L’Argentine rembourse pour la 1ère fois le FMI en devise chinoise plutôt qu’en dollars

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1 juillet 2023

L’Argentine a pour la première fois partiellement remboursé sa dette envers le Fonds monétaire international en yuans plutôt qu’en dollars américains, alors que l’économie du pays est confrontée à un manque de devises étrangères, à une inflation galopante et à une grave sécheresse qui affecte ses capacités d’exportation.

Sergio Massa, ministre argentin de l'Économie, avec Zou Xiaoli, ambassadeur de Chine en Argentine
Sergio Massa, ministre argentin de l’Économie, avec Zou Xiaoli, ambassadeur de Chine en Argentine, en avril 2023 | © Gouvernement argentin

Le 30 juin, l’Argentine a versé au Fonds monétaire international l’équivalent de 2,7 milliards de dollars au titre des échéances de sa dette. Mais pour la première fois, l’Argentine n’a pas payé en dollars américains mais en renminbi, le nom officiel de la monnaie chinoise, et en droits de tirage spéciaux (DTS), l’actif de réserve international du FMI dont la valeur est basée sur les cinq plus grandes monnaies du monde.

L’Argentine a payé l’équivalent d’un milliard de dollars américains en renminbi. Les 1,7 milliards de dollars restants ont été payés en DTS.

C’est la première fois que le pays paie l’organisation financière internationale avec des yuans, destinés initialement à financer des importations en provenance de Chine. En avril dernier, l’Argentine a décidé d’arrêter d’utiliser les dollars pour ses relations commerciales avec la Chine pour les remplacer par des yuans, une occasion pour l’Argentine de conserver des devises américaines dans ses réservers et pour la Chine d’installer sa monnaie comme moyen de paiement sur le marché international.

Les deux pays se sont mis d’accord sur l’extension d’un swap, un accord d’échange de devises, qui a porté la participation chinoise à près de 50 % des réserves internationales de l’Argentine, avec l’équivalent de 5 milliards de dollars librement disponibles en renminbi pour le pays sud-américain.

La Chine est actuellement le deuxième partenaire commercial de l’Argentine et la deuxième destination des exportations argentines. Par exemple, la Chine est le premier client de la viande bovine argentine. Par ailleurs, 21 % des importations de l’Argentine provenaient de son partenaire asiatique en 2022, selon les données du gouvernement, soit des achats équivalant à 17,5 milliards de dollars.

Lors d’une conférence de presse tenue jeudi, Gabriela Cerruti, la porte-parole de la présidence argentine, a mentionné le remboursement et a justifié que « l’accord avec le Fonds monétaire est respecté et que, dans le même temps, la réserve de la Banque centrale ne sera pas utilisée ou mise en péril ».

Le même jour, la Banque centrale d’Argentine a également annoncé que les établissements financiers accepteront désormais le renminbi comme monnaie pour les dépôts sur les comptes d’épargne et les comptes de chèques. Cela signifie également que les banques argentines peuvent ouvrir des comptes libellés dans la devise chinoise.

Les Argentins peuvent également acheter des yuans et les échanger contre des pesos avec une limite équivalente à 200 dollars américains par mois, dans un contexte de méfiance à l’égard de leur monnaie nationale et d’une inflation hors de contrôle qui a atteint un taux annuel de 114 %.

Julie Kozack, la directrice de la communication au FMI, a confirmé dans un communiqué que « les autorités argentines restent à jour de leurs obligations financières envers le Fonds ». Ce paiement correspond à deux remboursements attendus la semaine dernière, mais le FMI a accepté de repousser l’échéance à vendredi.

Les services du FMI et les autorités argentines vont désormais se pencher sur la cinquième revue trimestrielle des objectifs de l’accord conclu en mars dernier sur 30 mois qui a permis de restructurer le prêt de 44 milliards de dollars contracté en 2018, le plus important prêt jamais accordé par le FMI à un seul pays à l’époque.

Une délégation argentine a été envoyée à Washington pour le suivi de l’accord. Le pays souhaite également négocier une réception anticipée des quasi dix milliards de dollars que le FMI est censé leur distribuer cette année.

L’Argentine souffre de la pire sécheresse qu’elle ait connue depuis des décennies, ce qui affecte fortement son économie, ses exportations et sa capacité à rembourser sa dette.

Le produit intérieur brut devrait stagner cette année après un rebond économique post-pandémie. Les pertes économiques dues au manque de pluie sont estimées à environ 20 milliards de dollars, dont 15 milliards de dollars issus d’une baisse des exportations.

L’agriculture argentine est le premier secteur d’exportation et, à ce titre, la première source de réserves de change. Or, les récoltes de soja et de maïs, qui représentent habituellement près de 40 % de l’ensemble des exportations argentines, ont fortement diminué.

Des milliers de vaches sont également mortes de soif, ce qui a accéléré l’inflation des prix de la viande et des produits laitiers.

Les négociations se déroulent également dans un contexte où les élections présidentielles approche. Alberto Fernandez, l’actuel président, et Cristina Kirchner, l’actuelle vice-présidente et ancienne présidente, ont déclaré qu’ils ne se présenteraient pas. Sergio Massa, ministre de l’économie qui a vu ses responsabilités élargies l’année dernière, se présentera pour la coalition gouvernementale. C’est lui-même qui fut en charge de négocier la restructuration de la dette avec le FMI.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.