Les deux plus grands producteurs d’œufs de l’Union européenne interdiront l’abattage des poussins en 2022 et seront les premiers pays au monde à le faire. C’est aussi l’occasion pour l’Allemagne d’exporter sa technologie.
Le 20 juillet 2021, le ministre français de l’agriculture Julien Denormandie a annoncé que le broyage des poussins d’un jour sera terminée en 2022. Cette décision fait écho à la réglementation allemande adoptée en mai 2021 qui entrera également en vigueur l’année prochaine.
Dans la filière œuf, les poussins mâles sont tués peu après leur naissance car ils ne pondent pas d’œufs et sont trop chers par rapport aux poulets de chair, élevés pour la production de viande. Toute l’industrie le fait, que les œufs soient bio, issus de poules élevées en plein air ou en cage.
Chaque année, entre 45 et 50 millions de poussins sont tués en France et en Allemagne avec des méthodes souvent considérées comme brutales.
L’abattage des poussins se fait soit par gazage, soit par broyage.
Le gazage est effectué avec du dioxyde de carbone ce qui entraîne une anoxie, c’est-à-dire un manque d’oxygène, mais le broyage est considéré comme une méthode plus efficace. Après identification du sexe, les poussins nouveau-nés sont déchiquetés vivants par une broyeuse à lames.
Effectué de manière tout à fait légale, le règlement de l’Union européenne sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort de 2009 mentionne que le broyage doit entraîner « la mort immédiate des animaux ».
Fin de l’abattage des poulets par broyage ou gazage
« Au 1er janvier 2022, tous les couvoirs de poules devront avoir installé ou avoir commandé des machines permettant de détecter le sexe des poussins dans l’œuf, avant éclosion », a déclaré le ministre français de l’Agriculture au journal Le Parisien.
En plus des 50 millions de poussins mâles tués chaque année en France, 16 millions de canetons ou oisons sont abattus chaque année dans la filière de production du foie gras selon l’association de défense des animaux L214. Pour le foie gras, ce sont les femelles, en raison d’un foie plus petit, qui sont abattues. Le ministre français n’a communiqué que sur l’abattage des poussins. Mais la réglementation du pays est censée passer par un décret qui donnera plus de détails à la fin de l’été.
Dans les deux pays, cette législation ou sa mise en œuvre ont été promises et reportées à plusieurs reprises. La technologie n’était pas prête. En 2020, la Suisse a interdit le broyage mais autorise toujours le gazage des poussins.
Les industries avicoles allemandes et françaises ne laisseront pas vivre les poussins, une solution qui reste marginale dans le monde. Elles les élimineront avant leur éclosion.
Deux technologies disponibles pour la sélection in-ovo
Les technologies utilisées pour la sélection in-ovo, c’est-à-dire la sélection des œufs avant leur éclosion, sont la spectroscopie ou l’endocrinologie.
Avec la spectroscopie, un faisceau lumineux analyse la couleur des ailes du poussin, différente entre un mâle et une femelle, à travers la coquille de l’œuf. Pour l’endocrinologie, un liquide est extrait de l’œuf sans l’endommager pour déterminer le sexe de l’animal.
Selon le ministère de l’agriculture allemand, un embryon est sensible à la douleur après 7 jours et d’ici 2024, la sélection devrait se faire pendant les 6 premiers jours d’incubation. Actuellement, l’endocrinologie est encore pratiquée vers le neuvième des 21 jours d’incubation.
La France, et plus encore l’Allemagne, ont investi dans des technologies innovantes ces dernières années, ce qui leur permet d’appliquer la législation dès maintenant. L’Allemagne a investi 8 millions d’euros entre 2008 et 2020 pour trouver des alternatives au broyage, dont 6,5 millions d’euros pour développer la détermination in-ovo.
Le coût supplémentaire pour chaque œuf est estimé jusqu’à présent entre 0,3 et 2 centimes par œuf. Selon le ministre français, le consommateur paiera l’œuf 1 centime de plus ; la France aidera les entreprises avec 10 millions d’euros de subventions pour l’achat des nouvelles machines.
7 milliards de poussins mâles abattus chaque année
L’Allemagne se dit prête à exporter son innovation. « Nous sommes un pionnier international. Nous avons massivement encouragé le développement d’une technologie […], qui est également disponible pour d’autres États membres. Nous sommes heureux de les aider à la mettre en place », a déclaré Julia Klöckner, la ministre fédérale allemande de l’agriculture. Une entreprise allemande fournit déjà le géant français Carrefour, le deuxième plus grand distributeur au monde derrière Walmart, et les fermiers de Loué pour tester leurs machines à l’échelle industrielle.
La France et l’Allemagne aimeraient maintenant que les autres États membres de l’Union européenne suivent la voie : 6,7 millions de tonnes d’œufs sont produites dans l’Union par an. Les ministres allemand et français ont présenté un texte à leurs homologues le 19 juillet et ont reçu le soutien de l’Autriche, de l’Espagne, de l’Irlande, du Luxembourg et du Portugal.
L’UE représente 8 % de la production mondiale d’œufs, la France et l’Allemagne environ 1 %. Le premier producteur est la Chine avec 35% de la production mondiale en 2019, loin devant les États-Unis (8%) et l’Inde (7%).
Dans le monde, environ 7 milliards de poussins mâles sont tués chaque année.