Le président de la Colombie, Gustavo Petro, a déclaré l’état d’urgence dans le département de La Guajira, anticipant une crise humanitaire à la fin de l’année 2023. Mais la Cour constitutionnelle a bloqué cet état d’urgence, estimant que la situation n’était pas « suffisante » pour justifier une telle décision.
Le 2 octobre, la Cour constitutionnelle colombienne a formellement rejeté la déclaration d’état d’urgence du président Gustavo Petro à La Guajira, le département le plus au nord de la Colombie, où vivent notamment la population amérindienne Wayúu.
M. Petro, élu en 2022, a déclaré l’état d’urgence « économique, social et écologique » à La Guajira le 2 juillet dernier, ce qui lui a donné des pouvoirs législatifs extraordinaires pour faire face aux défis environnementaux et humanitaires attendus dans la région.
La crainte d’une crise humanitaire est due à une combinaison de facteurs climatiques prévisibles ou attendus.
El Niño risque d’aggraver la sécheresse et la sous-nutrition chez les Wayúu
En août, le président s’était exprimé devant la Cour constitutionnelle pour défendre sa déclaration de l’état d’urgence, affirmant que la région risquait d’être confrontée à une aggravation des problèmes humanitaires déjà existants tout au long de l’année.
M. Petro a déclaré que la population Wayúu avait culturellement pour habitude d’être géographiquement très dispersée, ce qui rendait difficile l’acheminement d’aides de base. M. Petro a déclaré l’état d’urgence afin de ne pas avoir à attendre que le Congrès colombien légifère sur les problèmes climatiques à venir d’ici la fin de l’année.
Les données du gouvernement colombien montrent que La Guajira est le département le plus pauvre de Colombie, avec un taux de 67% par habitant en 2021. La même année, les données montrent que 53% des habitants du département, également le taux le plus élevé du pays, souffraient d’un manque de biens de première nécessité tels qu’un logement décent. La Guajira était le quatrième département du pays avec le plus fort taux de pauvreté multidimensionnelle, qui comprend également la malnutrition, et s’élevait à 43 % en 2022.
En raison de la forte probabilité que les effets météorologiques d’El Niño créent des sécheresses, combinée aux effets imprévisibles du changement climatique, Petro a déclaré qu’il s’attendait à ce que la malnutrition s’aggrave pour le peuple Wayúu, en raison de l’aridité et du manque de précipitations en cas d’apparition d’El Niño. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la probabilité qu’El Niño se produise cette année était de 90 % en juin.
La Guajira étant une région isolée sur la côte, l’accès à l’eau potable est également problématique.
La possibilité de contourner le Congrès, mais la Cour contrôle les décisions du président
Dans son jugement de refuser l’état d’urgence, la Cour a cependant reconnu les problèmes humanitaires qui se profilent à La Guajira, ainsi que l’urgence de la situation. Elle a également reconnu que la crise alimentaire à venir à La Guajira était réelle et que le président ne commettait pas d’erreur d’interprétation.
Cependant, la Cour estime qu’il n’y a pas de raison suffisante pour que des pouvoirs d’urgence soient accordés dans cette situation.
Elle estime qu’il en est de la « responsabilité constitutionnelle » du Congrès colombien de « prévenir les problèmes structurels ou leur aggravation », y compris la malnutrition des habitants de La Guajira. Par conséquent, il n’appartient pas au président de contourner le Congrès dans cette situation. La Cour a malgré tout reconnu que le Congrès n’avait pas fait assez pour prévenir cette situation.
Pour éviter que les problèmes de La Guajira ne s’aggravent encore, la Cour a reporté le blocage de l’état d’urgence jusqu’en 2024.
Par conséquent, le président disposera de privilèges spéciaux pour intervenir dans la Guajira jusqu’au 2 juillet 2024, sous le contrôle de la Cour, qui veillera à ce que les interventions du président soient « strictement nécessaires » dans la région.
Fin septembre, le gouvernement a commencé à envoyer un revenu citoyen, d’un demi-million de pesos (110 euros) par mois, dans le nord de La Guajira aux mères seules responsables d’une famille.