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Les États-Unis arrêtent leur premier trafiquant présumé de super-polluants

3 minutes de lecture
8 mars 2024

L’Agence pour la protection de l’environnement américaine a promis des mesures rigoureuses à l’encontre des premières inculpations fédérales pour importation d’hydrofluorocarbures nocifs, des super-gaz à effet de serre qui sont des centaines, voire des milliers de fois plus puissants que celui du CO2.

Des rangées de climatiseurs à l’extérieur d’un immeuble à Talpiot, Jérusalem.
Les HFC sont principalement utilisés comme réfrigérants dans les systèmes de climatisation et de réfrigération | © Flickr/ zeevveez

Michael Hart, 58 ans, a été appréhendé le 4 mars pour avoir fait passer en contrebande des gaz à effet de serre illégaux, connus sous le nom de HFC, à travers la frontière mexicaine vers les États-Unis.

Cette arrestation marque le premier cas d’inculpation fédérale aux États-Unis pour importation de super-polluants. Et l’Agence de protection de l’environnement (EPA) tient à ce que ce ne soit pas le dernier.

Selon le bureau du procureur de San Diego, M. Hart a été surpris en train d’introduire clandestinement des HFC dans son véhicule, sous sa bâche et ses outils, et de les vendre à profit sur des sites internet tels que Facebook Marketplace et Offer Up. Il a été accusé d’avoir enfreint les lois nationales et d’avoir « miné les efforts internationaux de lutte contre le changement climatique ». Il plaide non coupable.

Les HFC, considérés comme l’une des principales causes du réchauffement climatique, sont utilisés en tant qu’alternatives aux hydrochlorofluorocarbures (HCFC), des substances encore plus puissantes qui appauvrissaient la couche d’ozone à cause de la présence de chlore. Les HCFC sont déjà contrôlés dans le cadre du Clean Air Act du protocole de Montréal depuis 1987.

Mais l’EPA note que les HCF ont un potentiel de réchauffement planétaire (PRP) qui peut être des centaines, voire des milliers de fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2).

L’agence explique que les HFC sont utilisés dans de vieux appareils tels que les réfrigérateurs, les climatiseurs, les aérosols, les dispositifs d’extinction des incendies ou encore les solvants. Ils constituent un élément essentiel du processus d’échange de chaleur qui permet à ces appareils de refroidir les espaces intérieurs ou de préserver la fraîcheur de denrées périssables.

Des efforts ont été déployés au niveau mondial pour passer à des réfrigérants plus efficaces, et donc plus respectueux de l’environnement, avec des PRP plus faibles tels que les hydrofluorooléfines (HFO), voire le dioxyde de carbone (CO2) et les hydrocarbures utilisés comme réfrigérants naturels.

Bien que les HFC et les HCFC soient interdits, un commerce illicite persiste à la frontière avec le Mexique, ce qui constitue une menace importante pour les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique.

Le New York Times a identifié une annonce récente intitulée « Bidon partiel de 10 livres de réfrigérant R22 » pour 200 dollars en espèces à Severna Park, dans le Maryland. La substance mentionnée est connue sous le nom de HCFC-22 et est strictement régulée.

Un amendement a été apporté en 2016 au Protocole de Montréal afin d’éliminer progressivement la production et la consommation de HFC de 80 à 85 % d’ici à 2047. Connu sous le nom d’amendement de Kigali, cet accord international juridiquement contraignant a été signé par 200 nations.

En septembre 2022, les États-Unis ont officiellement ratifié l’amendement et rejoint les 137 autres nations qui l’avaient déjà fait. Selon le département d’État américain, cet accord devrait permettre de « restaurer la couche d’ozone stratosphérique d’ici 2065, évitant ainsi 443 millions de cas de cancer de la peau, environ 2,3 millions de décès dus au cancer de la peau et plus de 63 millions de cas de cataractes rien qu’aux États-Unis ».

Michael Hart fait maintenant face à jusqu’a 13 chefs d’accusation, dont ceux de conspiration, d’importation illégale de produits réglementés et de vente de produits importés illégalement. Les peines encourues vont de 5 à 20 ans de prison, assorties d’une amende de 250 000 dollars.

Selon un acte d’accusation non divulgué rapporté par le Washington Post, M. Hart a communiqué avec un client en lui assurant qu’il pouvait lui garantir « 15 à 20 réservoirs par semaine ».

La prévalence d’un commerce mondial illégal de HFC préoccupe depuis des années les régulateurs environnementaux, car les personnes tentent de faire fonctionner les anciens systèmes de climatisation et de réfrigération à moindre coût, sans se préoccuper de l’impact sur le réchauffement de la planète.

Un document de travail scandinave sur le commerce illégal des HFC explique que le système de quotas imposé aux HFC a provoqué « une hausse des prix et a rendu les importations illégales de l’UE (sans quotas) plus attrayantes ».

L’Union européenne, qui a convenu d’un programme d’élimination progressive des HFC en 2014, a néanmoins récupéré 255 726 kg de produits chimiques illégaux entre 2019 et 2020. Près de 600 saisies ont été signalées par 24 pays de l’UE, révélant le défi important que représente ce commerce illégal.

David Uhlmann, l’administrateur adjoint de l’EPA, a admis qu’il s’attendait à de nombreux autres cas à la frontière sud et qu’il « pourrait ne pas être en mesure d’intercepter chaque expédition illégale » jusqu’à ce qu’une politique de tolérance zéro soit mise en place.

Mais Tara K. McGrath, procureure du district sud de la Californie, a quand même souligné la détermination des autorités à « utiliser tous les moyens possibles pour protéger la planète des polluants toxiques », promettant que cette affaire « ne sera pas la dernière ».

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.