Le prix du carbone et ses effets sur le budget de la Nouvelle-Zélande

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9 mai 2023

En décembre dernier, la Nouvelle-Zélande a décidé de baisser le prix du carbone afin de réduire les effets de l’inflation sur les prix. Mais après le fiasco d’une vente de quotas d’émissions en mars, il manque 670 millions d’euros de revenus issus du carbone par rapport aux prévisions budgétaires du gouvernement.

bâtiments du Parlement néo-zélandais
Les bâtiments du Parlement néo-zélandais à Wellington, qui accueillent le gouvernement, la Chambre des Représentants et la Bibliothèque parlementaire. | © Koon Chakhatrakan, 2022

Malgré la baisse du prix du carbone, la Nouvelle-Zélande n’a pas réussi à vendre de quotas carbone en mars, ce qui a entraîné un manque à gagner de 1,2 milliard de dollars néo-zélandais (670 millions d’euros) dans le budget de l’État par rapport aux prévisions.

Le 9 mai, le Trésor néo-zélandais a fait état de cette perte de revenu dans sa déclaration trimestrielle des états financiers du gouvernement dont l’exercice budgétaire se termine le 30 juin.

Il en ressort que le solde d’exploitation du gouvernement avant gains et pertes, qui représente les revenus et dépenses opérationnelles du gouvernement, a atteint un déficit de 3,4 milliards de dollars néo-zélandais (1,9 milliard d’euros) au cours des neuf mois précédant la fin du mois de mars.

Le déficit s’avère beaucoup plus élevé que les 913 millions de dollars néo-zélandais prévus par le Trésor en décembre, malgré les efforts du gouvernement pour réduire les dépenses de 723 millions de dollars néo-zélandais de plus que ce qui était prévu.

Dans un pays qui, avant la pandémie de Covid-19, avait l’habitude d’avoir un excédent budgétaire, deux facteurs expliquent principalement ces résultats difficiles : la baisse des recettes fiscales due au ralentissement économique et le faible prix du carbone.

Les recettes de la Nouvelle-Zélande pour les neuf mois jusqu’au 31 mars se sont élevées à 91,7 milliards de dollars néo-zélandais, soit 2,9 milliards de dollars de moins que prévu (-2,4 %). Les recettes des impôts sur les sociétés et les citoyens ont généré 2,3 milliards de dollars néo-zélandais de moins que le prévisionnel.

De plus, le système d’échange de quotas d’émission (ETS), le marché néo-zélandais du carbone, a été déficitaire de 1,2 milliard de dollars néo-zélandais par rapport aux prévisions basées sur un prix du carbone de 85 dollars néo-zélandais (47 euros).

Aucun rachat de crédits carbone lors de la vente de mars

Chaque trimestre depuis mars 2021, la Nouvelle-Zélande vend aux enchères des crédits carbone aux pollueurs. Cela fait partie de la politique néo-zélandaise visant à atteindre ses objectifs de réduction des émissions en encourageant les changements de comportement.

Un prix du carbone élevé rend les émissions de gaz à effet de serre plus coûteuses, ce qui peut obliger les industries à adapter leur production, mais aussi se traduire par du carburant plus cher dans les stations-service pour les consommateurs.

Par exemple, les secteurs de l’énergie et des déchets sont tenus d’acheter et de remettre au gouvernement une unité néo-zélandaise (NZU) pour chaque tonne d’équivalent dioxyde de carbone qu’ils émettent.

Le gouvernement contrôle les prix planchers et plafonds et limite le nombre de NZU, de sorte que les entreprises sont limitées dans la quantité de carbone qu’elles peuvent rejeter, bien qu’elles puissent s’acheter et revendre des unités entre elles.

En outre, le gouvernement a estimé qu’il collecterait 4,5 milliards de dollars néo-zélandais (2,5 milliards d’euros) entre 2021 et 2025 en vendant des unités de carbone dans le cadre du système d’échange de quotas, afin de soutenir le Fonds d’intervention d’urgence pour le climat et les efforts de réduction des émissions de carbone, tels que des transports publics moins coûteux.

Le gouvernement a récolté 2 milliards de dollars néo-zélandais l’année dernière, les quotas carbone étant très prisés alors. En 2021 et 2022, tous les quotas carbone ont été vendus, y compris les unités supplémentaires gardées en réserve.

Mais à la surprise générale, aucune offre ne fut retenue lors de la vente aux enchères de mars pour les 4,5 millions d’unités de carbone disponibles à la vente.

En décembre, sous la direction de Jacinda Ardern – l’ancienne première ministre a démissionné de son poste en janvier – le gouvernement a décidé de prendre en compte la pression inflationniste et a accepté de baisser fortement les prix du carbone, malgré les recommandations inverses de la Commission sur le changement climatique.

Le secteur de l’énergie a salué cette décision, citant l’impact potentiel sur les prix de l’électricité et à la pompe.

En mars 2023, le prix des NZU a atteint son niveau le plus bas en 18 mois, à 54,50 dollars néo-zélandais, selon le gouvernement, alors que le prix était de 85 dollars dans les prévisions budgétaires de décembre.

Mais les offres faites lors de la vente aux enchères furent toutes inférieures au prix de réserve, gardé confidentiel, fixé par le ministère du changement climatique. Une première depuis la mise en place des enchères. Alors que le gouvernement pouvait espérer gagner plus de 250 millions de dollars néo-zélandais lors de la vente aux enchères, qui aurait déjà constitué un manque de 800 millions de dollars (450 million d’euros) par rapport au budget, le ministère n’a finalement perçu aucune recette.

Le ministre du climat, James Shaw, avait minimisé le couac en justifiant qu’il s’agissait d’une « caractéristique assez régulière » du système européen d’échange de quotas d’émission.

Un déficit compensé lors de la prochaine vente aux enchères en juin ?

Moins de quotas carbone vendus signifie moins de droits à polluer, ce qui est bénéfique pour l’environnement.

Mais le manque de demande lors de la vente a également été perçue comme un manque de confiance dans le marché du carbone en raison d’une politique climatique insuffisante du gouvernement.

En effet, les investisseurs sont prêts à acheter des NZU s’ils anticipent un gain financier, ce qui peut se produire si le pays reste ambitieux dans ses objectifs climatiques et de réduction des émissions, rendant ainsi les NZUs plus rare et essentielle pour les entreprises, ce qui fait donc monter les prix.

Alors que les mécanismes du marché du carbone néo-zélandais peut être difficile à comprendre et anticiper, le site d’actualités Stuff affirme que le système d’échange de quotas d’émission pourrait entraîner une perte budgétaire de 1,3 milliard de dollars néo-zélandais cette année si la confiance du marché et les prix des quotas carbone ne sont pas revigorés. Et ces recettes étaient destinées à financer des actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Pour l’instant, la combinaison d’un prix du carbone bas et de l’incapacité de la vente aux enchères à générer des recettes se matérialise dans les 1,2 milliard de dollars néo-zélandais qui manquent dans la déclaration du Trésor.

Alors que le ministre des finances Grant Robertson publiera bientôt le budget pour le dernier trimestre, où des coupes sont attendues, le gouvernement aura l’occasion de compenser partiellement le manque à gagner en juin, car toutes les unités pourront être à nouveau disponibles lors de la prochaine vente aux enchères.

Cependant, le budget du gouvernement est également affecté par le ralentissement économique qui, en fin de compte, peut affecter la demande de quotas carbone si la production ralentit.

« Il est inévitable que les comptes du gouvernement soient affectés par le ralentissement de l’économie. Nous nous efforçons de limiter les dépenses et de gérer nos finances de manière responsable. Le prochain budget a nécessité des choix difficiles pour faire face à la détérioration des conditions économiques », a déclaré M. Robertson. Le pays doit également réparer les infrastructures sévèrement endommagées par les inondations et le cyclone Gabrielle.

Avec une dette nette de 19,1 % du produit intérieur brut, meilleure que la prévision de 20,4 % du PIB grâce à des rendements plus élevés sur les marchés financiers, la dette de la Nouvelle-Zélande reste l’une des plus faibles de l’OCDE, a rappelé M. Robertson.

Il a ajouté que le déficit budgétaire était nettement inférieur qu’à la même époque l’an dernier.

Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.