Pour limiter les hausses de prix des carburants dans les stations-service, le gouvernement italien impose aux gérants d’afficher la moyenne des prix pratiqués dans le pays afin d’améliorer la transparence. Le gouvernement estime que la spéculation accentue une récente hausse des prix.
Avec l’essence payée en moyenne près de 2 euros le litre, et jusqu’à 2,5 euros à certains endroits, les consommateurs italiens ont l’un des carburants les plus chers de la zone euro comparé au coût de la vie. De plus, le prix de l’essence a augmenté d’environ 10 % rien que pendant la première semaine de janvier.
Et pour tenter de limiter l’inflation des prix de l’énergie, le conseil des ministres italien a approuvé le 10 janvier un décret qui impose plus de transparence aux gérants de stations-essence. Ils devront afficher clairement aux consommateurs la moyenne des prix pratiqués à travers le pays près de celui auquel ils vendent leur carburant, sous peine de sanctions. Les gérants risquent une suspension d’activité de 7 à 90 jours en cas de récidive.
Pour ce faire, les moyennes des prix des 55 000 stations-service du pays seront désormais mises à jour quotidiennement, et non plus hebdomadairement, par le ministère des entreprises et du Made in Italy.
Avec ces nouvelles règles de transparence, le gouvernement de Giorgia Melloni vise à freiner la hausse des prix de l’essence pour les Italiens. La première ministre et le parti allié d’extrême droite Lega Nord estiment que les récentes hausses de prix sont dues à la spéculation des distributeurs. Mais cette analyse n’est pas partagée par tous les membres du gouvernement.
Forza Italy, parti minoritaire de la coalition gouvernementale conservatrice qui ne gère ni le ministère de l’économie et des finances ni le ministère des entreprises, considère que les augmentations sont dues aux modifications des droits d’accises. En effet, le gouvernement a décidé d’arrêter la réduction temporaire des droits d’accises, mise en œuvre depuis mars dernier, pour 2023 car elle coûtait environ 1 milliard d’euros par mois au pays. Les droits d’accise ont ainsi augmenté de 18 centimes le litre le 1er janvier.
Pour Gianluca Di Ascenzo, président de Codacons, un groupement d’associations de défense des consommateurs, la fin de cette réduction temporaire ne peut pas expliquer toutes les augmentations et affirme qu’il y a de la spéculation parmi les distributeurs. Il souhaite également que les autorités vérifient s’il existe un accord sur les prix entre opérateurs.
Le président de l’Autorité de la concurrence et des marchés, Roberto Rustichelli, a écrit à la Guardia di Finanza pour obtenir des informations relatives aux contrôles effectués sur les prix des carburants afin de pouvoir étudier s’il existe des pratiques commerciales déloyales et des violations des principes de concurrence sur le marché.
La Guardia di Finanza, la police douanière et financière italienne, a mis en place à partir de mars 2022 un contrôle des prix pratiqués dans les stations. Au cours de l’année 2022, 5 200 inspections ont été effectuées pour 2 800 violations de « discipline des prix », selon des statistiques publiées mardi. Près de 2 100 d’entre elles étaient liées à l’absence de notification de leurs prix aux autorités ; 700 autres étaient dues à des prix non affichés correctement ou au fait que le carburant était facturé plus cher que le prix affiché.
Le gouvernement a déclaré que les contrôles antitrust et la surveillance des prix seront renforcés.
Gérant de station-service, le « maillon faible de la chaîne »
Néanmoins, les données officielles suggèrent que le prix global de l’essence a augmenté moins que la hausse des droits d’accises.
Selon les chiffres du ministère de l’environnement et de la sécurité énergétique, le prix de l’essence euro-super 95 a augmenté de 10 % entre le 1er et le 8 janvier pour atteindre 1.812 euros et celui du diesel de 9 % pour atteindre 1.868 euros.
Et selon le ministère des Entreprises et du Made in Italy, l’essence standard coûte en moyenne 11 centimes de plus dans le pays, ce qui représente une augmentation de 6 %, de 1,773 euros à 1,881 euros, entre la moyenne des prix de décembre et le 10 janvier. Un diesel premium comme le Diesel Excellium a augmenté de 29 centimes, soit 16 % de hausse, passant de 1,610 euros à 1,874 euros.
Le 30 décembre, le baril de brent était presque à son plus haut niveau du mois et s’échangeait à 85,92 dollars, puis a baissé à 81,84 dollars le 4 janvier (-4,7 %).
Pour Giuseppe Sperduto, président de la FAIB, la fédération italienne des stations-service, le gouvernement « se contredit lui-même » estimant que les données officielles certifient que les prix à la pompe sont conformes à l’augmentation du droit d’accise. Il critique un autre poids ajouté sur les épaules des propriétaires de petites entreprises qui sont « le maillon le plus faible de la chaîne d’approvisionnement en carburant. » Les prix appliqués dans les stations-essence sont déterminés par les compagnies pétrolières et les détaillants gagnent un montant fixe sur ce qu’ils vendent indépendamment du prix pratiqués, en moyenne 3,5 centimes bruts par litre, selon M. Sperduto. Plus le carburant est cher, moins les gérants y gagnent car les personnes achètent moins, affirme-t-il.
Un autre décret gouvernemental déterminera plus précisément les plafonds de prix du carburant sur les autoroutes italiennes. Au cours de leur réunion, le conseil des ministres a également convenu de reconduire le bon d’achat de 200 euros destiné au carburant pour les employés jusqu’en mars 2023.