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La double nationalité pour la Lituanie : des enjeux d’appartenance et d’influence à l’international

4 minutes de lecture
13 décembre 2023

Un référendum organisé l’année prochaine déterminera si les Lituaniens peuvent avoir plus d’une nationalité avec le but des autorités de conserver les liens avec son pays d’origine parmi la diaspora lituanienne mais aussi l’espoir de gagner en influence à l’étranger.

Deux passeports lituaniens
Passeports lituaniens | © Ambassade de la République de Lituanie au Japon

Vilmorus, une société lituanienne d’étude de marché, a mené une enquête d’opinion auprès de 1 000 sur la double nationalité en prévision d’un référendum qui se déroulera en mai prochain. Si la population semble plutôt favorable au changement, il n’est en revanche pas certain qu’il pourra être mis en oeuvre.

Actuellement, les Lituaniens ne peuvent avoir qu’une seule nationalité, sauf circonstances exceptionnelles. Mais le 12 mai, un référendum aura lieu pour décider si les citoyens lituaniens de naissance seront autorisés à avoir plusieurs passeports.

Référendum

En effet, les personnes nées en Lituanie qui ont émigré après 1990 n’ont pas pu conserver leur nationalité lituanienne si elles ont obtenu la citoyenneté d’un autre pays.

Actuellement, la Lituanie est l’un des quatre pays de l’Union européenne qui appliquent des fortes restrictions à la double nationalité, sauf dans des circonstances particulières, tout comme l’Autriche, la Slovaquie et les Pays-Bas. L’Allemagne a modifié sa loi cette année pour autoriser plus facilement la double nationalité.

Selon Dalia Asanavičiūtė, membre du parti de la majorité, l’Union de la patrie, au Seimas, le Parlement monocaméral lituanien, un million de Lituaniens se trouvent à l’étranger et ont perdu leur citoyenneté ou risquent de le faire. « Le référendum sur la citoyenneté est très important non seulement pour notre diaspora, qui est composée de plus d’un million de personnes d’origine lituanienne résidant à l’étranger, mais aussi pour la Lituanie elle-même », a‑t-elle déclaré.

Elle a également affirmé que ce référendum était « une question de sécurité nationale », en raison de l’influence des doubles citoyens à l’étranger. Elle vante par exemple les efforts des citoyens lituaniens à double nationalité pour influencer les pays étrangers afin qu’ils soutiennent l’Ukraine dans son conflit avec la Russie. La Lituanie a été le premier pays de l’Union soviétique à déclarer son indépendance avant que le bloc ne s’effondre un an plus tard, en 1991.

Le référendum répondra essentiellement à la question de savoir si la double nationalité sera autorisée. Si le résultat est positif, la déclaration suivante sera supprimée de la constitution : « Sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut être citoyen de la République de Lituanie et d’un autre pays ». Cet amendement ferait de la double nationalité un droit pour les Lituaniens nés en Lituanie, et faciliterait celui de leurs enfants.

Les résultats du sondage suggère une participation trop faible

Vilmorus a interrogé 1 0000 adultes Lituaniens de différents foyers en face-à-face à travers le pays. Deux questions faisaient partie de l’enquête : S’ils soutiennent la légalisation de la double nationalité et s’ils iront voter le 12 mai.

Les résultats montrent que 20,1 % des personnes interrogées ont répondu qu’elles étaient tout à fait d’accord avec la proposition de double nationalité. De plus, 31,6 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles étaient plutôt d’accord avec cette proposition, soit un total de 51,7 % de la population qui est d’accord avec l’amendement. Enfin, 15,1 % des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir d’opinion. Cependant, les choses ne sont pas si simples.

Pour que le résultat du référendum soit pris en compte, il faut qu’au moins la moitié de la population en âge de voter y participe. Toutefois, cela ne suffira pas si plus de la moitié des votes sont des « oui ». Comme il s’agit d’un vote à double majorité absolue, les « oui » doivent également représenter 50 % ou plus de la population électorale.

En ce qui concerne la participation attendue, le sondage a révélé que 67,8 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles iraient voter le 12 mai. Même si ce chiffre est exact, cela signifie qu’environ 1 695 000 personnes iront voter. Mais pour que le « oui » l’emporte, il faudrait qu’environ 1 300 000 (77 %) de ces électeurs votent « oui ».

Lors d’un précédent référendum sur la double nationalité, en 2019, 73,92 % des voix s’étaient portées sur le « oui ». Cependant, le nombre de votes en faveur du « oui » n’était pas suffisant, puisqu’ils ne représentaient que 38 % de la population votante.

À ce stade, il semble donc que le taux de participation soit la clé pour que le référendum ait un résultat différent cette fois-ci.

En Lituanie, les jeunes ont tendance à moins voter que les personnes plus âgées alors que l’étude a montré que la population jeune est également la plus favorable à la double nationalité.

Les jeunes préfèrent le « oui »

Un pourcentage significatif (71,3 %) de la population jeune (de moins de 29 ans) a déclaré être d’accord, à un certain degré, avec la double nationalité. La tendance était inverse pour les populations plus âgées, tombant à 34,5 % d’accord pour les citoyens âgés de 70 ans ou plus.

L’étude des électeurs potentiels a également montré que la majorité des personnes qui voteraient pour le parti au pouvoir, l’Union de la patrie, est favorable à la double nationalité, avec 64,9 % d’approbation. Près de 90 % de ces mêmes personnes ont également déclaré qu’elles iraient voter lors de l’élection.

Les personnes qui ont déclaré qu’elles voteraient pour l’Union des agriculteurs et des verts de Lituanie, le parti ayant le deuxième plus grand nombre de sièges au Seimas, sont les plus opposées à la double citoyenneté. Ils étaient divisés sur la question de la double citoyenneté, 39,5 % y étant favorables et 40,8 % y étant opposés. Les autres n’avaient pas d’opinion. Il est également attendu à ce que ce groupe ait un taux de participation élevé, puisque 73,7 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles iraient voter le 12 mai.

Émigrants lituaniens

Les Lituaniens sont régulièrement partis du pays pour travailler depuis 1990, date à laquelle le pays a retrouvé son indépendance de l’Union soviétique. Et donc de nombreux Lituaniens dans le monde n’ont plus leur nationalité, ce qui peut à terme couper les familles de leurs racines.

« Si, cette fois, les Lituaniens parviennent à modifier la Constitution, des centaines de milliers de Lituaniens pourront retrouver leur citoyenneté lituanienne, selon Lithuanian Citizenship, une société qui aide les Lituaniens de l’étranger à recouvrer leur citoyenneté. Cela permettra notamment à leurs enfants de ne pas rompre le lien avec la patrie de leurs ancêtres. »

Le référendum aura lieu à peu près en même temps que les prochaines élections générales en Lituanie.

Alexander Saraff Marcos

Alexander est rédacteur pour Newsendip.

Il possède la double nationalité américaine et espagnole et vit entre l'Espagne et la France. Il est diplômé de l'université de Pittsburgh avec une spécialisation en philosophie et en langue française. Il aime regarder et écrire sur l'e-sport sur son temps libre.