L’absence de mandats de police, l’allongement des peines pour les délits sexuels et l’obligation de procéder à des examens médico-légaux sont autant d’éléments évoqués dans la nouvelle proposition de loi contre la criminalité à Singapour.
Le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur de Singapour ont proposé ce mois-ci au Parlement un nouveau projet de loi qui donnerait aux autorités une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne les crimes les plus graves.
Les principaux éléments du « Criminal Procedure (Miscellaneous Amendments) Bill 2024 » comprennent la possibilité de détenir indéfiniment les délinquants sexuels s’ils sont toujours considérés comme une menace publique, la possibilité pour la police de fouiller les suspects sans mandat si nécessaire, et de nouvelles règles pour les examens médicaux médico-légaux.
D’autres modifications visent à permettre aux suspects de délits mineurs d’être libérés sous caution personnelle plutôt que sous caution et à affiner certains aspects de la divulgation d’informations avant le procès.
Le ministre du droit et des affaires intérieures, K. Shanmugam, a qualifié les derniers amendements proposés de « très substantiels » lors d’une conférence de presse tenue le 10 janvier.
L’un des principaux aspects du projet de loi est la peine de protection publique renforcée (Sepp), qui empêcherait les délinquants violents ou sexuels d’être libérés de prison à l’issue de leur peine, en particulier s’ils montrent des signes potentiels de récidive. Les personnes seraient alors détenues pour une durée minimale comprise entre cinq et vingt ans puis ne seraient libérés que s’il est établi qu’ils ne représentent plus une menace pour la société.
La loi serait limitée aux auteurs d’infractions telles que l’homicide et la tentative de meurtre, ainsi que d’infractions sexuelles graves telles que le viol et la pénétration d’un mineur. Elle s’appliquerait aux personnes âgées de 21 ans et plus, qu’il s’agisse d’un premier délit ou d’une récidive. Selon le Straits Times, le principal quotidien anglophone de Singapour, 200 à 300 affaires de violence et de délits sexuels graves sont actuellement recensées chaque année dans la cité-État d’Asie du Sud-Est.
Si un délinquant n’est pas libérable, il peut être maintenu en détention pour une durée indéterminée, voire à vie. Leur cas sera toutefois réexaminé chaque année.
Examens médico-légaux obligatoires
Un autre aspect du projet de loi prévoit que les personnes accusées d’agression sexuelle devront obligatoirement se soumettre à un examen médico-légal au cours de l’enquête. Les personnes qui y sont invitées, mais qui refusent de s’y soumettre sans excuse valable, peuvent être condamnées à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans, à une amende, ou aux deux.
Le projet de loi autorise également le recours à une « force raisonnable et nécessaire » pour obtenir l’examen, mais limite l’usage de la force lorsque l’examen porte sur des parties intimes ou des procédures invasives.
« Je pense qu’il est bon de donner aux forces de l’ordre la possibilité, lorsque les circonstances le justifient, de recueillir des preuves utiles à la résolution de l’affaire, a déclaré au Straits Times Stephanie Yuen-Thio, coassociée de TSMP Law Corporation. En fait, il est surprenant qu’ils ne disposent pas de tels pouvoirs à l’heure actuelle, et les examens médicaux médico-légaux requièrent actuellement le consentement de l’accusé. »
Si le consentement reste généralement requis, le projet de loi proposé permettra à la police d’y renoncer si elle a des « motifs raisonnables de croire » que la victime ne peut donner son consentement en raison de son état, si un parent ou un tuteur n’a pas donné son consentement ou fait l’objet d’une enquête, ou si tout retard risque d’entraver les résultats de l’examen médico-légal.
Fouille sans mandat
Le nouveau projet de loi permettrait également à la police de fouiller une personne sans mandat si elle a des raisons suffisantes de croire qu’un suspect possède un objet nécessaire à l’enquête. Selon les modifications proposées, entraver l’action des forces de l’ordre serait un délit passible d’une peine d’emprisonnement.
Actuellement, les fouilles sans mandat ne peuvent être effectuées que s’il y a des raisons de croire qu’un suspect ne produira pas ces preuves lorsqu’il sera soumis à une injonction. Le ministre Shanmugam affirme qu’il n’y a « aucun inconvénient » à ce changement car « personne n’est lésé » lorsque la police effectue une fouille, qu’elle trouve ou non des preuves.
Cette nouvelle proposition fait suite aux critiques internationales formulées en août dernier par les experts des Nations unies en matière de droits de l’homme, qui ont exhorté Singapour à mettre fin aux exécutions de personnes condamnées pour trafic de stupéfiants.
La nouvelle proposition de loi fera l’objet de deux lectures supplémentaires au Parlement cette année. Si elle est adoptée, elle sera présentée au président de Singapour, Tharman Shanmugaratnam, pour signature.