Le gouvernement portugais a présenté un nouveau plan d’immigration visant à mettre fin au régime spécial des migrants non européens ce lundi, alors que le vieillissement de la population et le manque de main d’œuvre qualifiée obligent le pays à faire appel à toujours plus de travailleurs étrangers.

À la fin de l’année 2023, le nombre de travailleurs étrangers enregistrés comme salariés au Portugal s’élevait à 495 000, soit une augmentation de 35,5 % par rapport à l’année précédente et neuf fois plus qu’au début de la décennie. Ce sont les conclusions d’une étude de la Banque du Portugal (BdP) publiée ce lundi.
En effet, en 2014, seules 7,9 % des entreprises basées au Portugal employaient des travailleurs de nationalité étrangère. Dix ans plus tard, ce pourcentage est passé à 22,2%, soit plus d’une entreprise sur cinq.
Cette évolution fulgurante, selon la BdP, est le résultat d’une réduction de la population en âge de travailler et du manque de main-d’œuvre dans des secteurs spécifiques. Ces facteurs ont « renforcé la nécessité pour les entreprises portugaises d’embaucher des travailleurs étrangers ».
« La principale raison pour laquelle le Portugal a vu le nombre d’immigrants augmenter est qu’il en a besoin », déclarait Luis Goes Pinheiro, directeur de l’Agence pour l’intégration, la migration et l’asile (AIMA), à France 24 en février dernier, précisant que le pays a la population la plus vieillissante d’Europe après l’Italie.
« La part de travailleurs étrangers dans le nombre total de salariés est plus élevée dans les municipalités ayant une activité agricole importante, en particulier dans le sud du pays », peut-on lire dans le rapport de la BdP. C’est en effet dans le secteur de l’agriculture et de la pêche qu’ils ont le plus de poids : quatre travailleurs sur dix sont étrangers, soit deux fois plus qu’en 2019, avant la pandémie. Viennent ensuite l’hébergement et la restauration (31%), les activités administratives (28%) et la construction (23%).
La répartition des travailleurs étrangers par nationalité montre une prédominance des travailleurs brésiliens dans presque tous les secteurs : l’année dernière, ils étaient plus de 209 000 à être inscrits à la sécurité sociale, ce qui équivaut à 42,3% du total. Viennent ensuite quatre autres nationalités : les Indiens (41,000), les Népalais (26,900), les Capverdiens (22,700) et les Bengalis (18,800).
Les étrangers gagnent moins, mais sont plus qualifiés
La Banque du Portugal met également en évidence la différence de salaire entre les étrangers et les Portugais l’année dernière et par tranche d’âge. Les étrangers de moins de 35 ans ont gagné en moyenne un peu plus que le salaire minimum (769 euros contre 760 euros pour le salaire minimum national) et 133 euros de moins que les travailleurs portugais du même âge. Les travailleurs non portugais de plus de 35 ans gagnaient 781 euros, soit 164 euros de moins que les travailleurs portugais.
La différence est également visible d’un secteur à l’autre. Tous les immigrés inscrits à la sécurité sociale l’année dernière ont gagné moins, en moyenne, que les travailleurs portugais dans pratiquement tous les secteurs, à l’exception des activités d’information et de communication, où le poids des travailleurs de nationalité européenne (qui représentent 12,6% de l’ensemble des étrangers) est prédominant (supérieur à 30%).
Malgré cela, les chiffres montrent que les immigrés enregistrés en 2021 étaient plus qualifiés que les Portugais, « bien que l’écart se soit réduit au cours de la dernière décennie », souligne le rapporteur de l’étude.
Dans le cas de la population portugaise, le poids des salariés âgés de 20 à 64 ans ayant suivi un enseignement secondaire ou supérieur est passé de 44,7% en 2011 à 60,5% en 2021. Le poids de ces qualifications a également augmenté dans la population étrangère, passant de 53,1% en 2011 à 67,1% en 2021.
« La répartition des qualifications académiques parmi les travailleurs étrangers est relativement stable entre les groupes d’âge. En revanche, parmi les ressortissants portugais, il y a plus de jeunes employés qualifiés que de travailleurs qualifiés plus âgés », précise-t-il.
Une réforme du plan d’immigration fustigé par la gauche et l’extrême droite
Alors que la BdP présentaient les résultats de son étude ce lundi, au même moment, le gouvernement portugais dévoilait un nouveau plan d’immigration visant à mettre fin au régime qui permettait aux migrants non européens de s’installer au Portugal sans contrat de travail et de demander la résidence après avoir payé un an de sécurité sociale.
La révocation du régime spécial signifie que les migrants devraient disposer d’un contrat de travail avant de pouvoir s’installer dans le pays. L’entrée de professionnels qualifiés, d’étudiants, de personnes originaires de pays lusophones et de personnes souhaitant un regroupement familial sera prioritaire. Le gouvernement n’a cependant fourni aucun détail sur le type de qualifications auquel il fait référence.
« Le Portugal ne fermera pas ses portes à ceux qui recherchent une opportunité », a déclaré le Premier ministre Luís Monténégro lors de la présentation, « mais nous ne pouvons pas aller à l’autre extrême et laisser nos portes grandes ouvertes ».
Le nouveau plan d’immigration du gouvernement a été vivement critiqué par les partis d’opposition qui se sont exprimés dans les médias. Pedro Nuno Santos, chef du Parti socialiste (PS) portugais, a qualifié le projet de « vague » et a déclaré qu’il pourrait créer un « vide juridique », rendant encore plus difficile la légalisation des immigrants vivant déjà au Portugal.
Le leader du parti d’extrême droite Chega, André Ventura, estime que les mesures du gouvernement ne vont pas assez loin, qualifiant le plan de « faible, mal conçu et inefficace ».
Le parti de gauche Bloco de Esquerda (BE) estime quant à lui que la suppression du régime spécial ne fera que conduire à davantage d’immigration clandestine. « Nous craignons que ce projet n’aggrave le problème, car si l’on élimine l’un des moyens de légaliser les migrants qui viennent ici, il se produira davantage d’immigration clandestine » a déclaré la coordinatrice du BE, Mariana Mortágua.