Pékin explique avoir détecté des parasites dans des fruits en provenance de Taïwan. Mais cette décision a‑t-elle des motivations politiques ? Le différend pourrait être réglé par l’Organisation mondiale du commerce.
Le 18 septembre, l’administration générale des douanes de la Chine a interdit les importations de jamalac et de l’attier pour des raisons sanitaires. La restriction a pris effet le 20 septembre.
[one_half]
[/one_half][one_half_last]
[/one_half_last]
Le gouvernement chinois explique avoir trouvé « à plusieurs reprises » des planococcus minor, une espèce de cochenille, dans ces deux fruits tropicaux cette année.
Le fruit de l’Annona squamosa, également appelé atte, pomme cannelle ou tête de Bouddha, appartient à la famille des anones comme la chérimole. De l’extérieur, ils ressemblent à de gros litchis verts.
Le fruit du Syzygium samarangense, le jamalac ou jambose, est originaire d’Indonésie. Avec la forme d’une cloche rose-rouge vif, ces fruits sont maintenant produits et consommées dans plusieurs régions d’Asie.
L’économie de Taïwan repose en grande partie sur les exportations, bien qu’elle se soit développée sur des produits industriels. Les fruits représentent environ un tiers des exportations agricoles de Taipei, une industrie qui emploie environ 5 % de la population.
Dix-neuf cargaisons contaminées en 2021
Selon le Conseil de l’agriculture (COA), Taïwan produit chaque année 57 000 tonnes de pomme cannelle et 50 000 tonnes de jamalac. Les exportations de ces fruits, qui sont vendus à 90% sur le marché chinois, représentent respectivement 23% et 10% de sa production annuelle.
Parmi les 3 710 tonnes de jamalac exportées à ce jour en 2021, 6 des 1 458 lots n’étaient pas conformes à la réglementation chinoise.
Concernant les pommes cannelle, Taipei mentionne avoir renforcé ses contrôles depuis octobre dernier. Lors d’une conférence de presse, le ministre du COA, Chen Chu-chung, a déclaré que 13 cargaisons de tête de Bouddha contenaient des cochenilles cette année, mais ils n’avaient reçu aucune notification de violations de normes de la part de Pékin depuis le 28 juin 2021.
Il a également expliqué que les risques liés aux cochenilles sont généralement éliminés par fumigation des fruits avec un pesticide : le bromométhane. Le bromométhane est un gaz toxique qui détruit la couche d’ozone. Tous les membres des Nations unies ont convenu d’éliminer progressivement son utilisation en 2005 dans le protocole de Montréal signé en 1987. Toutefois, le protocole prévoit une utilisation dérogatoire à des lors de quarantaine et avant d’expédier les produits.
Le conseil de l’agriculture de Taïwan demande alors à la Chine de lever l’interdiction et d’engager un dialogue technique – la neuvième demande du genre depuis février sans réponse à ce jour – avant le 30 septembre, faute de quoi le différend serait réglé par l’Organisation mondiale du commerce.
En outre, l’île allouera 1 milliard de nouveaux dollars taïwanais (36 millions de dollars américains) pour soutenir les ventes et les exportations vers d’autres marchés comme Singapour, le Canada, la Malaisie, l’Indonésie, Hong Kong et Macao.
Des restrictions sur Taïwan peu de temps après l’alliance AUKUS
Mais selon Taïwan, ces restrictions au commerce ont d’autres motivations que de les protéger de la propagation de parasites déjà présents en Chine continentale.
La présidente de Taïwan, Tsai Ing-Wen, a déclaré sur Facebook que cette soudaine décision chinoise « viole unilatéralement les normes commerciales internationales » avec une « intervention déraisonnable sur le marché ».
Pour le ministère des affaires étrangères, cette interdiction prouve que la Chine utilise le « commerce comme une arme ».
Cette décision intervient dans un contexte de pression politique accrue dans la région indo-pacifique.
Le 10 septembre, le Financial Times rapportait que les États-Unis étudiaient une demande de Taipei visant à renommer leur ambassade de fait de Bureau de représentation économique et culturelle de Taipei à Bureau de représentation de Taiwan.
L’interdiction d’importer des ananas a fait exploser les ventes au Japon
Une décision qui contrarierait Pékin car cela ferait un pas vers la reconnaissance de Taïwan. En fait, le Taiwan Relations Act de 1979 aux États-Unis stipule que les Américains n’auront que des relations officieuses avec le peuple de Taiwan.
De plus, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ont signé une alliance et un partenariat militaire dans ce qui est perçu comme un message envoyé à la Chine. Peu après avoir commenté l’AUKUS, Maoh Li, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères en Chine a insisté sur Twitter sur le fait que : « Taiwan fait partie de la Chine. La Chine doit être et sera réunifiée. Cette tendance historique ne peut être arrêtée par aucune force. Nous avertissons les autorités taïwanaises que toute tentative de recherche d’indépendance et de rejet de l’unification est vouée à l’échec. »
La Chine avait déjà interdit les exportations d’ananas en mars pour les mêmes raisons sanitaires. Selon Taiwan News, la Chine était quasiment leur unique acheteur, avec 40 000 tonnes d’ananas pour un revenu estimé à 1,5 milliard de dollars NT (54 millions de dollars US).
Le gouvernement avait déjà dépensé 1 milliard de NT pour soutenir la production et la vente d’ananas.
Taiwan a également demandé à la population et à ses alliés de soutenir la production en achetant des ananas. Ils sont devenus un symbole politique, les « ananas de la liberté ».
Le Taipei News rapporte que les importations japonaises ont alors été multipliées par huit entre mars et juin.
Découvrez plus d’actualités sur la Chine
Sources et autres liens utiles :
- 海关总署动植物检疫司关于暂停台湾番荔枝和莲雾输入大陆的通知, Administration générale des douanes de la République populaire de Chine, septembre 2021, adresse non sécurisée
- 農業新聞, Conseil de l’agriculture, septembre 2021
- Methyl Bromide, U.S. Environmental Protection Agency
- 農業新聞, Conseil de l’agriculture, septembre 2021