Un tribunal néerlandais ordonne d’agir contre la vente de cigarettes avec filtre aux Pays-Bas

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4 novembre 2022

Un tribunal de Rotterdam a jugé que les Pays-Bas avaient six semaines pour agir contre la vente de cigarettes avec filtre. Il estime que la manière dont les substances nocives inhalées par les fumeurs sont mesurées dans l’Union européenne ne peut garantir le respect des doses maximales autorisées.

Main d'une fumeuse tenant une cigarette
Main d’une fumeuse tenant une cigarette. Les fumeurs bouchent les trous des filtres lorsqu’ils prennent une bouffée | © Jocelyn Lusseau

Le 4 novembre, le tribunal de district de Rotterdam a jugé que l’Autorité néerlandaise de sécurité des produits alimentaires et de consommation (NVWA) disposait de six semaines pour mettre en place des mesures contre la vente de cigarettes à filtre aux Pays-Bas.

La raison derrière cette décision est que les substances nocives inhalées par les fumeurs de cigarettes à filtre sont vraisemblablement beaucoup plus élevées dans les faits que ce qui est mesuré dans les laboratoires avec des machines.

Les cigarettes à filtre présentent de petits trous au milieu du filtre. Ces trous sont en grande partie bouchés par les doigts et les lèvres des fumeurs. Mais la méthode de mesure ne tient pas compte de ces petits trous par lesquels les machines aspirent de l’air sain et diluent la quantité de substances nocives mesurée.

Des recherches menées par l’Institut national pour la santé publique et l’environnement, une agence indépendante du ministère de la santé néerlandais, ont montré que lorsque ces trous sont bouchés, la quantité de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone de toutes les cigarettes à filtre est 2 à 20 fois supérieure aux valeurs limites autorisées par la législation néerlandaise.

La NVWA avait fait valoir qu’elle ne pouvait prendre aucune mesure car elle était liée à la méthode de calcul. Cette méthode est en effet prescrite par la Commission européenne.

Le tribunal de Rotterdam avait renvoyé l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg. En février dernier, elle avait reconnu que la méthode utilisée par les machines était valide mais peu transparente et injuste pour les fumeurs. À ce titre, elle a demandé au tribunal de Rotterdam que les autorités néerlandaises veillent à ce que le public sache exactement comment les substances nocives sont mesurées.

La méthode de test utilisée dans l’Union européenne est certifiée ISO, mais l’Organisation mondiale de la santé a une autre méthode, appelée « méthode intensive », durant laquelle les trous de ventilation sont fermés. Le goudron, la nicotine et le monoxyde de carbone inhalé plus intensément et plus profondément à chaque bouffée. Les différences les plus importantes concernent les cigarettes dites Light, dont les filtres possèdent beaucoup d’aération.

La Cour de Rotterdam reconnaît que la méthode de mesure est prescrite par la Commission européenne et n’est pas compétente en la matière. Mais tant que la méthode n’est pas modifiée, « il n’est pas possible de garantir que les cigarettes à filtre vendues aux Pays-Bas respectent les valeurs limites pour le goudron, la nicotine et le monoxyde de carbone. »

Par conséquent, afin d’être dans la continuité de l’esprit des valeurs limites imposées dans le cadre protection de santé publique, la Cour estime que la vente de cigarettes à filtre est en violation de la directive sur le tabac, ce qui « signifie que la NVWA doit prendre des mesures d’exécution contre la vente de cigarettes à filtre. » Les mesures exactes à prendre pour se conformer à l’arrêt ne sont pas définies, car c’est à la NVWA de déterminer comment l’appliquer. Elle peut également faire appel de la décision.

Le problème n’est pas nouveau, mais il s’agit de la première décision judiciaire de ce type dans le pays et elle pourrait en inciter d’autres à s’en inspirer. Cette réglementation néerlandaise est en fait un transfert de la directive sur les produits du tabac de la Commission européenne qui établit les règles concernant la fabrication, la présentation et la vente du tabac et de ses produits dérivés.

VSK, le groupe qui représente l’industrie du tabac, ne s’attend pas à ce que quelque chose change à court terme. « Les cigarettes vendues aux Pays-Bas sont les mêmes que celles vendues dans toute l’Europe, conformément aux directives européennes », a justifié son directeur Jan Hein Sträter à NOS.

Menée par la fondation Rookpreventie Jeugd (Prévention du tabagisme chez les jeunes en néerlandais), la plainte contre ce qu’elle appelle les « cigarettes truquées » a été déposée par 15 organisations, dont la municipalité d’Amsterdam. En 2018, l’association avait demandé à la NVWA de retirer les cigarettes à filtre de la vente, ce qu’elle avait refusé. Wanda de Kanter, pneumologue et présidente de Rookpreventie Jeugd, a déclaré dans un communiqué que « l’industrie du tabac a réussi à rendre et à maintenir les gens dépendants pendant des années, mais ce jugement montre clairement que cette pratique ne peut pas durer. La NVWA doit immédiatement retirer toutes les cigarettes des rayons. »

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.