Fukushima, le plan de rejet des eaux contaminées et les préoccupations des Coréens

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3 juillet 2023

Alors que l’Agence internationale de l’énergie atomique rend cette semaine ses conclusions sur le plan du Japon pour rejeter l’eau contaminée de la centrale dans la mer, l’inquiétude des Coréens ne faiblit pas.

Des experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique en visite de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi
Des experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique en visite de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en novembre 2022 | © AIEA

Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, se rend au Japon mardi 4 juillet pour trois jours. L’agence présentera son évaluation finale de la sécurité du plan japonais de rejet dans l’océan Pacifique de l’eau traitée provenant de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

(Mise à jour : l’agence a approuvé mardi le projet japonais de rejet en mer des eaux radioactives traitées. Elle a déclaré qu’il répondait aux normes internationales et que son impact sur l’environnement et la santé serait négligeable).

Cette eau radioactive a été utilisée pour refroidir les réacteurs endommagés de la centrale de Fukushima. Stockée dans un millier de réservors, le Japon a annoncé en 2021 qu’il prévoyait de s’occuper des 1,3 million de tonnes d’eau afin d’éviter tout risque de fuite ou d’accident supplémentaire.

Tokyo Electric Power Company Holdings, l’opérateur de la centrale, a achevé la construction des équipements nécessaires et espère recevoir à la fin de la semaine une autorisation des autorités japonaises pour commencer le déversement dans la mer.

L’AIEA n’a pas le pouvoir d’approuver ou d’interdire le projet, mais le Japon espère que les conclusions de l’agence ajouteront de la crédibilité à son plan de rejet de l’eau contaminée de la centrale de la côte est nippone, endommagée par un tremblement de terre et un tsunami en 2011.

Bien que la date de début ne soit pas encore définie, les opérations pourraient commencer cet été.

Selon TEPCO, l’eau exposée aux radiations passe par un système de filtration appelé Advanced Liquid Processing System qui réduit la concentration des substances radioactives, à l’exception du carbone 14 et du tritium. Chaque volume d’eau traitée est ensuite dilué dans 100 volumes d’eau de mer afin de réduire les risques.

Le tritium est un isotope de l’hydrogène qui possède deux neutrons de plus qu’un atome d’hydrogène normal, ce qui rend son noyau instable. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, le tritium est peu radiotoxique, mais peut être dangereux s’il est ingéré en grandes quantités. Le traitement de l’eau contaminée par le tritium fait partie des procédures habituelles dans les centrales nucléaires, mais pour des quantités beaucoup plus faibles.

Selon TEPCO, les concentrations de carbone 14 dans les réservoirs se situent actuellement à environ 2 % de la limite supérieure fixée par la réglementation. L’AIEA a estimé que les mesures effectuées par le Japon sur l’eau traitée à déverser étaient « exactes et précises ».

Déversée dans la mer sur une période de trente à quarante ans, le Japon affirme que la radioactivité de l’eau sera inoffensive pour la population et la vie marine car largement diluée avec des taux inférieurs aux normes internationales.

Achat et stockage de sel marin en Corée du Sud

En revanche, la Corée du Sud, la Chine et certaines îles du Pacifique sont fermement opposées au plan, mettant en avant les conséquences inexplorées d’un projet d’une telle ampleur sur l’environnement.

Vendredi, des militants écologistes ont manifesté devant l’ambassade du Japon à Séoul contre le projet.

Dans un sondage de l’institut de recherche Gallup Korea publié vendredi et réalisé au début du mois de juin, 78 % des Coréens se sont dits inquiets de la contamination des océans et des fruits de mer à cause du déversement des eaux usées nucléaires.

Selon une enquête conjointe du quotidien coréen Hankook Ilbo et du journal japonais Yomiuri Shimbun réalisée à la fin du mois de mai, 84 % des Sud-Coréens désapprouvent le déversement de l’eau. Dans le même temps au Japon, 60 % des personnes interrogées étaient d’accord avec le projet.

À l’approche des conclusions de l’AIEA, les Coréens ont accumulé les achats et les stocks de sel de mer, ce qui a entraîné une flambée des prix et un pénurie de sel. Les ventes de poisson auraient également ralenti selon les médias coréens.

Les données de la Korea Agro-Fisheries and Food Trade Corporation montrent que le prix moyen de 5 kilogrammes de sel a augmenté de 16 % en un mois et de 29 % en un an.

Les autorités coréennes affirment que l’augmentation des prix est due à un printemps pluvieux. Mais des comportements d’achat similaires avaient également eu lieu en 2011 après la catastrophe de la centrale de Fukushima.

En réponse à la hausse du prix du sel, le gouvernement a déclaré vendredi qu’il libérait environ 50 tonnes de sel par jour de ses stocks, avec une réduction de 20 % par rapport aux prix du marché jusqu’au 11 juillet.

Depuis 2021, la Corée du Sud maintient une interdiction totale d’importation de fruits de mer et de produits de la pêche en provenance de la préfecture de Fukushima et de sept autres régions voisines qui ont été touchées par la catastrophe nucléaire, en raison des inquiétudes sur une contamination radioactive.

Lors d’une conférence de presse tenue vendredi, le secrétaire général du gouvernement japonais, Hirokazu Matsuno, a déclaré qu’ils exigeront à la Corée du Sud et à la Chine de lever les interdictions d’importation de produits de la mer.

Le gouvernement coréen a assuré qu’elles resteraient en place, mais les relations entre le Japon et la Corée du Sud s’étant récemment améliorées, une potentielle reprise du commerce des produits de la mer entre les deux pays n’est pas à exclure.

L’interdiction d’importer des produits de la mer du Japon est l’un des derniers problèmes qui subsistent dans les relations entre Séoul et Tokyo.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.