L’Autriche veut durcir les lois sur le renseignement suite à un scandale d’espionnage avec la Russie

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8 avril 2024

L’Autriche a décidé de renforcer ses lois sur l’espionnage afin de combler des failles permettant aux agents russes d’opérer dans le pays. Cette décision coïncide avec l’affaire d’espionnage concernant Egisto Ott, un ancien responsable du renseignement autrichien, arrêté pour avoir espionné des dissidents du régime russe à Vienne.

Intérieur du Café Central à Vienne, Autriche.
L’emblématique Café Central de Vienne était fréquemment utilisé comme point de rencontre pour les espions pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide | © a.canvas.of.light sur flickr

La ministre autrichienne de la justice, Alma Zadić, du parti vert au pouvoir, a annoncé jeudi son intention de renforcer les lois autrichiennes sur l’espionnage après l’arrestation d’Egisto Ott, soupçonné d’avoir transmis des informations confidentielles aux autorités russes.

L’article 256 du code pénal stipule que seules les activités portant directement atteinte aux affaires autrichiennes sont punies par la loi, avec une peine de 6 mois à 5 ans de prison. Dans une interview accordée à Ö1-Morgenjournal, la ministre de la justice a insisté sur le fait que « les failles du droit pénal doivent être comblées ». Selon le gouvernement, toute activité d’espionnage sur le territoire autrichien à l’encontre d’un État devrait désormais être punissable.

Un scandale d’espionnage

Egisto Ott, ancien officier de protection constitutionnelle, a été arrêté une semaine auparavant suspecté d’avoir divulgué des données sensibles à des autorités russes, ainsi que pour avoir cloné les informations des téléphones de trois hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur.

Les téléphones appartenaient à un ancien chef de cabinet du ministère autrichien de l’intérieur, au directeur de la police fédérale et au directeur de l’office fédéral de l’immigration et de l’asile.

M. Ott travaillait à l’Office fédéral pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme (BVT), l’agence autrichienne de renseignement intérieur, et son poste lui permettait de transmettre des informations aux autorités russes sous prétexte d’observer des extrémistes. Les informations qu’il a fournies ont été retracées jusqu’à Jan Marsalek, l’ancien responsable de l’entreprise allemande Wirecard dans les transactions financières qui a fait faillite en 2020 après un scandale avéré de fraude. En fuite, M. Marsalek est accusé d’avoir espionné pour le compte de la Russie pendant des décennies.

En réaction à cette arrestation, le chancelier autrichien Karl Nehammer a affirmé que Vienne devait renforcer sa sécurité pour contrecarrer l’infiltration russe et a convoqué cette semaine une réunion du Conseil national de sécurité autrichien.

Ce n’est toutefois pas la première fois qu’Ott est accusé. Selon le Telegraph, il est soupçonné d’espionnage depuis sept ans. Il a avoué à Der Spiegel s’être introduit en 2022 au domicile du journaliste Christo Grozev, critique du régime russe.

Ott a découvert l’adresse du journaliste et a saccagé son domicile, volant un ordinateur et des clés USB, le tout avec une facilité déconcertante. Déguisé en policier, l’ancien officier de renseignement n’a eu à payer que 3,40 euros au bureau d’enregistrement pour obtenir son adresse, preuve en est de protocoles de sécurité faibles.

Une plaque tournante pour les services secrets russes

Vienne a longtemps été le terrain de jeu des espions, surtout pendant la guerre froide, où les cafés étaient constamment fréquentés par des agents et devenaient un point de rencontre pour l’échange d’informations. Le laxisme des lois et la liberté de circulation ont créé un lieu idéal pour les agents opérant sur le pont entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest. En 2018, Siegfried Beer, un expert autrichien en espionnage, a estimé qu’au moins 7 000 espions opéraient à Vienne.

Plus récemment, l’Autriche a suscité la controverse en devenant une plaque tournante des activités de renseignement russes. Exploitant des lois laxistes, des agents russes ont opéré en toute liberté dans le pays, recueillant des informations sur les dissidents opérant en Europe. Un média d’investigation indépendant hongrois a rapporté la présence de 100 agents russes à Vienne actuellement.

Connue pour sa neutralité militaire de longue date, l’Autriche est notamment le siège de l’Office régional des Nations unies, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou encore de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ce qui en fait une cible pour des informations sensibles sur la sécurité européenne.

L’opposition est également en faveur de sanctions plus sévères pour l’espionnage. Mais le ministre de l’intérieur Gerhard Karner, du Parti populaire autrichien, va plus loin que les Verts, en demandant une surveillance accrue des communications et des appels téléphoniques, dans le respect de la loi.

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.