Une équipe de l’Université de Lausanne s’est penchée sur le cas d’un animal de compagnie exotique de plus en plus populaire : l’escargot géant d’Afrique. Elle montre que cet escargot est un vecteur potentiel d’infections pour les humains, alors que leurs propriétaires peuvent être vus sur les réseaux sociaux en train de toucher leurs animaux de compagnie.
Posséder des escargots exotiques comme animaux de compagnie est une tendance croissante sur les réseaux sociaux mais présente des risques potentiels pour la santé des êtres humains. Une étude de l’Université de Lausanne publiée dans la revue Parasites and Vectors a mis en évidence la possibilité d’infections par contact avec l’escargot africain géant alors que certaines personnes les gardent comme animaux de compagnie.
L’étude a déterminé que ces escargots sont connus pour être porteurs de plusieurs agents pathogènes et parasites qui peuvent se transmettre aux humains. L’agent pathogène le plus courant est le ver pulmonaire du rat, qui peut engendrer une forme de méningite rare. L’étude indique également qu’il est probable que les scientifiques ignorent l’existence d’autres agents pathogènes et de parasites dont ces escargots pourraient être porteurs.
« Il est urgent de sensibiliser le public aux risques sanitaires associés à L. fulica, […] et de réglementer son commerce et sa possession à l’échelle internationale, » alertent les auteurs de l’étude.
De tels escargots comme d’autres animaux dits exotiques peuvent être achetés en ligne, sur des foires ou dans des animaleries généralement spécialisées en reptiles et amphibiens.
Escargots africains élevés ou sauvages
Pour étudier cette tendance, les auteurs de l’étude ont trouvé 623 utilisateurs d’Instagram qui possédaient probablement ces animaux comme des animaux de compagnie et ont examiné leurs posts, photos et vidéos. Ils ont constaté qu’il était courant que les propriétaires tiennent les escargots dans leurs mains, les laissent ramper sur leur corps et parfois sur leur visage.
Mena, une napolitaine de 26 ans et propriétaire de trois escargots géants d’Afrique estime qu’il y a une nuance à apporter lorsque l’animal n’a jamais vécu à l’état sauvage.
« On ne peut pas interagir [avec les escargots] comme avec un chien ou un chat, mais ce sont des animaux qui savent donner de l’affection d’une certaine manière », selon Mena qui apprécie le calme que leur présence dégage. « En termes froids et scientifiques, les escargots ne communiquent pas de sentiments ni rien d’affectueux […], mais ceux qui aiment les animaux interprètent leurs attitudes et remarquent certaines choses. Ils sont de nature curieux mais je peux garantir qu’ils ont chacun leur caractère et j’ai remarqué qu’ils savent reconnaître ceux qui prennent soin d’eux. »
Mena, qui possède aussi des insectes et des papillons, est au courant des risques d’infection et convient qu’il est déconseillé d’acheter des escargots d’Afrique sauvages. Mais elle estime que cela ne s’applique qu’aux spécimens capturés mais pas aux siens car issus d’un élevage italien. « Il est plus logique que [les escargots sauvages d’Afrique] aient des parasites. Il n’est pas très conseillé de prendre des spécimens sauvages », estime Mena.
Elle ajoute que plusieurs escargots d’élevage sont disponibles en Italie dans des foires aux reptiles, et que ses escargots sont « très propres et très sains ». Dans ces foires, un escargot peut coûter 10 à 15 euros, les prix augmentant en fonction de la rareté (certains escargots peuvent coûter jusqu’à 100 euros sur certains sites de vente en ligne spécialisés).
Concernant les escargots géants d’Afrique élevés en Europe, Jérôme Gippet, du département d’écologie et d’évolution de l’université de Lausanne qui a participé à l’étude, estime qu’ils ont le « potentiel » de transporter des maladies, mais que des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour plus de précision. Il a toutefois précisé que des études ont déjà approché le sujet.
Une étude a été publiée en 2019 sur la prévalence des parasites chez les escargots géants d’Afrique comme animaux de compagnie en Italie. Un échantillon d’escargots détenus à titre privé par une personne a été examiné et des larves d’un parasite pouvant affecter les humains ont été trouvées dans les échantillons fécaux de ces escargots. L’étude a donc conclu que l’infection parasitaire d’autres animaux domestiques et de l’homme était possible par contact avec un escargot géant d’Afrique.
Une invasion de ces escargots dans les tropiques
L’espèce, le Lissachatina fulica, est originaire d’Afrique de l’Est et s’est répandu en l’Europe ainsi qu’à d’autres continents. Selon M. Gippet, on assiste à une « invasion » de l’escargot géant d’Afrique dans les zones tropicales.
« Cette espèce est l’un des animaux terrestres les plus répandus. Elle est originaire d’Afrique de l’Est et a été transportée dans le monde entier par diverses activités humaines », a déclaré M. Gippet. « Elle constitue une menace pour la biodiversité, l’agriculture, le bétail et la santé humaine dans de nombreux pays, dont le Brésil, l’Inde et les États-Unis (Floride). »
Au Mexique, elle est considérée comme une espèce envahissante, en raison de sa tendance à véhiculer des maladies qui affectent d’autres espèces végétales et animales locales. Aux États-Unis, il est interdit de posséder un escargot géant africain comme animal de compagnie.
Le climat en Europe semble, pour l’instant, moins favorable à la prolifération de cet escargot. Mais M. Gippet a déjà deux exemples où des L. fulica adultes ont pu survivre aux hivers français et suisse en s’enfonçant dans le sol pour hiberner et réapparaître au printemps.
M. Gippet pense que l’infection est moins probable par le biais d’escargots d’élevage. Cependant, il ajoute que les rongeurs en Europe peuvent également être une source d’infection pour les escargots, une possibilité souvent ignorée. « En plus, les personnes oublient que les escargots peuvent également être infectés par des parasites en Europe, car nous avons aussi des souris et des rats… et il s’agit typiquement d’animaux qui prospèrent près des humains. »