Au Japon, la première plainte contre le profilage ethnique dans le pays

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29 janvier 2024

Trois citoyens japonais d’origine étrangère affirment avoir fait l’objet de nombreuses fouilles illégales et pourraient intenter la toute première action en justice pour profilage ethnique dans le pays.

Police Japon
© Adrien Bruneau

Trois citoyens japonais d’origine étrangère devraient intenter une action en justice cette semaine devant le tribunal de district de Tokyo, accusant les forces de police du pays de pratiquer le profilage ethnique incessant lors d’interpellations et de fouilles. (Mise à jour : la plainte a en effet été déposée le lundi 29 janvier.)

Motoki Taniguchi, un avocat spécialisé dans les droits de l’homme qui représente le trio, affirme qu’il demandera 3 millions de yens (19 000 euros) de dommages et intérêts par personne aux gouvernements central, métropolitain de Tokyo et préfectoral d’Aichi, ajoutant que la poursuite des interpellations policières constitue un acte de discrimination et une violation de la constitution.

Un Pakistanais d’une vingtaine d’années, connu sous le nom de « Zain », est l’un des plaignants. Il s’est installé au Japon à l’âge de huit ans et a obtenu la citoyenneté à l’âge de 13 ans. Malgré cela, il affirme avoir été soumis à de nombreuses fouilles au fil des ans, dont deux fois devant sa maison en 2023. « Au total, il a été contrôlé une quinzaine de fois au Japon », a déclaré M. Taniguchi dans un communiqué.

Les deux autres plaignants s’appellent « Maurice », une personne afro-américaine d’une quarantaine d’années qui vit avec des membres de sa famille qui sont citoyens japonais, et « Matthew », un homme âgé d’une cinquantaine d’années. Matthew a vécu dans plusieurs pays avant d’épouser sa partenaire japonaise en 2002 et de s’installer au Japon, où il est devenu résident permanent.

En 2021, une patrouille de police aurait fait demi-tour alors qu’il se rendait au travail avec sa femme, aurait mis sa sirène en marche et lui aurait ordonné de s’arrêter. On lui a alors demandé son permis de conduire, sa carte de séjour et son passeport. Bien qu’il n’ait commis aucun acte répréhensible, l’agent a déclaré qu’il était « inhabituel » de voir un étranger à cet endroit.

« Au total, il a été interrogé une centaine de fois par la police japonaise, et a été interrogé deux fois dans la même journée environ quatre fois », a déclaré M. Taniguchi dans un communiqué.

M. Taniguchi a déclaré à NHK News qu’il pensait qu’il s’agissait du premier procès intenté au Japon pour lutter contre l’illégalité des interrogatoires de police fondés sur le profilage ethnique et qu’il espérait que ce procès donnerait l’occasion aux personnes de se demander si les actions de la police dans le pays sont conformes aux normes internationales.

Bien que l’Agence nationale de police du Japon n’ait pas commenté l’affaire, une enquête interne menée en 2022 a confirmé six cas dans le pays d’interrogatoires inappropriés par des officiers basés sur des préjugés raciaux. À l’époque, l’agence a déclaré qu’elle fournirait des lignes directrices aux agents.

En septembre dernier, l’association du barreau de Tokyo a publié les résultats de sa propre enquête sur le potentiel profilage racial de la police japonaise. L’enquête en ligne menée pendant deux mois auprès de 2 094 personnes vivant au Japon et d’origine étrangère a révélé que 63 % des personnes interrogées avaient été contrôlés par la police au cours des cinq dernières années.

Selon les résultats de l’enquête, 84 % des répondants latino-américains ont été contrôlées, 83 % des personnes d’origine africaine et 76 % des personnes d’origine moyen-orientale. Pour, les Nord-Américains et les personnes originaires d’Asie du Nord-Est les chiffres s’élevaient respectivement à 60 et 50 % des personnes interrogées.

L’enquête a également révélé des différences basées sur le sexe de la personne. Cinquante et un pourcent des femmes ont déclaré que des policiers les avaient interrogées, tandis que 70 % des hommes ont déclaré qu’ils contrôlés. Et si 60 % des personnes interrogées estiment que les policiers sont polis lors des contrôles, 70 % d’entre elles se disent offusquées de l’avoir été.

La loi japonaise sur l’exécution des devoirs de la police stipule que les policiers peuvent interroger une personne s’ils identifient un motif probable.

En octobre dernier, l’Agence japonaise des services d’immigration a annoncé que plus de 3,2 millions de ressortissants étrangers vivaient au Japon, un record, et une augmentation de 148 645 par rapport à la fin décembre 2022. Environ 880 000 d’entre eux étaient considérés comme des « résidents permanents ».

Scott Murphy

Scott est journaliste pour Newsendip.

Scott est américain et vit à Hong Kong depuis de nombreuses années. Il possède une vaste expérience comme journaliste lifestyle, intervieweur et producteur de télévision. Ses articles sont également parus dans d'autres médias tels que CNN, Hollywood Reporter ou encore South China Morning Post.