Quand le minage illégal de crypto-monnaies provoque les pannes d’électricité au Paraguay

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25 mars 2024

L’augmentation du minage illégal de crypto-monnaies au Paraguay en raison du faible coût de son électricité entraîne régulièrement la saturation du réseau. Les autorités ont décidé de sévir contre ces fermes de création de monnaie afin d’éradiquer les connexions illégales.

Un homme travaillant avec des câbles emmêlés et la climatisation sur un mur de bâtiment au Paraguay.
Le Paraguay est l’un des rares pays d’Amérique latine à avoir maintenu un système électrique intégré, mais les connexions illégales des fermes de minage de crypto-monnaie provoquent une surcharge du système | © José Carlos Alexandre

Au Paraguay, le vol d’électricité pour le minage de cryptomonnaies provoque de fréquentes pannes de courant et des interruptions dans un réseau électrique stable sinon.

Mercredi, Paula Carro, la porte-parole présidentielle du gouvernement du Paraguay, a signalé que les connexions aux réseaux de transmission d’énergie provenant de fermes de minage de crypto-monnaies illégales provoquent une surcharge du système de distribution et entraînent son effondrement.

En effet, des interventions de l’Administration nationale d’électricité (ANDE), l’opérateur national d’électricité, pour des activités irrégulières ont lieu tous les jours.

La semaine dernière encore, l’Agence d’information du Paraguay a signalé qu’un important local dédié au minage de crypto-monnaies avait été détecté dans la ville de Quiindy, 16 000 habitants dans le département de Paraguarí. Plus de 1 000 machines de traitement de crypto-monnaies ont notamment été saisies sur les lieux.

De plus, à Lambaré, la sixième ville la plus peuplée du Paraguay, ANDE est intervenue pour la deuxième fois cette année dans un entrepôt fonctionnant comme une usine de crypto-monnaie impliquée dans un vol d’électricité à grande échelle. Le coût financier pour l’entreprise publique s’élevait à plus de 700 millions de guaranis (90 000 euros) par mois. L’intervention a fait suite à des plaintes de résidents concernant des coupures de courant fréquentes.

Pour lutter contre ces connexions irrégulières, un accord de coopération interinstitutionnelle a été signé entre le ministère public, la Cour suprême et ANDE afin de faciliter le processus judiciaire concernant l’identification, la persécution et la sanction des mineurs clandestins.

L’accord marque une étape importante dans la rationalisation du processus judiciaire.

ANDE a déclaré que, depuis 2019, plus de 60 plaintes au pénal sont en suspens et attendent d’être résolues. Par ailleurs, depuis 2023, 43 interventions ont amené à la saisie de matériel pouvant utiliser jusqu’à 90 MW d’électricité – une capacité quatre fois supérieure à la consommation électrique de la ville de Villarrica, la capitale du département de Guairá qui compte 56 000 habitants.

La décision de sévir contre les raccordements illégaux est soutenue par la Chambre paraguayenne des technologies financières, qui milite depuis longtemps contre l’exploitation minière illégale.

Les avantages de l’hydroélectricité au Paraguay attire les mineurs

Le Paraguay peut se targuer d’avoir l’une des énergies les plus vertes et les plus abordables au monde, provenant quasi entièrement de l’énergie hydroélectrique grâce au barrage d’Itaipu, situé sur le fleuve Paraná, à la frontière entre le Paraguay et le Brésil.

Le barrage est la troisième plus grande centrale hydroélectrique du monde et, selon l’Association internationale de l’hydroélectricité, il produit environ 95 % de l’électricité du Paraguay.

Par conséquent, depuis 2019, le secteur de la production de cryptomonnaies s’est considérablement développé au Paraguay. Les faibles coûts de cette énergie renouvelable abondante et d’une capacité d’approvisionnement élevée a en effet rendu le pays une région intéressante pour la production de crypto-monnaies, notamment de Bitcoin.

Une équipe de mineurs de cryptomonnaies employée par Braiins Mining, une entreprise tchèque qui fournit du matériel pour le minage, avait d’ailleurs estimé en 2022 que le Paraguay, avec ses coûts de l’énergie s’élevant en moyenne à 0,033 dollar par kilowattheure (kWh) – l’un des tarifs d’électricité les plus stables au monde – représentait une « véritable oasis pour les mineurs de Bitcoin ».

Les premiers entrepreneurs de Bitcoin au Paraguay avaient installé leurs fermes à Villarrica, une ville qui se distingue par son indépendance vis-à-vis du réseau électrique national. Elle dispose en effet de sa propre compagnie d’énergie privée, CLYFSA.

Mais les fermes de crypto-minage se sont progressivement répandues et rassemblées dans le département de l’Alto Paraná où, selon Félix Sosa, le président d’ANDE, les connexions illégales des sociétés minières ont entraîné des pertes de 2,8 milliards de guaranis (350,000 euros) par mois entre janvier et juillet 2022 pour ce seul département.

Des tentatives de réglementation du minage

En 2022, un projet de loi encadrant la pratique du minage de crypto-monnaies n’a pas été adopté en raison du veto de l’ancien président Mario Abdo Benítez, ce qui a freiné le développement de l’industrie naissante.

Selon Coindesk, ANDE avait demandé au gouvernement paraguayen d’augmenter les tarifs d’électricité de 60 % par rapport à la norme du secteur – et le projet de loi, s’il avait été adopté, aurait plafonné ces augmentations à 15 %.

Une réglementation spéciale mise en place par ANDE est en vigueur pour assurer un taux spécifique à l’activité. Seules 50 entreprises ont reçu le statut légal pour s’engager dans la pratique de l’exploitation minière.

Sur le réseau social X, la porte-parole du gouvernement paraguayen a affirmé la semaine dernière que le gouvernement actuel de Santiago Peña « s’efforce d’apporter une solution définitive aux pannes d’électricité en s’attaquant à leurs principales causes ».

Mme Carro a ainsi expliqué que cette solution définitive réside dans la numérisation de 100 % des réseaux de distribution, et que cette mise en œuvre technologique permettra de détecter plus facilement les connexions irrégulières.

L’entreprise publique du réseau électrique a également prévu d’installer 4 500 transformateurs de distribution dans toute la zone métropolitaine afin d’éviter les surcharges.

Claire Rhea

Claire est journaliste pour Newsendip.

Elle a grandi à Londres et possède la double nationalité américaine et française. Elle est diplômée en sciences politiques et économie de l'Université McGill à Montréal. Elle a également vécu en Italie.