Une étude prospective publiée dans One Earth, une revue scientifique consacrée aux questions environnementales, estime que l’utilisation de l’urine comme engrais pourrait être essentielle pour que l’Europe soit autosuffisante sur le plan alimentaire d’ici 2050.
L’utilisation accrue d’engrais azotés de synthèse au cours de la seconde moitié du XXe siècle a entraîné une augmentation de la productivité. Mais une utilisation excessive des engrais, qui semblent avoir atteint une limite dans les gains de rendement, entraîne une pollution par l’azote et nuit aux écosystèmes.
L’étude propose ainsi trois piliers pour pouvoir nourrir la population européenne en 2050, qui devrait augmenter de 12 % selon le document, et « éliminer le cycle de l’azote du système agroalimentaire européen ». Selon le plan, la solution proposée pourrait fournir toute la nourriture nécessaire à la population de l’Europe d’ici 2050. De plus, elle mettrait fin à l’importation de maïs des États-Unis ou de soja d’Amérique du Sud, tout en permettant une réduction de 50 % de la pollution par l’azote.
Le nouveau système agricole serait basé sur un régime alimentaire comportant moins de produits d’origine animale et une meilleure utilisation des cultures, par exemple avec une alternance avec des légumineuses fixant le dioxyde d’azote plutôt que de laisser les terres en jachère. Mais la perspective de l’autosuffisance alimentaire européenne inclut également un troisième pilier, bien moins courant : les excréments humains.
Traiter et utiliser l’urine humaine comme engrais
Au fil des années, la spécialisation des cultures en fonction des spécificités territoriales a conduit à négliger la complémentarité des plantations et ses avantages. L’augmentation des cheptels et la diminution des prairies permanentes ont aussi entraîné une utilisation déséquilibrée des déjections animales et une dissémination excessive de l’azote dans les sols et les eaux.
Mais si il y avait moins d’élevages, la quantité de fumier disponible diminuerait. Et il pourrait alors être remplacé par des excréments humains comme l’urine.
L’hypothèse repose en fait sur le recyclage de 70% des excréments humains qui contient de l’azote, et notamment l’urine. En effet, l’urine possède des nutriments comme l’azote, le phosphore et le potassium qui sont essentiels à la croissance des plantes.
Le recyclage de l’urine pourrait potentiellement être utilisé comme engrais au lieu de finir dans les stations d’épuration.
Cette méthode a pris son essor en Suède dans les années 1990, avec des toilettes spécifiques pour le traitement à la source en évitant que l’urine ne soit mélangée à d’autres matières fécales ou à du papier. Des installations de détournement des urines existent également en Allemagne ou aux Pays-Bas. Mais ces types de toilettes, y compris les toilettes extérieures lors des festivals de musique qui recueillent uniquement l’urine, restent encore marginaux.
Fabien Esculier, chercheur français en systèmes de gestion des eaux urbaines, a estimé que l’urine de l’agglomération parisienne – 10,8 millions de personnes – pourrait permettre de produire du blé pour fabriquer 25 millions de baguettes par jour. C’est 90% de la consommation quotidienne de baguettes des Français en boulangerie.
Certaines entreprises, comme Toopi organics, font des essais à plus grande échelle. En fait, des recherches sur les traitements doivent encore être effectuées avant une utilisation généralisée. Par exemple, les résidus potentiels de médicaments dans l’urine pourraient poser problème pour l’épandage sur les cultures. En Europe, les systèmes de gestion de l’eau ne sont pas encore conçus pour la séparation et le traitement de l’urine humaine.
De plus, outre les réticences de la population pour une utilisation généralisée de cette technique sur leurs légumes et légumineuses, un autre obstacle se dresse devant la projection : la réglementation européenne sur l’agriculture biologique interdit l’utilisation de l’urine humaine.