La décision de suspendre la taxe carbone sur le fioul domestique inquiète les experts de la lutte contre le réchauffement climatique… et les agriculteurs.
Rétropédalage pour Justin Trudeau. Le mois dernier, le Premier Ministre du Canada a annoncé une pause temporaire de trois ans de la taxe carbone sur le fioul domestique.
La mesure vise à réduire les coûts pour les foyers canadiens les plus modestes, à l’heure où l’inflation fait rage dans le pays. Même si la décision s’applique à l’échelle nationale, la grande majorité du fioul domestique est utilisée dans la région de l’Atlantique pour chauffer des foyers à faible revenus.
Introduite en 2019, la taxe carbone était une des principales mesures prises par le gouvernement Trudeau pour réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre du pays d’ici 2030, comme il s’y était engagé dans le cadre des accords de Paris.
Mais ces dernières semaines, Trudeau a changé de cap, laissant derrière lui des années de messages politiques de lutte contre le changement climatique. La décision a suscité de nombreuses critiques. Tout d’abord de la part des experts climatiques, qui s’inquiètent des conséquences qu’une telle décision pourrait avoir sur la politique de lutte contre la crise climatique, mais également de la part des dirigeants provinciaux et syndicats agricoles.
En effet, le projet de loi C‑234 exempterait les établissements agricoles et bâtiments d’élevage. Les syndicats d’agriculteurs, qui souhaitent maintenir les coûts de la production alimentaire habituels sur le carburant utilisé pour sécher leurs céréales, sont rapidement montés au créneau.
Le prix de la tonne de fioul, qui est actuellement de 65 dollars, pourrait atteindre les 170 dollars la tonne d’ici 2030 suite aux inflations répétées, selon Grain Farmers of Ontario (GFO), l’un des plus importants syndicats agricoles, représentant plus de 28 000 producteurs d’orge, de maïs, d’avoine, de soja et de blé de l’Ontario.
Mais l’exonération de la taxe carbone permettrait aux agriculteurs d’économiser 1 milliard de dollars d’ici à 2030, selon la Canadian Taxpayers Federation, l’association canadienne des contribuables.
Brendan Byrne, dirigeant et porte-parole de Grain Farmers of Ontario, a appelé tous les agriculteurs et citoyens souhaitant maintenir les coûts de production à leur niveau actuel a envoyé une lettre à leur députés et sénateurs, leur demandant de lever l’exemption.
Principal opposant à la levée de l’exemption, le sénateur du Québec Pierre Dalphond, a affirmé que « les agriculteurs n’ont pas d’alternative pour le séchage des grains, mais qu’ils ont d’autres possibilités de chauffer les granges et les serres ».
« La tarification du carbone est considérée par les meilleurs économistes comme le moyen le plus efficace de réduire les émissions de carbone, a‑t-il déclaré. La hausse annuelle des prix est un signal puissant envoyé aux consommateurs : les combustibles fossiles deviendront de plus en plus chers et les décisions de se tourner vers des énergies renouvelables se traduiront par des économies substantielles. »
Un communiqué publié mardi soir par le Grain Farmers of Ontario (GFO) a souligné que les producteurs n’ont pas d’alternatives viables en dehors du propane ou du gaz naturel pour sécher les céréales ou chauffer leurs granges.
Justin Trudeau avait déjà connu des critiques en 2019, lorsqu’il avait approuvé l’extension d’un oléoduc, ouvrant la voie à un triplement de la production canadienne de pétrole alors qu’il venait de décréter « l’urgence climatique ».
Lors d’un vote mardi dernier, les sénateurs ont rejeté à une écrasante majorité l’amendement controversé qui aurait supprimé du projet de loi C‑234 toutes les utilisations, à l’exception du séchage des grains.