Les parlementaires chiliens approuvent une réforme du code de l’eau vieille de onze ans

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13 janvier 2022

Le Chili a voté une réforme du code de l’eau initiée il y a 11 ans. L’eau sera considérée comme un bien national à usage public, mais tous les problèmes de gestion de l’eau du pays ne seront pas résolus.

Greenpeace a lancé une pétition demandant que l'accès à l'eau devienne un droit constitutionnel au Chili
Greenpeace a lancé une pétition demandant que l’accès à l’eau devienne un droit constitutionnel au Chili | © Greenpeace

Le 12 janvier, le Sénat chilien a voté à l’unanimité en faveur d’une réforme du code de l’eau, un jour après l’adoption du projet de loi par la Chambre des députés.

Avec cette réforme, l’eau est déclarée « bien national à usage public », ce qui signifie que l’accès à l’eau et son utilisation sont un droit appartenant à tous les habitants du pays.

Avant le Sénat, la Chambre des députés a massivement approuvé les amendements du code avec 129 voix pour, 2 contre et 2 absentions. La loi sera envoyée au président pour promulgation.

La réforme était en discussion depuis 11 ans. La Chambre des députés avait approuvé un premier texte en mars 2011. Mais le projet de loi n’a été envoyé au Sénat qu’en 2016, qui l’a rejeté en 2021. Ensuite, 18 amendements furent refusés, ce qui a déclenché la création d’une commission mixte chargée de concilier les différences entre les deux chambres.

Selon Greenpeace, plus de 47% de la population rurale ne dispose pas d’un véritable approvisionnement en eau potable et aucun Chilien n’est en pratique garantie d’avoir accès à l’eau.

L’accès à l’eau potable, un droit humain inaliénable

Dans le projet de loi, l’accès à l’eau potable et les systèmes sanitaires devient un droit humain essentiel et inaliénable qui doit être garanti par l’État.

Le code souligne que « l’utilisation pour la consommation humaine, la subsistance domestique et l’hygiène prévaudra toujours, tant dans l’octroi que dans la limitation des droits d’utilisation ».

De plus, les droits pour l’utilisation de l’eau ne seront plus accordés indéfiniment dans le temps. Au contraire, il s’agira de concessions renouvelables pour une durée maximale de 30 ans. Il sera interdit de spéculer sur les droits ou de les monopoliser. Les droits sur l’eau seront également suspendus ou annulés s’ils ne sont pas utilisés.

Le projet vise également à garantir un meilleur accès à l’eau aux communautés rurales et aux territoires indigènes. L’État devra veiller à ce que l’intégrité des terres et de l’eau soit préservée et que l’eau existante profite aux communautés autochtones.

Quant au respect des écosystèmes, les systèmes de drainage seront interdits dans plusieurs zones humides dans quatre régions du pays.

Les droits d’accès excluent également l’exploitation des glaciers avec la définition de l’eau dans le projet de loi. Le Chili, notamment avec la Patagonie, abriterait 80% des glaces d’Amérique du Sud, qui s’étendent approximativement sur 20 000 km², soit la taille d’un pays comme Israël.

La Direction générale de l’eau recevra davantage de pouvoirs pour mettre en œuvre le code. Parmi ses prérogatives figure la possibilité de suspendre les concessions de l’eau. Elle sera également chargée de décider des priorités de distribution ou de déclarer des réductions temporaires de l’utilisation de l’eau en cas de besoin par exemple.

Mais les amendements ne résoudront pas tous les problèmes d’eau dont fait face le Chili. Le point de blocage de la législation était l’avenir des droits actuels. Les concessions ont déjà été accordées pour 90% des nappes et 50% des eaux aquifères.

Les droits sur l’eau déjà accordés resteront à perpétuité

Au Chili, les lois sur l’eau équivalent peu ou prou à de la privatisation de l’accès et l’utilisation de l’eau. Et les droits sont ensuite achetés ou revendus sur le marché privé.

« Le système chilien crée en pratique un système d’appropriation de l’eau. Ailleurs dans le monde, l’eau est distribuée au secteur privé pour un usage spécifique, mais pas pour la vente des droits d’accès, ce qui se fait ici à l’échelle nationale », a déclaré Félix González, président du parti écologiste, au Diario Concepción.

Et la loi ne modifiera pas les droits sur l’eau qui ont déjà été acquis pour une utilisation perpétuelle, ce qui limite beaucoup ses effets pour résoudre les problèmes actuels.

Pour Diego Ibáñez, parlementaire pro-environnement et membre du parti du président élu Gabriel Boric, la réforme ne résoudra pas la question du « pillage de l’eau » du pays, a‑t-il déclaré à DiarioUChile. « Nous avons un problème structurel lié à la distribution de l’eau. Certains acteurs concentrent le pouvoir aujourd’hui. Ils vont faire passer leurs intérêts économiques avant ceux des territoires et des communautés et cela ne sera pas résolu par ce Code de l’eau. »

Sur Twitter, il reconnaît des avancées mais regrette qu’il n’y ait pas de majorité « pour une gestion intégrée et démocratique des nappes ou pour soumettre les droits perpétuels actuels à toutes les nouvelles règles ».

C’est la raison pour laquelle deux parlementaires ont voté contre les amendements au code à la Chambre des députés.

Diego Ibáñez et Greenpeace, entre autres, font pression pour que l’accès à l’eau soit considéré comme un droit constitutionnel. La Constitution du Chili est en effet en cours de réécriture par la Convention constitutionnelle.

Le projet de loi doit maintenant être promulgué par le président, mais certains articles pourraient être examinés par la Cour constitutionnelle.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.