Une jeune fille de 17 ans a tué un homme qui l’exploitait comme prostituée. La Cour suprême du Wisconsin doit décider si elle peut plaider l’immunité judiciaire en tant que victime de trafic sexuel.
Par une nuit de juin 2018, Chrystul Kizer, 17 ans à l’époque, porte une arme dans son sac. Une arme qu’elle a utilisée pour tuer Randall Volar, un homme de 34 ans, à son domicile de Kenosha une ville proche de Milwaukee dans l’État du Wisconsin.
Elle l’avait rencontré sur un site internet, aujourd’hui fermé, connu pour faciliter le trafic sexuel. Dans une interview au Washington Post en 2019, Chrystul Kizer justifiait qu’elle avait besoin d’argent pour des snacks et pour l’école.
Pendant un an, Volar l’agressait et l’exploitait comme prostituée, selon des documents judiciaires.
Mais cette nuit-là, elle sortit son arme et lui tira une balle dans la tête. Elle a ensuite brûlé la maison et volé sa voiture. Elle a déclaré aux inspecteurs qu’elle avait pris une arme pour se protéger et qu’elle était fatiguée de ses attouchements. Elle a justifié le fait de lui tirer dessus parce que la porte était verrouillée et qu’elle avait eu peur de ne pas pouvoir partir.
Bien qu’elle l’ait tué, Kizer peut être considérée comme non coupable. Une loi du Wisconsin prévoit en effet l’immunité des victimes de traite sexuelle pour les crimes liés à cette traite. La loi adoptée en 2008 absout les victimes d’exploitation sexuelle pour « tout délit commis en conséquence directe » du trafic.
Chrystul Kizer peut-elle invoquer l’immunité au tribunal ?
Un juge du comté de Kenosha a d’abord estimé qu’il serait absurde que la loi soit étendue à l’homicide. Mais une cour d’appel de l’État a annulé cette décision, considérant que l’immunité s’applique à tout délit qui est la conséquence directe du fait d’être victime de trafic. Le département d’État a alors fait appel devant la Cour suprême de l’État.
Il affirme que l’homicide était prémédité et n’était pas le résultat direct de la traite d’être humain. Randall Volar était assis sur une chaise lorsqu’il a été tué, ce qui écarterait l’argument selon lequel elle aurait échappé à une agression sexuelle, selon le procureur adjoint de l’État. Le procureur soutient également qu’elle a dit à son petit ami qu’elle avait l’intention de tirer sur Volar et qu’elle a envoyé un SMS à un ami disant « Je vais avoir une BMW » la veille de la fusillade. La défense soutient qu’elle devrait être autorisée à plaider l’immunité au procès.
Et la Cour suprême du Wisconsin doit maintenant décider si Kizer, aujourd’hui âgée de 21 ans, peut faire valoir que l’immunité accordée aux victimes de trafic sexuel peut être appliquée pour avoir tué quelqu’un. La haute cour ne décidera pas si Kizer est innocente ou coupable. Elle est seulement chargée de répondre à la question de savoir si elle peut invoquer que la loi la protège de toute responsabilité pénale.
La décision ne sera pas juridiquement contraignante pour les autres États disposant de lois sur l’immunité similaires. Mais elle pourrait contribuer à définir les contours de l’immunité accordée aux victimes de la traite sexuelle dans des dizaines d’États américains.
Selon Legal Action of Wisconsin, qui fournit une assistance juridique aux personnes à faible revenu, près de 40 États américains ont adopté au cours de la dernière décennie des lois accordant aux victimes de trafic sexuel un certain degré d’immunité pénale.
L’issue de l’audience pourrait modifier les stratégies de procès des défenses et des procureurs. Par ailleurs, cela pourrait changer la manière dont les victimes réagissent aux abus.
Les procureurs ont accusée Kizer d’homicide volontaire de premier degré, d’incendie criminel, de vol de voiture et de possession illégale d’une arme à feu. Elle encourt une peine non-compressible de prison à perpétuité si elle est reconnue coupable d’homicide. Kizer a passé deux ans en prison avant d’être libérée en juin 2020 après que des groupes de soutien ont payé sa caution de 400 000 dollars.
Les groupes de lutte contre la violence soutiennent Kizer, expliquant que les victimes de la traite des êtres humains se sentent prisonnières de la situation. D’une certaine manière, elle n’a fait que se défendre contre les abus.
Le début de l’audience est prévue pour le 1er mars.