Pénurie de sucre sur des étals russes

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17 mars 2022

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Russes subissent des pénuries de certains biens, et notamment de sucre. À mesure que la valeur du rouble chute, des entreprises préféreraient indexer leur prix sur le dollar.

Sucre
© pasja1000

La présence du sucre dans les magasins russes est devenue rare et son prix a considérablement augmenté ces dernières semaines.

Les commerces de l’oblast de Sakhaline dans l’Extrême-Orient russe ont par exemple limité la vente de sucre, de céréales, de farine, d’huile végétale cette semaine à cause d’une hausse de la demande sur ces produits essentiels. Le gouvernement de Touva dans le sud de la Sibérie s’est aussi plaint de pénurie de sucre et d’huile végétale.

Mais si les autorités russes admettent une pénurie de sucre dans les rayons et une forte hausse de la demande des consommateurs, elles assurent qu’il y a assez de stocks et pointent du doigt des « organisations sans scrupule » qui profitent de la demande pour spéculer sur son prix.

Comme pendant la pandémie de Covid-19, quand la population craint une pénurie d’un bien essentiel, les consommateurs ont tendance à acheter le produit sous la panique, accentuant la pénurie et les craintes de pénurie. Le Portugal, l’Espagne ou l’Allemagne subissent aussi des pénuries d’huile de cuisine.

La forte demande engendre une augmentation des prix

Le prix du sucre a officiellement augmenté de 20% depuis le début de l’année

Etre le 5 et le 11 mars, le prix du sucre en Russie a augmenté de 12.8% selong Rosstat. C’est la plus forte hausse de prix de la semaine parmi les 106 biens et services surveillés par le bureau officiel des statistiques de Russie. Le prix du sucre a augmenté de 20.4% depuis le début de l’année, bien que cette hausse soit plus proche de 50% dans certains commerces.

De manière générale, l’inflation a augmenté de 2.09% en une semaine, et de 5.62% depuis le début de l’année. L’inflation sur 2022 a vraiment augmenté avec le début de la guerre en Ukraine. L’augmentation de l’indice des prix à la consommation en Russie était de 1.2% en février et de 1% en janvier.

Les autorités ont demandé aux grandes enseignes de limiter leur marge sur le sucre à 5%.

Le vice-ministre de l’industrie et du commerce Viktor Yevtukhov a déclaré le 17 mars à la télévision russe que le pays avait assez de stock et une production de sucre supérieure à la demande intérieure. De plus, Vladimir Poutine le 8 mars a interdit l’exportation du sucre blanc jusqu’au 31 août, excepté pour quelques membres de l’Union Économique Eurasiatique proches du Kremlin, ce qui pour Yevtukhov devrait augmenter encore plus l’approvisionnement national. Avec la guerre en Ukraine, les pays ont tendance à restreindre leurs exportations sur certains biens de base pour assurer leur sécurité alimentaire.

Le sucre de table est produit à partir de la betterave sucrière en Russie. La Fédération russe est même la plus grande productrice de betterave sucrière au monde, avec 19% de la production mondial en 2019.

La production de betteraves sucrières en Russie a fortement diminué en 2020

Cependant, si cette production a significativement augmenté depuis 2014, elle a chuté de 38% en 2020 par rapport à 2019 avec 20.4 million tonnes produites, atteignant son plus bas niveau depuis 2014. Selon les données provisoires de Rosstat en février, la production de betterave sucrière en 2021 était de 38.7 millions de tonnes, 14% plus que 2020 mais toujours 29% inférieure à celle de 2019, et inférieure à la production de 2015.

Si les stocks réels de sucre en Russie ne sont pas clairs, le pays est cependant devenu un exportateur net de sucre raffiné depuis 2017, avec une exportation nette de 857,000 tonnes en 2020 selon les statistiques de la F.A.O.

Les sanctions économiques internationales après l’invasion de la Crimée par la Russie en 2014 a poussé le pays à devenir plus auto-suffisant. Mais les récentes sanctions économiques dues à la guerre en Ukraine affecte déjà son économie locale.

La valeur du rouble chutant, certains producteurs de sucre fixerait désormais leurs prix en dollars américains, augmentant le coût local du sucre à mesure que le rouble se dévalue,

Les autorités dénoncent de la spéculation sur le sucre

Mais les autorités russes, comme Denis Pasler, gouverneur de la région d’Orenbourg aux frontières du Kazakhstan, explique que la pénurie de sucre est artificielle et montée à des fins spéculatives.

Les services fédéraux antimonopole (FAS) dénoncent des acteurs de la chaîne d’approvisionnement d’exploiter la hausse de la demande en augmentant les prix et les avertit contre la création d’une pénurie artificielle de sucre. « La pénurie de sucre dans la régions dans un certain nombre de régions est due à une forte augmentation de la demande, qui est alimentée par des organisations peu scrupuleuses, » la FAS déclare. Le sucre serait stocké par les entreprises pour profiter des futures augmentations de prix.

Mardi, le vice premier ministre Andrey Belousov a demandé de trouver quels maillons de la chaîne d’approvisionnement surfacturait le sucre de table. La FAS déclarait le 17 mars qu’elle avait commencé à contrôler des producteurs de sucre, distributeurs et intermédiaires pour prévenir de retards d’approvisionnement.

Les consommateurs russes subissent aussi des pénuries d’autres produits comme les couches, ce que les autorités justifient par des soucis logistiques. Si leur production est locale, les couches dépendent aussi de matière première importée, ce dont la Russie a en suffisante quantité pour trois mois selon Yevtukhov.

Yevtukhov n’a pas donné les quantité de sucre en stock à la télévision. Il estimait que la demande sur le sucre avait déjà commencé à diminuer et que les soucis d’approvisionnement cesseront probablement d’ici la fin mars.

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Clément Vérité

Clément est le rédacteur en chef et fondateur de Newsendip.

Il a démarré dans l'univers des médias en tant que correspondant à 16 ans pour un journal local après l'école et ne l'a jamais quitté depuis. Il a ensuite pu travailler pendant 7 ans au New York Times, notamment en tant que data analyst. Il est titulaire d'un Master en management en France et d'un Master of Arts au Royaume-Uni en stratégie marketing et communication internationale. Il a vécu en France, au Royaume-Uni et en Italie.