Le ministre français de l’intérieur se dit ouvert à l’autonomie de la Corse

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17 mars 2022

Le ministre français de l’intérieur s’est déclaré ouvert à l’autonomie de la Corse alors que l’agression d’un détenu indépendantiste a déclenché de violentes manifestations. Pour la première fois, les autorités françaises pourraient envisager l’autonomie de la Corse, à quelques semaines seulement de la prochaine élection présidentielle.

La tour de la parata en Corse
La tour de la parata en Corse. L’île est une destination touristique populaire mais son économie souffre du manque d’industries diversifiées. | © Kevin and Laurianne Langlais

Le ministre français Gérald Darmanin se rend en Corse, l’île méditerranéenne située au nord de la Sardaigne, les 16 et 17 mars. La région est en proie à de violentes manifestations en réaction à l’agression d’Yvan Colonna par un détenu au début du mois.

Le 2 mars, Yvan Colonna, 61 ans, fut étranglé par un détenu laissé seul avec lui dans le gymnase de la prison. Deux semaines plus tard, il est toujours dans le coma (mise à jour du 22 mars : Yvan Colonna est décédé lundi). Yvan Colonna, indépendantiste corse, avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac, le plus haut représentant de l’État dans la région, en 1998. Arrêté en 2003 après cinq ans de cavale, il a toujours clamé son innocence.

Détenu dans des conditions strictes, son comportement en prison ne suscitait pas de plaintes alors que son agresseur était connu pour être violent. L’émotion suscitée par l’agression du nationaliste corse a conduit quelques milliers de Corses dans les rues pour dénoncer la responsabilité de la France.

La police peine à contenir les manifestants, peu nombreux mais très motivés, et au moins 44 policiers ont été blessés au cours des dix derniers jours. Certains lancent des cocktails Molotov et ont partiellement incendié des bâtiments publics, dans une atmosphère qui pourrait mener à l’insurrection.

La police manque également de soutien et de matériel. Le 2 mars, les indépendantistes ont bloqué le port d’Ajaccio, la plus grande ville de Corse, afin d’éviter que quelques policiers ne viennent du continent pour aider à rétablir le calme, ce qui a obligé les autorités à les faire venir par avion.

Le ministre de l’intérieur a déclaré mercredi dans un journal local qu’il était prêt à envisager l’autonomie de la Corse si la violence cessait. « Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie », a‑t-il déclaré à Corse Matin. Mais « il ne peut y avoir de dialogue avec la violence », a‑t-il ajouté.

Le Front de libération nationale de la Corse fondé en 1976, qui a cessé sa lutte armée en 2014, a menacé dans un communiqué, en amont de la visite du ministre, de réactiver son combat en raison du « déni méprisant » de l’État français à l’égard des aspirations corses. Il avait proféré des menaces similaires en septembre dernier.

La Corse a le taux d’homicides le plus élevé de France métropolitaine, avec 3,4 homicides pour 100 000 habitants par an, soit trois fois plus que la plupart des régions, selon les données de 2018 du ministère de l’Intérieur.

L’île est sujette à des attaques criminelles nationalistes depuis des décennies, mais les revendications sont devenues plus structurées politiquement ces dernières années.

L’autonomie de la Corse, voire son indépendance, est un débat récurrent sur l’île. La Corse est sous administration française depuis 1769, quelques semaines avant la naissance de Napoléon Bonaparte à Ajaccio. Elle dispose d’une spécificité administrative locale mais avec des pouvoirs limités.

En 2014, un politique nationaliste fut élu maire de Bastia, la deuxième ville de Corse. L’administration de l’île a fusionné en une seule collectivité territoriale en 2017, offrant une autorité administrative locale et une plus grande autonomie opérationnelle, même si elle ne permet pas à la Corse d’adopter ses propres lois ou de se substituer à l’autorité de l’État national français. Lors des élections, les partis autonomistes et séparatistes ont remporté une majorité absolue de sièges à l’assemblée de Corse.

L’île est une destination prisée par les touristes, ce qui en fait sa principale ressource économique. Mais les habitants ont du mal à trouver un logement abordable, car la demande de résidences secondaires fait grimper les prix. Avec peu d’emplois en dehors de la fonction publique et du tourisme, la Corse est plus pauvre que la moyenne française et le coût de la vie y est élevé.

Cette considération officielle d’un potentiel nouveau statut de l’île intervient après de violentes manifestations qui peuvent rappeler la période où le président Emmanuel Macron avait accordé des concessions aux gilets jaunes.

Mais les déclarations du ministre sont d’autant plus sous le feu des projecteurs étant donné le contexte électoral. La France va voter lors de l’élection présidentielle en avril prochain, pour laquelle le président français Emmanuel Macron est en tête des sondages d’opinion pour briguer un second mandat de 5 ans.

Les discussions sur un statut autonome prendraient des années. La notion d’autonomie peut prendre de nombreuses formes, que ce soit sur le plan législatif, judiciaire ou fiscal. Les discussions devraient se poursuivre au cours d’un éventuel second mandat. Cette décision pourrait être perçue comme motivée par des considérations électoralistes, alors que les revendications des Corses n’ont pas vraiment trouvé d’écho lors du premier mandat de M. Macron.

La déclaration ramène toutefois la situation de la Corse dans le débat politique. Plusieurs candidats à l’élection présidentielle sont favorables à une plus grande flexibilité locale. La candidate populiste d’extrême droite Marine Le Pen, qui a perdu en 2017 face à Macron et pourrait arriver deuxième selon les sondages cette année, s’oppose à l’autonomie de la Corse.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.