La loi sur la légalisation du cannabis devrait bientôt entrer en vigueur outre-Rhin mais de nombreux ministres des Länder demandent des améliorations, se prononçant en faveur d’un report de la mise en application. Explications.

Cultiver et consommer du cannabis sera possible dès le 1er avril en Allemagne… ou presque. De plus en plus de responsables politiques se prononcent en faveur du report de la loi sur la légalisation du cannabis qui doit entrer en vigueur le mois prochain.
C’est notamment le cas de la ministre de la Santé de Saxe-Anhalt, Petra Grimm-Benne (SPD, parti démocrate). « En principe, nous soutenons le projet de loi, mais nous estimons qu’une consultation est toujours nécessaire sur plusieurs points », a‑t-elle déclaré au quotidien allemand Mitteldeutsche Zeitung ce lundi. Les points de clarification concernent notamment les quantités maximales autorisées de cannabis et les distances minimales prévues entre les lieux de consommation et les établissements pour jeunes et enfants. « La mise en œuvre implique naturellement beaucoup d’efforts bureaucratiques, dont la préparation prend également du temps », a ajouté la ministre.
Des « cannabis social clubs »
En l’état, le projet prévoit la possibilité pour les particuliers de cultiver, de détenir et de consommer du cannabis à partir du 1er avril, et, à partir du 1er juillet, de devenir membres de « cannabis social clubs » pour cultiver les plants à plusieurs. La possession et la consommation de marijuana resteront toutefois formellement interdites pour les jeunes de moins de 18 ans.
Si le Bundestag, le parlement fédéral, a déjà adopté un projet de loi correspondant, le Bundesrat, organisme représentatif des länder, doit quant à lui encore donner son accord le 22 mars. D’autres voix se sont élevées dans plusieurs länder, notamment du Mecklembourg-Poméranie occidentale et du Bade-Wurtemberg, demandant également le report de la loi et une série de modifications.
Si le projet de loi est renvoyé à la médiation le 22 mars, cela repousserait d’au minimum six mois la date d’entrée en vigueur de la légalisation.
Le ministre fédéral de la Santé, Karl Lauterbach, qui dirige depuis des mois le plan gouvernemental sur le cannabis, a déclaré avant le vote que le pays « modifiait fondamentalement sa politique de contrôle du cannabis afin de lutter contre le marché noir ».
Plus de contrôles
Mais beaucoup ne partagent pas cet avis. L’impact de la légalisation du cannabis sur le marché noir et la criminalité organisée « ne peut actuellement être évalué comme un facteur de soulagement », a expliqué une porte-parole du ministère de l’Intérieur de Mecklembourg-Poméranie occidentale. Elle a en outre souligné qu’en raison de la nouvelle légalisation, démasquer les trafiquants de rue deviendrait beaucoup plus difficile. « Il n’y aura qu’un soulagement dans le domaine des enquêtes de consommation contre des adultes », a‑t-elle ajouté.
Au Canada, un an après l’entrée en vigueur en 2018 du Cannabis Act, une loi visant à contrôler la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis, les chiffres du gouvernement indiquaient que 52 % des Canadiens obtenaient (au moins une partie) de leur cannabis auprès d’une source légale (comparativement à 22 % avant la légalisation). Cependant, les Canadiens s’approvisionnent encore en cannabis sur le marché noir.
Certains craignent également que la nouvelle législation allemande pousse certaines personnes à consommer davantage… ou d’autres à commencer. Des membres du parti allemand de la CSU (Union chrétienne-sociale) réclament une surveillance des eaux usées à l’échelle nationale afin de surveiller les comportements de consommation de cannabis après la légalisation prévue : une technique utilisée par le passé dans de nombreux pays européens pour démontrer des augmentations de la consommation de drogues.
« Nous avons besoin de plus de contrôles pour que l’Allemagne ne devienne pas la nation la plus droguée de l’Europe », a déclaré Klaus Holetschek, chef du groupe CSU au Parlement du Land de Bavière, ajoutant qu’autoriser la culture et la consommation de cannabis est « une erreur et un danger ».
« Les maladies émotionnelles et psychotiques précoces vont augmenter. Le cerveau arrive à maturité vers l’âge de 25 ans et ceux qui consomment du cannabis risquent des dommages permanents », a‑t-il précisé pour expliquer ses propos.
Une violation des traités internationaux
Une récente enquête internationale publiée par The Hanway Company, un cabinet de recherches spécialisé dans les études sur le cannabis, a révélé un soutien majoritaire en faveur de la légalisation dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne (favorable à 55%).
Dans le même temps, l’organisme de contrôle des drogues des Nations Unies (ONU) a réitéré qu’il considérait la légalisation de la marijuana à des fins non médicales ou scientifiques comme une violation des traités internationaux.
Si le projet entre en vigueur, l’Allemagne deviendrait le troisième pays européen à légaliser la culture et la consommation à titre personnel du cannabis, emboitant le pas à Malte et au Luxembourg (la loi néerlandaise ne tolérant que la vente de cannabis au détail, pas sa production). En attendant le vote du 22 mars, l’évolution de la législation allemande sur le cannabis reste incertaine.