L’Irlande risque d’être placée dans la plus mauvaise catégorie de pays en matière de traite des êtres humains, ce qui pourrait suspendre les échanges culturels avec les États-Unis. L’Irlande, le Belarus et la Roumanie sont les seuls pays européens à ne pas remplir les « exigences minimales » ou à ne pas faire les « efforts nécessaires » pour mettre fin à la traite des êtres humains selon les États-Unis.

Le 1er juillet, le ministère américain a publié le rapport 2021 sur la traite des personnes, donnant un aperçu des efforts déployés par les gouvernements pour lutter contre la traite des êtres humains du 1er avril 2020 au 31 mars 2021.
Pour les États-Unis, la traite des êtres humains peut consister en l’utilisation de la force, de la manipulation ou de la coercition afin d’effectuer des actes sexuels payants, d’effectuer un travail ou des services contre son gré, ou de réduire à un état de servitude.
L’Irlande figure sur la liste des pays à surveiller pour la deuxième année consécutive et sera automatiquement rétrogradée si elle ne s’améliore pas. Selon le rapport, le pays est défaillant dans la poursuite et le jugement des criminels et ne parvient pas à identifier les victimes.
Le rapport classe chaque pays en quatre catégories, conformément à la loi américaine de 2000 sur la protection des victimes de la traite des êtres humains. Même si le rapport mentionne que tous les pays peuvent faire mieux, presque tous les pays européens font des efforts qui répondent aux « standards minimum », ou qui au moins voient le nombre de victimes diminuer fortement ou ont une augmentation significative de trafiquants condamnés. L’Irlande est l’un des rares pays européens à ne pas remplir les critères suffisants, avec la Roumanie et le Belarus.
Aucune condamnation d’un trafiquant d’êtres humains en sept ans
Pourtant, l’Irlande faisait encore partie de la catégorie Tier 1, ceux qui font suffisamment d’efforts, en 2017. Mais elle a été ensuite rétrogradée en 2018 puis placée sur une liste de surveillance en 2020. Pour le département d’État américain, le gouvernement irlandais ne montre pas d’actions appropriées pour remédier aux problèmes.
Selon le rapport, l’Irlande ne parvient pas à juger les trafiquants.
Personne n’a été condamné pour traite d’êtres humains depuis 2013, bien qu’elle ait identifié 508 victimes de traite au cours des sept dernières années. Et ce même alors que la charge de la preuve s’est déplacée vers les accusés depuis 2017. Ils doivent désormais prouver qu’ils n’étaient pas au courant que la victime était exploitée. Cette absence de poursuites et de condamnations « affaiblit la dissuasion, contribue à l’impunité des trafiquants et sape les efforts visant à aider les victimes à témoigner ». Les tribunaux ont été fermés pendant 16 semaines en 2020 en raison de la pandémie, ce qui a reporté la majorité des procès.
Aucun trafiquant de main-d’œuvre présumé n’a été envoyé au tribunal et le gouvernement a enquêté et poursuivi moins de trafiquants présumés en 2020. La Commission des relations sur le lieu de travail a mené 7 687 inspections du travail en 2020, soit une augmentation de 60 % par rapport à l’année précédente. Néanmoins, elle n’a identifié aucune victime grâce à ces inspections, inopinées pour 68 % d’entre elles. Une ONG a fait part de ses préoccupations concernant le manque de compétence des inspecteurs de la commission pour traiter les violations.

L’Irlande ne prend pas les mesures appropriées pour remédier à la traite des personnes
En fait, l’identification des victimes – qui présente des « déficiences systémiques » – a diminué pour la quatrième année consécutive et a atteint son plus bas niveau depuis 2013. « Les experts ont continué à exprimer leurs inquiétudes quant à l’incapacité du gouvernement à identifier les victimes de la traite en raison des lacunes de son mécanisme d’identification et de la limitation de l’identification des victimes à la seule police. » De plus, une étude indépendante a révélé qu’entre 2014 et 2019, le nombre réel de victimes était supérieur de 38 % aux statistiques officielles.
L’Irlande est particulièrement sujette au travail forcé sur les navires de transport. Les médias ont également rapporté que des Zimbabwéens ont répondu à des offres d’emploi pour des postes dans l’industrie du tourisme au Royaume-Uni et en Irlande, mais ont fini par être contraints de travailler comme domestiques.
Toutefois, en février 2021, une nouvelle unité de police a été créée pour se concentrer sur l’industrie du sexe, en particulier sur les victimes de la traite, ce qui est une source d’optimisme et pourrait améliorer les résultats. Le gouvernement a également accru les efforts de prévention avec des campagnes de communication pendant l’année.
Dix-sept pays ne font pas les efforts minimum
Faire partie de la liste de surveillance pour la deuxième année consécutive peut avoir des conséquences pour l’Irlande. Les deux dernières années était considérées comme un temps de répit pour le pays, mais il sera automatiquement rétrogradé au dernier rang des pays s’il ne montre pas d’amélioration significative.
Dans ce cas, les États-Unis peuvent restreindre l’aide étrangère gouvernementale non humanitaire ou non liée au commerce. En outre, ils peuvent également mettre un terme aux programmes d’échanges éducatifs et culturels.
L’Irlande rejoindrait alors un groupe de pays comme l’Afghanistan, la Chine, Cuba, l’Iran, la Corée du Nord, la Russie, la Syrie et le Venezuela, qui font partie des 17 gouvernements de la catégorie la plus basse « qui ne respectent pas pleinement les standards minimum et ne font pas d’efforts significatifs pour le faire ».
Dans quinze de ces pays, les forces armées recrutent ou utilisent des enfants soldats. Parfois, les gouvernements sont eux-mêmes les auteurs des abus. Onze gouvernements sont identifiés par les États-Unis comme étant directement impliqués dans le trafic. Par exemple, le rapport classe la Chine parmi les trafiquants en détenant « plus d’un million de musulmans, dont des Ouïghours, des Hui, des Kazakhs, des Kirghizes, des Tadjiks et des Ouzbeks, dans pas moins de 1 200 camps d’internement gérés par l’État dans le Xinjiang ».
Le Secrétaire d’Etat Antony Blinken a souligné les conséquences de la désinformation avec l’utilisation de faux récits comme outils de recrutement, et les défis « monumentaux » causés par la pandémie. En effet, les plus vulnérables sont plus susceptibles de devenir la proie des trafiquants du sexe ou du travail. « S’il y a une chose que nous avons apprise l’année dernière, c’est que la traite des êtres humains ne s’arrête pas pendant une pandémie », a écrit Kari Johnstone, directrice par intérim du Bureau de surveillance et de lutte contre la traite des personnes du Département d’État américain.
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Sources :
- Victims of trafficking and violence protection act of 2000, U.S. Library of Congress, accès gratuit
- Trafficking in persons report, U.S. Department of State, juin 2021, accès gratuit