Oxfam considère que les objectifs de neutralité carbone sont des distractions dangereuses car les projections données en utilisant la reforestation seraient irréalisables à l’échelle mondiale.

L’organisation à but non lucratif Oxfam a publié en août 2021 le rapport Tightening the net, qui démystifie les objectifs grandioses de « zéro émission nette » clamés par des pays et des entreprises. Principalement basés sur la reforestation ou la restauration des forêts, l’association conclut que les objectifs ne sont pas réalisables à l’échelle de la planète.
Afin de lutter contre le dérèglement climatique, certains gouvernements et entreprises se sont récemment engagés à avoir zéro émissions nettes.
Environ 120 pays se sont engagés à devenir neutres en carbone d’ici 2050 et de grandes entreprises comme Microsoft, Apple, British Airways, Blackrock ou Netflix ont toutes publié leurs plans de neutralité carbone avec enthousiasme. Netflix a l’ambition de devenir neutre en carbone en 2022 en restaurant « des prairies, des mangroves et des sols sains ».
Mais alors que la plupart de ces projets n’en sont encore qu’à leurs débuts, Oxfam prévient que les objectifs de neutralité carbone « pourraient finir par constituer une distraction dangereuse » par rapport à une lutte efficace contre le changement climatique. Le rapport estime que « les objectifs zéro net à long terme détournent l’attention de la mise en œuvre d’actions climatiques tangibles à court terme ».
La neutralité carbone différente d’une réduction des émissions de carbone
L’une des raisons est l’absence d’une définition claire et précise de la neutralité des émissions de carbone. En fait, l’accord de Paris n’inclut ni ne définit des termes tels que « solutions naturelles » ou « zéro émission nette », qui sont très présents dans les discussions sur le changement climatique.
Atteindre des émissions nettes de carbone à zéro consiste à compenser les gaz à effet de serre déjà émis dans l’atmosphère. Cela peut se faire en restaurant les forêts, en préservant les mangroves ou en adaptant les terres cultivées. Mais la neutralité carbone est cependant différente d’une absence d’émission de carbone.
Pour Oxfam, les gouvernements et les entreprises s’appuient donc sur de vastes étendues de terre pour planter des arbres et capturer les émissions de carbone. Néanmoins, ces surfaces s’avéreraient insuffisantes pour faire face à la situation.
Selon le rapport, les objectifs sont impossibles à atteindre car il n’y aurait pas assez de terres sur la planète pour y arriver. Il est « mathématiquement impossible de planter suffisamment d’arbres pour atteindre les objectifs combinés de neutralité carbone annoncés par les gouvernements et les entreprises, car il n’y a tout simplement pas assez de terres pour le faire », ajoute le rapport.

Planter plus d’arbres qu’il n’y a de terres arables dans le monde
Selon Oxfam, il faudrait plus que les terres arables mondiales actuellement utilisées, soit cinq fois la taille de l’Inde, pour planter les arbres nécessaires à la neutralisation des émissions de carbone.
L’Éthiopie, qui n’est que le 94e pollueur mondial selon les chiffres de la Commission européenne, s’est engagée à devenir neutre en carbone. Sa stratégie repose largement sur une adaptation de son agriculture et un plan ambitieux de plantation de 20 milliards d’arbres entre 2020 et 2024. Bien qu’Oxfam reconnaisse que le pays fait « sa juste part en termes de lutte contre la crise climatique », elle estime néanmoins que le plan actuel nécessiterait plus de la moitié des terres éthiopiennes pour atteindre son objectif.
Si l’industrie pétrolière et gazière était neutre en carbone, la moitié de la superficie des États-Unis serait nécessaire, a calculé Oxfam.
De plus, une telle pression sur les terres pourrait entraîner « une famine et des déplacements massifs de populations dans le monde entier ».
Changement de l’agriculture et du régime alimentaire plutôt que l’expansion des terres
Par ailleurs, de nombreux objectifs de neutralité carbone incluent des compensations qui, au final, ne feraient que retarder davantage une « véritable action climatique ». La compensation des émissions de carbone pour atteindre les objectifs net zéro, qui consiste à acheter des quotas de carbone à une autre entreprise ou à un pays, risque d’avoir un impact sur les pays à faible revenu dont les forêts seraient utilisées par les pays riches pour continuer à polluer.
Le rapport cite l’exemple de la Suisse, qui compenserait ses émissions de carbone en achetant des quotas au Pérou et au Ghana, puis utiliserait leurs terres comme réservoir de carbone, ce qui n’est qu’un transfert de la pollution.
Pour Oxfam, une alternative plus durable réside dans une approche « food-first », une priorité à l’alimentation, en ciblant à la fois le changement climatique et la faim en adaptant les méthodes agricoles et les habitudes alimentaires.