporfly que Brigid Kosgei portait en 2019 lors de son record du monde, resteraient autorisées.

Découvrez plus d’actualités sur le sport

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.