En Australie, la police du Queensland a lancé un nouvel appel à témoins sur une affaire non résolue datant de 1982 avec l’aide du phénotypage de l’ADN qui a permis d’obtenir une image numérique du visage du suspect.

La police de l’État du Queensland en Australie, espère résoudre un cold case, une affaire non résolue, datant de 1982 en retrouvant le meurtrier d’Owen Edward Crabbe, dit Eddie, grâce à une technique encore récente : le phénotypage de l’ADN (DNA phenotyping).
Elle a lancé le 9 novembre un nouvel appel à témoins en publiant une image numérique du visage du suspect basée sur l’ADN provenant d’échantillons de sang trouvés sur le corps de M. Crabbe et sur la scène du crime.
Owen Edward Crabbe avait 57 ans en 1982 et était père d’un enfant lorsqu’il a été assassiné dans sa chambre d’hôtel lors d’un week-end. M. Crabbe avait quitté Brisbane pour un séjour à Gold Coast et avait dit à un ami qu’il partait avec un autre ami nommé Michael, selon le communiqué de la police. Il avait été retrouvé égorgé avec son jean autour du cou selon 9news, qui mentionne également qu’il s’était récemment séparé de sa femme et avait fait son coming out en tant qu’homosexuel.
Au total, 70 déclarations de témoins ont été recueillies lors de l’enquête initiale, il y a quarante ans, mais la police n’a pas retrouvé le suspect. Ils pensent que l’agresseur était avec M. Crabbe dans sa chambre d’hôtel où ils ont consommé de l’alcool avant que la victime ne soit violemment agressée, frappée à coups de pied et mortellement poignardée. Le principal suspect aurait également été gravement blessé.
Les enquêteurs de l’équipe des affaires d’homicide non résolues ont commencé à réexaminer cet homicide en 2020.
Un profil ADN a déjà été généré, mais il ne correspond à aucune personne actuellement enregistrée dans les bases de données ADN nationales et internationales des forces de l’ordre. Les enquêteurs espèrent maintenant que l’image numérique créée à partir du phénotypage de l’ADN pourra les aider.

Parabon Nanolabs, une entreprise américaine soutenue par le ministère de la Défense des États-Unis et qui fournit des services de phénotypage de l’ADN aux forces de l’ordre et aux agences gouvernementales, explique que l’ADN contient les instructions génétiques pour les caractéristiques physiques d’un individu telles que sa couleur de la peau, des yeux, des cheveux, les taches de rousseur, la forme du visage et son ascendance. En utilisant un ensemble de données qui lie l’information génétique (le génotype) aux attributs physiques (le phénotype), ils déterminent ensuite comment l’information génétique d’un échantillon peut aboutir à un apparence physique de manière statistique.
Les statistiques sont tirées de données provenant de tests ADN que les particuliers achètent pour connaître leurs origines. En effet, des sociétés comme FamilyTreeDNA ou GEDMatch, qui vendent des services permettant de connaître sa généalogie, ont également des programmes dédiés aux forces de l’ordre.
La méthode du phénotypage de l’ADN est testée depuis plusieurs années maintenant. Aux États-Unis, un visage créé en 2015 a permis à la police du Maryland de retrouver trois ans plus tard le meurtrier d’une femme tuée en 2005.
En 2020, la police du Queensland a publié un visage numérique reconstitué à partir d’ADN, car elle ne parvenait toujours pas à trouver l’identité d’un homme retrouvé mort 12 ans plus tôt. La nouvelle esquisse numérique variait considérablement de la précédente. Mais l’homme n’a pas encore été identifié.
Si le phénotypage de l’ADN peut être utilisé pour tenter d’identifier des corps et résoudre des meurtres, il soulève toutefois des questions éthiques. La Chine, par exemple, a fait des recherches en utilisant le phénotypage de l’ADN pour essayer de déterminer si une personne est un Ouïghour, avait rapporté le New York Times en 2019. La précision des résultats du phénotypage de l’ADN est également questionnée ainsi que les conséquences possibles en cas d’une image inexacte ou approximative. Tous les pays ne l’autorisent pas.
Dans un article de 2020, le biologiste moléculaire français Bertrand Jordan spécialiste de la génétique écrivait que la méthode avait fait de grand progrès sur les dix dernières années mais que les forces de l’ordre avaient tendance à surestimer la précision de la modélisation.
Il n’en reste pas moins que “les informations du public sont vitales pour résoudre” le meurtre de M. Crabbe, a déclaré Tara Kentwell, détective du Queensland. La police a également lancé une nouvelle récompense de 500 000 dollars australiens (322 000 euros) pour toute information pouvant conduire à la condamnation de la ou des personnes responsables du meurtre. “Toute personne qui a été impliquée dans le crime mais qui ne l’a pas commis et qui se présente et parle à la police, est éligible à cette récompense”, souligne le ministre de la police Mark Ryan.