Afin d’atténuer les effets de l’inflation en Pologne, le gouvernement a annoncé un TVA à 0% sur l’alimentaire et sur le gaz, en dépit des lois européennes, mais pas sur toute l’énergie.
Le 11 janvier, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a détaillé de nouvelles mesures pour protéger ses citoyens d’une inflation jamais vue depuis 2000, avec une hausse des prix de 8,6 % en décembre par rapport à l’année précédente.
Depuis décembre, les autorités travaillent à la mise en place d’un Bouclier anti-inflation pour atténuer ses effets sur la population. L’objectif est de protéger 7 millions de ménages de la hausse des prix de l’énergie. Le budget actualisé pour le Bouclier anti-inflation 2.0 s’élève désormais à au moins 15 milliards de złotys (3,2 milliards d’euros).
La Pologne dépensera 4 milliards de złotys (860 millions d’euros) pour fournir une allocation mensuelle minimale de 400 złotys (86 euros) par personne aux ménages à revenus moyens et faibles.
Par ailleurs, le gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’une réduction de la TVA sur l’énergie pendant six mois, de 23 % à 8 % pour le carburant, et de 23 % à 5 % pour l’électricité et le chauffage. La Pologne a également supprimé les droits d’accises. Pour ce qui est du gaz naturel destinés aux foyers, le gouvernement veut réduire la TVA à 8% jusqu’en février, puis à 0%.
Le projet de loi polonais supprime également la TVA de 5 % appliquée à la plupart des produits alimentaires pendant six mois, ce qui devrait permettre à chaque famille d’économiser 45 złotys (11 dollars) par mois pour un coût de 6 à 7 milliards de złotys (1,3 à 1,5 milliard d’euros) à l’État.
Les engrais ne seront pas non plus soumis à la TVA pendant six mois, car ils sont fortement affectés par les augmentations du prix du gaz, selon le gouvernement.
Une TVA à 0% sur l’énergie demandée à la Commission européenne en décembre
En décembre, le Premier ministre a estimé qu’il y avait une « forte probabilité » que l’exemption sur les denrées alimentaires soit approuvée par la Commission européenne. En effet, un État membre doit soumettre une demande à la Commission européenne avant d’appliquer une exemption de TVA.
Mais la Commission n’a pas semblé approuver la demande de la Pologne de supprimer complètement la TVA sur le carburant, l’électricité ou le chauffage. La position de la Commission européenne sur la réduction de la TVA sur les prix du gaz n’est pas non plus tranchée.
La Pologne souhaitait appliquer une TVA de 0 % sur le gaz naturel, l’électricité ou le chauffage pendant six mois, du 1er janvier au 30 juin 2022. Le ministre polonais des finances, Tadeusz Kościński, a envoyé la demande le 16 décembre à la Commission européenne.
Des réductions temporaires de TVA à 5% ou 8% peuvent être appliquées. Ces mesures sont conformes à la législation européenne puisque la Commission européenne autorise une TVA réduite à 5 % sur l’énergie.
En revanche, la Commission souhaite respecter les directives pour atteindre ses objectifs dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Mais une nouvelle réforme fiscale a été approuvée à l’unanimité par tous les ministres des finances de l’Union européenne le 7 décembre dernier. La nouvelle réforme de la TVA, qui a commencé à être discutée dès 2018, offre plus de flexibilité aux États membres sur les taux de TVA.
Une nouvelle réforme de la TVA, mais qui doit se conformer au Green Deal de l’UE
Une fois que les nouvelles règles sur le choix de la TVA entreront en vigueur, « les États membres pourront pour la première fois exonérer de la TVA certains biens et services considérés comme couvrant les besoins de première nécessité », mentionne le communiqué. Le taux normal de la TVA doit rester supérieur à 15 % et la TVA moyenne pondérée doit toujours être supérieure à 12 %.
Par conséquent, et pour la première fois, les États membres pourront également appliquer un taux inférieur à 5 % ou exonérer certains produits de la TVA.
La Pologne saisit donc l’occasion d’adapter sa TVA.
Toutefois, la structure fiscale doit également respecter le « Green Deal » de l’UE. En juillet, tous les États membres de l’UE se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et à réduire les émissions de carbone d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Et les taxes pour le chauffage et le transport doivent être en accord avec les objectifs contre le réchauffement climatique.
De plus, la réforme de la TVA exclut la possibilité pour les pays d’appliquer des taux réduits de TVA et des exonérations aux biens et services qui sont jugés préjudiciables à l’environnement.
Elle exclut de fait la TVA à 0 % pour les énergies carbonées, même si les États membres peuvent toujours y appliquer un taux réduit.
Augmentation du prix du gaz à cause de la Russie et des objectifs climatiques selon la Pologne
Cependant, cette réforme offrant une flexibilité sur la TVA n’a toujours pas été promulguée. Les nouvelles règles seront envoyées pour consultation au Parlement européen le 20 mars 2022. Ensuite, la législation entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’UE si elle est officiellement adoptée par les législateurs européens.
La décision de la Pologne concernant la TVA a donc été prise avant l’entrée en vigueur de la réforme européenne.
Mais en décembre, le commissaire Paolo Gentiloni a déclaré à la RMF que Bruxelles n’engagerait pas de procédure à l’encontre de la Pologne étant donné que le règlement deviendra obsolète dans quelques mois.
Il sera donc fort probable que l’Union européenne ferme les yeux sur la TVA à 0 % sur les produits alimentaires. Mais pas forcément sur l’énergie.
Lors de la conférence de presse, le Premier ministre a condamné « les manipulations sur le gaz russe ainsi que la politique climatique irresponsable et dogmatique de l’UE ». Il a également souligné que le récent rebond économique était la troisième raison expliquant l’inflation.
Le gaz naturel est souvent considéré comme une énergie fossile mais de transition vers des sources d’énergie propre. Et la Pologne semble là aussi anticiper une nouvelle taxonomie de la Commission européenne sur le gaz comme énergie de transition pouvant respecter les accords sur le climat. Mais cela ne veut pas dire qu’une TVA à 0% sur le gaz sera acceptée, même temporaire.
Mise à jour : la Commission européenne a approuvé le 2 février la taxonomie d’énergie de transition pour le gaz selon certaines conditions.