Après les ananas, la Chine interdit d’autres fruits en provenance de Taïwan

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20 septembre 2021

Pékin explique avoir détecté des parasites dans des fruits en provenance de Taïwan. Mais cette décision a‑t-elle des motivations politiques ? Le différend pourrait être réglé par l’Organisation mondiale du commerce.

Le 18 septembre, l’administration générale des douanes de la Chine a interdit les importations de jamalac et de l’attier pour des raisons sanitaires. La restriction a pris effet le 20 septembre.

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Jamalac
Jamalac : 0,4 % des expéditions vers la Chine ont été retoquées en 2021

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Pommes cannelle
Pommes cannelle : La Chine interdit les importations en provenance de Taïwan en raison de problèmes sanitaires

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Le gouvernement chinois explique avoir trouvé « à plusieurs reprises » des planococcus minor, une espèce de cochenille, dans ces deux fruits tropicaux cette année.

Le fruit de l’Annona squamosa, également appelé atte, pomme cannelle ou tête de Bouddha, appartient à la famille des anones comme la chérimole. De l’extérieur, ils ressemblent à de gros litchis verts.

Le fruit du Syzygium samarangense, le jamalac ou jambose, est originaire d’Indonésie. Avec la forme d’une cloche rose-rouge vif, ces fruits sont maintenant produits et consommées dans plusieurs régions d’Asie.

L’économie de Taïwan repose en grande partie sur les exportations, bien qu’elle se soit développée sur des produits industriels. Les fruits représentent environ un tiers des exportations agricoles de Taipei, une industrie qui emploie environ 5 % de la population.

Dix-neuf cargaisons contaminées en 2021

Selon le Conseil de l’agriculture (COA), Taïwan produit chaque année 57 000 tonnes de pomme cannelle et 50 000 tonnes de jamalac. Les exportations de ces fruits, qui sont vendus à 90% sur le marché chinois, représentent respectivement 23% et 10% de sa production annuelle.

Parmi les 3 710 tonnes de jamalac exportées à ce jour en 2021, 6 des 1 458 lots n’étaient pas conformes à la réglementation chinoise.

Concernant les pommes cannelle, Taipei mentionne avoir renforcé ses contrôles depuis octobre dernier. Lors d’une conférence de presse, le ministre du COA, Chen Chu-chung, a déclaré que 13 cargaisons de tête de Bouddha contenaient des cochenilles cette année, mais ils n’avaient reçu aucune notification de violations de normes de la part de Pékin depuis le 28 juin 2021.

Il a également expliqué que les risques liés aux cochenilles sont généralement éliminés par fumigation des fruits avec un pesticide : le bromométhane. Le bromométhane est un gaz toxique qui détruit la couche d’ozone. Tous les membres des Nations unies ont convenu d’éliminer progressivement son utilisation en 2005 dans le protocole de Montréal signé en 1987. Toutefois, le protocole prévoit une utilisation dérogatoire à des lors de quarantaine et avant d’expédier les produits.

Le conseil de l’agriculture de Taïwan demande alors à la Chine de lever l’interdiction et d’engager un dialogue technique – la neuvième demande du genre depuis février sans réponse à ce jour – avant le 30 septembre, faute de quoi le différend serait réglé par l’Organisation mondiale du commerce.

En outre, l’île allouera 1 milliard de nouveaux dollars taïwanais (36 millions de dollars américains) pour soutenir les ventes et les exportations vers d’autres marchés comme Singapour, le Canada, la Malaisie, l’Indonésie, Hong Kong et Macao.

Chen Chi-chung, ministre du Conseil de l'agriculture
Chen Chi-chung, ministre du Conseil de l’agriculture de la République de Chine lors de la conférence de presse | COA

Des restrictions sur Taïwan peu de temps après l’alliance AUKUS

Mais selon Taïwan, ces restrictions au commerce ont d’autres motivations que de les protéger de la propagation de parasites déjà présents en Chine continentale.

La présidente de Taïwan, Tsai Ing-Wen, a déclaré sur Facebook que cette soudaine décision chinoise « viole unilatéralement les normes commerciales internationales » avec une « intervention déraisonnable sur le marché ».

Pour le ministère des affaires étrangères, cette interdiction prouve que la Chine utilise le « commerce comme une arme ».

Cette décision intervient dans un contexte de pression politique accrue dans la région indo-pacifique.

Le 10 septembre, le Financial Times rapportait que les États-Unis étudiaient une demande de Taipei visant à renommer leur ambassade de fait de Bureau de représentation économique et culturelle de Taipei à Bureau de représentation de Taiwan.

Planococcus minor,
Planococcus minor, un parasite contaminant les fruits | © www.NatureLoveYou.sg

L’interdiction d’importer des ananas a fait exploser les ventes au Japon

Une décision qui contrarierait Pékin car cela ferait un pas vers la reconnaissance de Taïwan. En fait, le Taiwan Relations Act de 1979 aux États-Unis stipule que les Américains n’auront que des relations officieuses avec le peuple de Taiwan.

De plus, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ont signé une alliance et un partenariat militaire dans ce qui est perçu comme un message envoyé à la Chine. Peu après avoir commenté l’AUKUS, Maoh Li, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères en Chine a insisté sur Twitter sur le fait que : « Taiwan fait partie de la Chine. La Chine doit être et sera réunifiée. Cette tendance historique ne peut être arrêtée par aucune force. Nous avertissons les autorités taïwanaises que toute tentative de recherche d’indépendance et de rejet de l’unification est vouée à l’échec. »

La Chine avait déjà interdit les exportations d’ananas en mars pour les mêmes raisons sanitaires. Selon Taiwan News, la Chine était quasiment leur unique acheteur, avec 40 000 tonnes d’ananas pour un revenu estimé à 1,5 milliard de dollars NT (54 millions de dollars US).

Le gouvernement avait déjà dépensé 1 milliard de NT pour soutenir la production et la vente d’ananas.

Taiwan a également demandé à la population et à ses alliés de soutenir la production en achetant des ananas. Ils sont devenus un symbole politique, les « ananas de la liberté ».

Le Taipei News rapporte que les importations japonaises ont alors été multipliées par huit entre mars et juin.

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Sources et autres liens utiles :

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.