Mohamad Muizzu, récemment élu président des Maldives, souhaite le départ des forces armées de l’Inde dans l’archipel. La situation stratégique des Maldives dans l’océan Indien a suscité un vif intérêt de la part de l’Inde et de la Chine. Bien que M. Muizzu affirme qu’il n’est favorable à aucun des deux pays, les signes indiquent pourtant que les Maldives continueront à s’intégrer dans les grands projets de la Chine.
« Les Maldives sont trop petites pour être mêlées à cette lutte de pouvoir mondiale », a déclaré Mohamad Muizzu, qui doit être intronisé président de cet archipel de l’océan Indien le 17 novembre. Muizzu a affirmé à la BBC qu’il avait rencontré l’ambassadeur de l’Inde aux Maldives quelques jours après son élection et exigé que toutes les troupes indiennes, quelques dizaines de militaires s’étaient installés en 2021 pour manœuvrer et maintenir deux hélicoptères et un avion donnés par l’Inde, soient retirées du pays.
La déclaration de M. Muizzu résonne dans le contexte des relations tendues entre la Chine et l’Inde, qui ont donné lieu à plusieurs conflits et échanges de tirs à leurs frontières depuis les années 1960 jusqu’aux années 2020. Selon M. Muizzu, refuser d’être un centre névralgique pour l’Inde ou la Chine est une question de sécurité.
Cependant, le contexte de l’élection a déjà préparé le terrain pour des débats « pro-Inde contre pro-Chine ». Son adversaire aux élections générales, le président sortant Ibrahim Mohamed Solih, du Parti démocratique maldivien (PDM), s’est présenté comme un candidat ouvertement pro-indien. De son côté, M. Muizzu affirme n’être que pro-Maldives. Cependant, son parti, le People’s National Congress (PNC), a un passé plutôt enclin du côté chinois.
Muizzu est le remplaçant du PNC pour l’ex-président Abdulla Yameen, un personnage impliqué dans des scandales et qui était censé se présenter à l’élection présidentielle de 2023.
En 2018, un scandale de corruption retentissant, révélé pour la première fois par Al-Jazeera en 2016, a impliqué Yameen en tant que cerveau d’un complot visant à détourner 1,5 milliard de dollars de fonds publics. Yameen a été condamné à 11 ans de prison et à une amende de 5 millions de dollars, et ne fut pas autorisé à se présenter à l’élection.
Au cours de sa présidence de 2013 à 2018, M. Yameen a également été accusé de plusieurs chefs d’accusation de violations des droits de l’homme. Human Rights Watch avait constaté que les Maldives utilisaient des lois formulées en termes vagues pour cibler les journalistes dissidents, en particulier à partir de 2016. HRW cite des témoignages de victimes affirmant que des responsables maldiviens ont poignardé et abattu des personnalités publiques qui critiquaient le gouvernement, bien que le gouvernement ait nié toujours les accusations.
Ces abus ont eu pour conséquence qu’aucun pays n’a voulu renflouer les dettes accumulées par l’administration de M. Yameen, à l’exception de la Chine, qui lui a accordé un prêt « sans conditions », une tendance récurrente dans les pays en développement où la Chine est impliquée. Alors que Yameen est toujours condamné pour ses crimes, il vient d’être libéré par Muizzu d’une prison de haute sécurité pour être assigné à résidence, suite à la récente élection de ce dernier.
La présidence de Yameen a cultivé les liens avec la Chine, notamment en adhérant à leur initiative Belt & Road, qui vise à créer un réseau routier connectant la Chine et le reste du monde. Et le nouveau président devrait continuer à cultiver ces liens.
Un intérêt de l’Inde et de la Chine pour les Maldives
L’Inde et la Chine ont toutes deux manifesté leur intérêt pour des projets visant à améliorer les infrastructures et l’interconnectivité des Maldives.
L’Inde a lancé le projet du pont Thilamalé avec les Maldives, qui vise à relier l’île capitale, Malé, à trois de ses îles. Le projet devrait être achevé en mai 2024.
Le pont Sinamalé fut construit par la Chine et relie déjà Malé et deux autres îles des Maldives. Il a été mis en service en 2014 et a été inauguré en septembre 2018.
Les deux pays ont accordé des prêts aux Maldives pour leur développement. L’Inde a mis en place une ligne de crédit de 50 millions de dollars pour le développement de projets de défense et a fourni une aide économique. L’Indira Gandhi Memorial Hospital a été construit aux Maldives comme un don du gouvernement indien.
De même, les Maldives ont reçu de nombreux prêts de la Chine et des projets d’infrastructure, tels qu’un énorme projet de logement et la construction de plus de 10 000 logements.
Cependant, la dette des Maldives envers la Chine augmente. Mohamed Nasheed, ancien président des Maldives de 2008 à 2012, estime que le pays a une dette de 3,4 milliards de dollars envers la Chine. Il a décrit en revanche l’influence de l’Inde comme des prêts « à faible coût », ce qui les rend plus avantageux pour les Maldives. Les autorités chinoises ont démenti ce chiffre et affirmé que le prêt s’élevait à 1,5 milliard de dollars. Les Maldives ont un produit intérieur brut annuel de 5 milliards de dollars.
Depuis l’élection de Muizzu, le dirigeant chinois Xi Jinping a déclaré qu’il était « prêt à travailler avec le président élu Muizzu pour approfondir la coopération opérationnelle ».
Les Maldives sont un élément essentiel de l’initiative chinoise de la Route de la soie maritime, anciennement appelée Collier de perles, qui vise à contrôler les centres névralgiques maritimes pour le commerce entre la Chine et le Moyen-Orient.
Pour ce faire, il faut diminuer le contrôle de l’Inde sur l’océan Indien, y compris aux Maldives. Ce projet a conduit des pays de trois continents différents à avoir une dette envers la Chine, en raison des infrastructures construites dans leurs ports pour le commerce maritime. Certaines de ces dettes représentent une part importante du PIB de ces pays.
Muizzu a déjà manifesté publiquement son intérêt pour l’initiative chinoise de la Belt and Road. « Je pense que le développement de la Belt and Road peut jouer un rôle crucial dans notre développement et dans celui de tous les pays participant à cette initiative », a déclaré M. Muizzu.