L’annonce de possibles enquêtes de renseignement menées par les autorités philippines sur des ressortissants étrangers titulaires d’un visa étudiant ravive les tensions entre les deux pays.
Dans une déclaration ce vendredi, le commissaire philippin à l’immigration Norman Tansingco a indiqué qu’en vertu de l’ordre exécutif (EO) 285, article 2000, les ressortissants étrangers détenteurs d’un visa étudiant aux Philippines peuvent désormais faire l’objet de vérifications par l’agence nationale de coordination des renseignements et le bureau national d’investigation s’ils sont suspectés d’activités « qui semblent être contraires à la sécurité de l’État ».
Cette annonce répond à différentes affirmations dénonçant un afflux d’étudiants sur le territoire philippin, provenant principalement de Chine, dans un contexte tendu entre les deux pays sur fond de revendications en mer de Chine méridionale.
L’année dernière, plusieurs sénateurs avaient demandé à la Commission de l’enseignement supérieur d’enquêter sur un système de « diplômes à vendre » à Cagayan, dans le nord des Philippines.
Dans le cadre de ce programme, des étudiants chinois auraient payé jusqu’à 2 millions de pesos (32 000 euros) en échange d’un diplôme. Chester Cabalza, Président fondateur de l’International Development and Security Cooperation (IDSC) et ancien vice-président du Centre de recherche et d’études stratégiques de l’Académie de développement des Philippines, a été le premier à dénoncer ce stratagème, affirmant que les étudiants chinois n’assistent pas aux cours mais obtiennent tout de même leur diplôme.
Un nombre d’étudiants contesté
Le commissaire Tansingco a indiqué qu’un total de 1,516 Chinois ont obtenu un visa étudiant à Cagayan en 2023, tous approuvés par une grande université, mais que seulement 400 d’entre eux assistaient aux cours, car l’école mettait en place un système d’enseignement à distance.
Selon lui, l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers peut être attribuée au « rebond post-pandémique » et au « marketing agressif des écoles et des agences gouvernementales pour stimuler le tourisme éducatif dans le pays ».
« Le gouvernement a activement promu le pays en tant que plaque tournante de l’éducation en Asie. Nous espérons que ces préoccupations n’effrayeront pas les étudiants légitimes dont le séjour dans le pays pourrait grandement contribuer à relancer notre économie », a‑t-il précisé.
L’ambassade de Chine a, quant à elle, dénoncé des allégations « malveillantes » concernant l’afflux d’étudiants chinois à Cagayan, peu de temps après que le représentant de la province philippine, Joseph Lara, a demandé une enquête parlementaire sur le sujet dans une résolution déposée au Congrès des Philippines le 20 mars dernier.
Lara, affirmait que la présence d’un nombre important d’étudiants chinois – s’élevant selon lui à 4 000 – pourrait mettre en danger la sécurité du pays dans le contexte de l’agression de Pékin dans la mer avoisinante.
« L’accusation infondée concernant nos échanges éducatifs est un nouveau tour de passe-passe malveillant visant à susciter la suspicion et la haine à l’égard de la Chine », a déclaré l’ambassade dans un communiqué. Cela mérite une grande vigilance et doit être résolument combattu. »
Un contexte déjà tendu
L’ambassade a également indiqué que les échanges éducatifs entre les Philippines et la Chine « favorisent une compréhension mutuelle plus profonde entre nos deux peuples », ajoutant que les questions maritimes entre les Philippines et la Chine ne sont utilisées que dans l’intérêt personnel de certains politiciens philippins pour saper la coopération entre les deux nations.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux le 18 avril, une coalition d’universités de Cagayan a souligné que les informations faisant état de 4 000 étudiants n’étaient pas fondées. « Le nombre actuel d’étudiants étrangers inscrits à Cagayan est de 486 étudiants diplômés au 17 avril 2024, de diverses nationalités (Américains, Chinois, Indonésiens, Japonais et Vietnamiens) », ont-ils déclaré.
« L’insinuation selon laquelle la présence d’étudiants chinois dans les universités de la ville constitue une menace pour la sécurité nationale est non seulement sans fondement, mais aussi profondément offensante. Il s’agit d’une manifestation flagrante de racisme et de sinophobie qui n’a pas sa place dans notre société, en particulier dans le domaine de l’éducation », peut-on lire dans le communiqué.
Les institutions ont également souligné que les visas pour les étudiants étrangers relèvent de la compétence du ministère des affaires étrangères et du Bureau de l’immigration, et non du gouvernement provincial ou municipal.
Cette série d’incidents diplomatiques intervient dans un contexte déjà tendu entre les deux pays. Au début du mois, la Chine a mené des patrouilles de combat en mer de Chine méridionale contestée, théâtre de récents incidents avec les Philippines, au moment même où le pays y organisait des exercices militaires conjoints avec les États-Unis, le Japon et l’Australie.
La Chine voit avec inquiétude le renforcement des liens militaires entre ces pays, perçu par le géant asiatique comme une manière de contrecarrer ses revendications d’expansion territoriale dans la région.