Le gouvernement d’Afrique du Sud souhaite imposer des quotas limitant les travailleurs étrangers

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1 mars 2022

L’Afrique du Sud a publié un projet qui fixerait des quotas sur le nombre de travailleurs étrangers. Le pays fait face à un taux de chômage extrêmement élevé et à une montée de la xénophobie.

Le ministre du Travail d'Afrique du Sud Thulas Nxesi déroulant aux médias le projet de politique nationale sur la main-d’œuvre immigrée
Le ministre du Travail d’Afrique du Sud Thulas Nxesi déroulant aux médias le projet de politique nationale sur la main‑d’œuvre immigrée | © Government ZA

Le ministre de l’Emploi et du Travail d’Afrique du Sud, Thulas Nxesi, a publié le 28 février un projet qui fixerait des limites à l’emploi des travailleurs étrangers.

Des quotas seraient appliqués dans des industries telles que l’agriculture, le tourisme ou la construction et seraient fixés par profession, secteur d’activités ou région. Les entreprises ne respectant pas les quotas pourraient se voir infliger une amende de 100 000 rand (6 500 dollars).

Les employeurs devront également justifier qu’ils ne peuvent pas trouver les compétences recherchées parmi les Sud-Africains avant d’embaucher un travailleur étranger. Les travailleurs étrangers sont tous ceux qui n’ont pas la nationalité sud-africaine, qui ne sont pas résidents permanents ou qui ne sont pas réfugiés.

En outre, le gouvernement prévoit également d’interdire aux travailleurs étrangers de créer une entreprise dans certains secteurs. En fait, de nombreux immigrés créent leur propre activité sans la déclarer, en tant que chauffeur Uber par exemple.

Le ministre Nxesi a justifié que la nouvelle politique sur la migration de main-d’œuvre cherche à « trouver un équilibre entre des intérêts qui s’opposent ».

Le taux de chômage en Afrique du Sud à son plus haut

L’Afrique du Sud est confrontée à un taux de chômage élevé et le gouvernement estime qu’il existe une perception dans le pays selon laquelle « les ressortissants étrangers faussent l’accès au marché du travail ». Selon le ministre, cette distorsion provient d’immigrés désespérés prêts à être payés une misère pour du travail non déclaré.

« Il est devenu de plus en plus évident, avec l’expansion rapide des flux migratoires internationaux, que l’Afrique du Sud doit élaborer une politique appropriée pour gérer efficacement cette situation. L’Afrique du Sud n’est pas à l’abri des tendances migratoires internationales ni des tentatives de récupérations politiques », a déclaré le ministre Nxesi dans un communiqué.

La législation est pour l’instant au stade de projet et est soumise à l’examen et aux commentaires des citoyens. Le processus de consultation durera 90 jours avant d’être modifié par le cabinet puis soumis au Parlement.

Cette annonce intervient alors que l’Afrique du Sud est aux prises avec un taux de chômage extrêmement élevé.

Le taux de chômage pour le troisième trimestre de 2021 a atteint 34,9 %. Il s’agit d’un niveau jamais enregistré par le département des statistiques d’Afrique du Sud depuis 2018, date à laquelle il a commencé à publier son enquête trimestrielle sur le marché de l’emploi.

Le pays compte 660 000 travailleurs de moins en seulement trois mois, avec toujours plus de demandeurs d’emploi découragés qui cessent d’en chercher un.

Le ministre Nxesi a déclaré que les autorités ont mené une vaste étude comparative internationale pour examiner les politiques de main-d’œuvre dans d’autres pays.

Quatre millions d’étrangers vivent actuellement en Afrique du Sud, soit 4 % de la population et 7 % de la main-d’œuvre selon les données officielles du pays.

La proportion d’immigrés dans le pays est supérieure à la moyenne mondiale mais reste relativement faible par rapport à d’autres régions. Dans le monde, une personne sur 30 (3,3 %) vit dans un pays étranger, mais les chiffres peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre, avec par exemple 21 % de migrants internationaux dans la population du Canada et 79 % au Qatar.

Une immigration qui a doublé en 10 ans, des accès de violence xénophobes

L’Afrique du Sud est le premier lieu d’immigration d’Afrique et le 15e au monde en 2019 selon l’ONU. L’ONU a également noté une augmentation significative des migrations régionales entre pays africains.

En 2005, les étrangers représentaient 2,8% de la population vivant en Afrique du Sud. Entre 2010 et 2019, ce nombre a doublé, passant de 2 millions à 4 millions de personnes. L’ONU explique que le pays a une « économie avancée et une relative stabilité politique », ce qui attire « les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés d’Afrique australe et d’ailleurs ».

Les attaques xénophobes contre les immigrés ont augmenté au cours de ces 15 dernières années en Afrique du Sud. En mai 2008, 41 étrangers sont morts à travers le territoire suite à un épisode de violences à leur encontre. Attaques physiques, pillages et destructions de biens détenus par des étrangers ont également éclaté en 2018 et 2019, engendrant encore plus de victimes.

« Les flambées de violence xénophobe sont plus fréquentes dans les townships d’Afrique du Sud et dans d’autres quartiers économiquement pauvres, où les résidents accusent souvent les étrangers d’être responsables des taux élevés de criminalité et des pertes d’emploi », souligne le rapport des Nations Unies sur la migration dans le monde en 2020.

Afin de s’accorder avec la politique du ministère du Travail, le ministère de l’Intérieur prévoit également d’intensifier ses contrôles aux frontières du pays.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.