Le ministre d’État ougandais Charles Engola a été abattu la semaine dernière par l’un de ses propres gardes du corps. Pour le président Yoweri Museveni, cet événement est comme un « embarras » pour l’armée dont les soldats « se transforment en mercenaires » cherchant à gagner de l’argent dans le civil.

Le 2 mai, Wilson Sabiiti, un soldat de l’armée ougandaise, les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF), s’est rendu au domicile de Charles Engola, le ministre du travail, de l’emploi et des relations industrielles.
Il a tiré 28 fois sur M. Engola, 64 ans, qui décéda peu de temps après. L’assistant du ministre, le lieutenant Ronald Otim, a également été blessé. M. Sabiiti s’est ensuite donné la mort dans un salon de coiffure où l’épouse du ministre avait l’habitude de se rendre.
Or, M. Sabiiti était l’un des gardes du corps du ministre depuis un mois. Alors que la police enquête toujours sur le motif exact d’un acte qui a choqué le pays, le militaire aurait eu du mal à joindre les deux bouts et se serait plaint d’arriérés de salaire selon plusieurs médias ougandais.
Le meurtre a fait ressurgir des commentaires en ligne sur la faible rémunération des soldats, environ 300 000 shillings (73 euros) par mois pour le premier échelon militaire, celui de soldat auquel appartenait M. Sabiiti. Âgé de 33 ans et père de 4 enfants, il s’était engagé en 2016 à la mort de son père pour pouvoir soutenir financièrement sa famille. Le salaire moyen d’un travailleur peu qualifié en Ouganda est environ deux fois plus élevé.
Le 10 mai, lors des funérailles nationales en l’honneur du ministre décédé et ancien colonel de l’UPDF, le président ougandais Yoweri Museveni a dénoncé cet événement tragique comme étant « un très grand embarras pour l’armée » et son honneur.
Lors de son discours, M. Museveni a affirmé que l’armée devrait revenir à la doctrine de l’Armée de résistance nationale, le groupe rebelle qu’il a dirigé pour prendre le pouvoir en 1986 et qui est devenu l’UPDF en 1995. Il estime qu’ils se battaient avant tout pour leur pays en acceptant de n’être que peu payés.
Tout en affirmant que la 169ème économie par habitant ne peut pas se permettre de payer des salaires élevés dans l’armée, il a dénoncé les personnes qui recherchent toujours plus d’argent, une philosophie qui transformerait les soldats en « mercenaires » qui vont aussi travailler dans le civil.
Pour le président, les soldats qui partent en opération pour des tâches civiles ne devraient recevoir que de la nourriture, et non des indemnités ou un salaire du gouvernement.
En Ouganda, des soldats qui assurent la sécurité dans le civil sont payés entre 300 000 et 500 000 shillings par mois (73 et 121 euros) par le gouvernement, selon le journal ougandais Monitor. M. Engola, par exemple, avait plus de cinq gardes du corps de l’armée pour assurer sa protection.
Plusieurs personnes de premier plan ont été abattues au cours de la dernière décennie dans le pays, ce qui a incité les officiels aisés à embaucher du personnel pour leur sécurité personnelle.
La présence de l’UPDF dans la vie civile s’est accrue au cours des dernières années dans un pays gouverné par le même dirigeant depuis 1986. Les élections de 2021, qui déclaré le président Museveni vainqueur après avoir repoussé la limite d’âge d’un président, ont été marquées par une violence et une répression généralisées de la part des forces de sécurité, selon Human Rights Watch.
Mais pour le général de l’UPDF James Mugira, l’acte de M. Sabiiti n’est que question « d’indiscipline, rien de plus ». Mardi, lors d’un discours au Parlement, qui a récemment adopté un projet de loi extrêmement répressif contre la communauté LGBT, il a affirmé que l’armée ougandaise « n’a jamais été une force mercenaire. Nous avons toujours servi notre patrie par patriotisme et par conviction idéologique ». Le meurtre du ministre « ne peut pas être réduit à une question de bas salaires et d’indemnités ».
La mort du ministre a également suscité des commentaires en ligne ironisant que le ministre avait été tué par un employé engagé pour assurer sa protection.
Après la mort de M. Engola, le Youtuber Ibrahim Tusubira avait vertement critiqué le ministre dans une vidéo. Quelques jours plus tard, il a été abattu près de son domicile, dans la banlieue de la capitale Kampala, par un tireur non identifié qui l’a attendu pendant deux heures selon des images de vidéosurveillance. La cause de sa mort reste inconnue.